Je ne cherche pas à donner de conseils à Benjamin Netanyahou quant à la manière de prolonger ce que certains pourraient considérer comme une carrière politique déjà excessivement longue. Loin de là. Mais si c'était le cas, je conseillerais vivement au Premier ministre israélien de regarder le film «Le Parrain».
Ceux d'entre vous qui connaissent la quintessence du film sur la mafia se souviendront de la scène dans laquelle Don Vito Corleone, vieillissant et invalide, prodigue des conseils à son fils Michael, qui est en train de reprendre les rênes de la famille. Les familles rivales, les Barzini en tête, flaireront la faiblesse et l'occasion de décapiter définitivement les Corleone, explique le Don. Ils organiseront une réunion à laquelle Michael sera convié – et au cours de laquelle il sera tué. Pour dissiper les soupçons, l'invitation viendra d'une personne dont la loyauté envers les Corleone n'a jamais été mise en doute. Don Vito conclut: «Maintenant, écoutez, celui qui vient vous voir avec cette réunion de Barzini, c'est lui le traître. Ne l'oubliez pas.» Et c'est ainsi que l'infortuné Sal Tessio a fini sous les eaux.
Netanyahou se trouve aujourd'hui dans une situation similaire à celle de la famille Corleone. Il est affaibli et entouré d'ennemis qui aimeraient bien le voir aux oubliettes de l'histoire politique: des milliers d'entre eux remplissent d'ailleurs régulièrement les rues de Tel-Aviv pour le réclamer.
Cette situation est entièrement imputable à M. Netanyahou. Les événements du 7 octobre dans le sud d'Israël n'ont pas seulement été une horreur indicible pour les victimes et leurs familles, bien que ce soit certainement le cas; ils n'ont pas porté seulement un coup dur à l'État d'Israël lui-même, bien que ce soit également le cas; ils ont également été un désastre personnel et politique pour Netanyahou, et ce pour deux raisons.
Il est affaibli et entouré d'ennemis qui aimeraient le voir aux oubliettes de l'histoire politique
-Ross Anderson
Tout d'abord, l'attaque du Hamas a eu lieu sous sa surveillance: «M. Sécurité» s'est endormi au volant et a perdu de vue l'essentiel. Deuxièmement, les Israéliens perspicaces comprennent très bien que M. Netanyahou a toujours entretenu des relations délibérément confuses avec le Hamas. Il a fait juste ce qu'il fallait pour le garder sous contrôle avec des incursions occasionnelles à Gaza – «tondre l'herbe», comme l'armée israélienne appelle ces opérations – afin de s'assurer qu'il ne devienne jamais une menace existentielle pour Israël.
Par ailleurs, il a fermé les yeux sur les flux d'argent et d'armes qui maintiennent le Hamas à flot, parce qu'il en a besoin: le cauchemar de Netanyahou, c'est un peuple palestinien uni, prêt à négocier l'indépendance de l'État qu'il mérite tant, et tant que le Hamas existe, cela ne peut pas arriver. L'attaque du 7 octobre a mis fin à tout cela, obligeant Netanyahou à déclarer que la guerre contre Gaza ne s'arrêterait pas tant que le Hamas n'aurait pas été détruit – un résultat qu'il sait ne pas pouvoir atteindre et qu'il ne souhaite même pas.
Ainsi, assailli par ses ennemis, M. Netanyahou a besoin d'amis. Mais regardez-les. Ses principaux alliés sont les bigots religieux d'extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich – les Chuckle Brothers de la politique israélienne. Personne en dehors d'Israël (et peu en Israël d'ailleurs) ne comprend pourquoi l'un ou l'autre occupe une fonction publique: dans n'importe quel pays civilisé, ils ne seraient pas au gouvernement, mais en prison pour incitation à la haine raciale. En effet, Ben-Gvir a été inculpé à de nombreuses reprises et condamné pour incitation au racisme, propagande terroriste et soutien au terrorisme.
C'est à ce moment-là que Netanyahou pourrait être confronté au piège que les Barzini ont essayé de tendre à Michael Corleone.
-Ross Anderson
Ces deux-là maintiennent Netanyahou à son poste contre la volonté de la plupart des Israéliens, mais ils n'ont jamais caché leur mépris à son égard et ont clairement fait savoir que, s'il ne réduit pas Gaza à un terrain vague inhabitable – ou, mieux encore, habité uniquement par des colons israéliens –, ils renverseront son gouvernement.
C'est à ce moment-là que Netanyahou pourrait être confronté au piège que les Barzini ont essayé de tendre à Michael Corleone. Un politicien israélien traditionnel – peut-être Yair Lapid ou Benny Gantz – viendra lui faire une offre: mettez fin à la guerre, ramenez les otages à la maison et nous soutiendrons votre gouvernement avec les votes dont vous avez besoin pour survivre. Leur intention, bien sûr, sera inverse: mettre fin à la guerre, oui, mais pour chasser Netanyahou de son poste et forcer la tenue d'élections dans lesquelles il serait largement battu.
Il se peut, bien sûr, que Netanyahou s'en aperçoive. On ne survit pas à un poste de Premier ministre israélien pendant près de 17 ans, par intermittence, sans être un stratège politique d'une habileté non négligeable: comparé à lui, Machiavel n'est qu'un Forrest Gump. D'un autre côté, ce serait sous-estimer l'insatiable soif de pouvoir qui a soutenu Netanyahou tout au long de sa vie.
Peut-être que quelqu'un lui fera une offre qu'il ne pourra pas refuser...
Ross Anderson est Rédacteur en Chef adjoint d’Arab News et ex- Rédacteur en Chef du Sunday News à Belfast.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com