L’affaire « Imane Khelif » : Coups bas sans précédent dans l’histoire des JO !

L'Algérienne Imane Khelif célèbre sa victoire sur la Hongroise Anna Luca Hamori lors du quart de finale de boxe féminine des 66 kg pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024 à la North Paris Arena, à Villepinte, le 3 août 2024. (AFP)
L'Algérienne Imane Khelif célèbre sa victoire sur la Hongroise Anna Luca Hamori lors du quart de finale de boxe féminine des 66 kg pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024 à la North Paris Arena, à Villepinte, le 3 août 2024. (AFP)
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Publié le Mercredi 07 août 2024

L’affaire « Imane Khelif » : Coups bas sans précédent dans l’histoire des JO !

L’affaire « Imane Khelif » : Coups bas sans précédent dans l’histoire des JO !
  • Le 2 août, le porte-parole du CIO, Mark Adams, a tenu a rappeler que « tous les participants respectent les règles d’éligibilité aux compétitions »
  • Les chaînes d’info en continu, pour qui l’essentiel du « mal français » vient de l’immigration, sont montées au créneau (avec jubilation !), et CNEWS, avec l’extrême-droite (Les Patriotes), en a rajouté. L’agressivité a gagné le monde du sport

Historique et sans précédent ! C’est la première fois qu’une telle levée de boucliers cible une athlète, et une athlète… femme, qui plus est ! Oui, il faut désormais le préciser : l’article « une » ne suffit plus, semble-t-il.

Mais encore ! Il se trouve que cette athlète est une Algérienne. Et alors, là, connaissant la dose de susceptibilité et de fierté mêlées des Algériens et leur conviction que le monde entier leur en veut ou en veut à leur passé révolutionnaire... Alger vaut bien une messe, non ? C’est du moins ce que disait Gillo Pontecorvo, le réalisateur de La Bataille d’Alger, célèbre film qui lui valut 3 Oscars ! Et voilà qu’une Italienne, la Première ministre Giorgia Meloni, s’est permise de fustiger la boxeuse algérienne après sa victoire contre l’Italienne Angela Carini ! Pire encore, pour Matteo Salvini, le vice-président du Conseil des ministres, la victoire de celle qu’il a qualifiée de « boxeuse transalgérienne » (sic) est « une gifle à l’éthique du sport et à la crédibilité des JO » ! Quand je vous dis que c’est sans précédent : il y aurait donc des « transalgériens » comme il y a des « transgenres » ! Je me demande si je ne suis pas, moi aussi, un « transalgérien », autrement dit un Algérien en… transit ?

Imane Khelif paie pour un conflit qui la dépasse !

Il y a tout de même de quoi se poser une question : tout ce branlebas de combat de boxe parce qu’il est question d’une boxeuse soupçonnée d’être un boxeur ? Rappelons que l’an dernier, déjà, Imane avait été écartée (en finale !) lors des championnats du monde de boxe par l'Association internationale de boxe amateur (AIBA), à la suite de tests ayant révélé des « taux élevés de testostérone ». Le CIO avait choisi de la soutenir pour les JO 2024. Ce que le public (même sportif) ne sait pas, c’est que les « institutionnels » de la boxe sont, depuis plusieurs années, dans le collimateur du CIO, pour des problèmes de gestion financière. En 2008, déjà, lors des JO de Pékin, puis en 2012, lors des JO de Londres, « les officiels et arbitres de l'AIBA ont dû faire face à des accusations de corruption ». 

Le magazine Marianne a son explication : « Le CIO et l'IBA (Fédération internationale de la boxe) sont en conflit ouvert depuis quatre ans. En 2023, le CIO avait officiellement banni l'IBA de son giron, lui reprochant notamment des problèmes de gouvernance, des scandales d'arbitrage à répétition ou encore sa dépendance financière persistante au géant russe Gazprom.»

Voilà qui expliquerait tout ! Et un responsable de la boxe française, contacté par le même magazine, d’affirmer : « Ce n'est pas un hasard si cette histoire surgit maintenant alors que cette athlète concourt depuis des années. L'IBA agit en sous-main pour discréditer les Jeux olympiques. »

Et que fait l’AIBA ? Dans une vidéo consacrée au sujet, un enquêteur indépendant n’hésite pas à parler de « vengeance », accusant ainsi l’AIBA d’avoir utilisé le cas d’Imane Khelif pour « torpiller la crédibilité des épreuves de boxe supervisées par le CIO » ! Mais quel est donc le « poids » de cette boxeuse pour déranger autant son monde et non seulement les dirigeants sportifs mais également une certaine presse de l’Hexagone ? Que dis-je : jusqu’à… Donald Trump, qui, en campagne, a écrit sur son réseau Truth Social : « Je garderai les hommes hors du sport féminin ! » Même Elon Musk lui-même a eu son mot à dire sur « l’affaire » ! Oui. Y aurait-il donc un mystère « Imane » qui échapperait aux observateurs les plus avertis ? Un complot ? Une question de souveraineté nationale menacée ?

Un journaliste algérien, correspondant du magazine Le Point, administre un uppercut en pleine face du grand manitou de Twitter : « Tu es fou, Elon Musk : tu as provoqué un peuple qui ne connaît pas la marche arrière. Les Algériens vont te rendre plus fou que tu ne l'es! »

Mais où sont passées les féministes ?

Sans précédent, disais-je… Et c’est la formule qui revient un peu partout ! En conférence de presse, le 2 août, le porte-parole du CIO, Mark Adams, a tenu a rappeler que « tous les participants respectent les règles d’éligibilité aux compétitions », avant de préciser : « De nombreuses femmes peuvent avoir un taux de testostérone égal à celui des hommes, tout en étant des femmes. » Mais tout le long de ces diatribes, un silence étonnant n’est pas passé inaperçu, pour ainsi dire : pas une féministe n’a élevé la voix pour dénoncer la vague de cyberharcèlement subie par la boxeuse algérienne. Ce qui a scandalisé la journaliste Ghada Hamrouche : « Imane Khelif est née FILLE et, comme beaucoup de femmes, elle a des problèmes hormonaux qu'elle traite pour les réguler (…). Les Occidentaux, qui nous ont abreuvés de discours sur l'acceptation des identités de genre, veulent maintenant l'expulser de la compétition après l'avoir privée de la médaille d'or au championnat du monde l'an dernier. C'est une discrimination sans précédent. »

Oui, toujours sans précédent… Certes, en Algérie, la boxe n’est pas un sport fait pour les filles… Le père d’Imane, qui, au départ, ne voyait pas d’un bon œil que sa fille coure les rings, témoigne : « Imane est née fille et elle a été élevée comme une fille. Petite, elle avait une forte volonté au travail et à l'entraînementDepuis qu'elle est petite, sa passion, c'est le sport. Dans tous les autres sports, elle était toujours en tête. »

Les chaînes d’info en continu, pour qui l’essentiel du « mal français » vient de l’immigration, sont montées au créneau (avec jubilation !), et CNEWS, avec l’extrême-droite (Les Patriotes), en a rajouté. L’agressivité a gagné le monde du sport, réputé plutôt fair-play.

                                                                              Salah Guemriche

Et la presse française ? Les chaînes d’info en continu, pour qui l’essentiel du « mal français » vient de l’immigration, sont montées au créneau (avec jubilation !), et CNEWS, avec l’extrême-droite (Les Patriotes), en a rajouté. L’agressivité a gagné le monde du sport, réputé plutôt fair-play. On a atteint l’intimidation. Sur Instagram, Anna-Luca Hamori, l’adversaire hongroise de l’Algérienne aux quarts de finale, écrit : « Nous vous demandons d'entreprendre toutes les démarches nécessaires à l'égard de cette athlète car elle viole la Charte olympique et l'esprit de compétition loyale. » Et comme cela ne suffisait pas, le 5 août, l’IBA a organisé une conférence de presse pour tenter de disqualifier non seulement la boxeuse algérienne mais carrément les décideurs du… CIO ! Ce que le quotidien Libération résumera par ce titre à la une : « Le noble art plongé dans l’ignoble polémique visant l’Algérienne Imane Khelif ! »  

Une tout autre menace risque de remettre un peu d’ordre et de rendre enfin justice à la championne algérienne : le CIO, qui a avoué aux responsables sportifs algériens sa priorité, celle de « protéger l’athlète », nous apprend qu’il était en train de « rassembler tous les écrits et toutes les déclarations portant atteinte à l'athlète qui a été soutenue par toutes les instances mondiales de l'olympisme ». En attendant, de nombreuses voix exhortent le coach de l’Algérienne à porter plainte, y compris contre le patron de X ! Que justice lui soit rendue. Ainsi soit-ELLE.
 

Salah Guemriche, essayiste et romancier algérien, est l’auteur de quatorze ouvrages, parmi lesquels Algérie 2019, la Reconquête (Orients-éditions, 2019); Israël et son prochain, d’après la Bible (L’Aube, 2018) et Le Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou, enquête sur les conversions en terre d’islam (Denoël, 2011). X: @SGuemriche

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