Du 7 octobre 2023, je garde le témoignage poignant d’une mère, Hadas Kalderon, rescapée du kibboutz Nir Oz, mais dont les deux enfants avaient été pris en otages et qui suppliait les ravisseurs de les épargner, en ajoutant, comme pour les amadouer, qu'elle les supposait parents eux-mêmes et qu'ils sauraient donc entendre son appel, déchirant: «Mes enfants n'ont pas à subir cette guerre. Ce n'est pas leur guerre!»… Alors que des soldats israéliens, qui venaient de neutraliser les assaillants, frappaient à la porte de son abri, elle se demandait comment elle pouvait savoir s’il ne s’agissait pas des terroristes. Répondant aux appels des sauveteurs, elle s'écria: «Mais où étiez-vous?»
La brave dame Kalderon racontera plus tard: «J'entends mon fils me crier tous les jours dans l'oreille "Maman sauve-moi", c'est ce que j'entends tous les jours et j'ai le cœur brisé.»
Si des cœurs brisés, il en est des dizaines de milliers en Palestine et au Liban, les horreurs vécues par les civils israéliens, ce jour-là, resteront gravées dans les mémoires, comme un nouveau pogrom.
Même si, en matière de pogroms, Israël s’y connaît bien, depuis le 9 avril 1948 et jusqu'à nos jours. En 1948, lors du massacre de Deir Yassin, écrit l’historien israélien Benny Morris: «70% des victimes étaient non combattantes, et les prisonniers furent exécutés» (1).
Israël est un État libre, libre de tout faire, et en toute impunité: libre de fouler aux pieds le droit international, de coloniser et de massacrer des populations, sans que les dirigeants du monde «libre» lèvent le petit doigt, et quand ils le lèvent, le petit doigt, c’est pour un… véto!
Salah Guemriche
De quoi «la seule démocratie de la région» est-elle le nom?
S’il n’est pas question, ici, de faire un parallèle historique, il n’est pas inutile de rappeler de quoi Israël est désormais le nom: celui d’un État au-dessus de toutes les lois internationales.
Israël est un État libre, libre de tout faire, et en toute impunité: libre de fouler aux pieds le droit international, de coloniser et de massacrer des populations, sans que les dirigeants du monde «libre» lèvent le petit doigt, et quand ils le lèvent, le petit doigt, c’est pour un… véto! Il n’est pas inutile non plus de rappeler ce constat historique: Israël est le seul pays au monde contre lequel la CPI et la CIJ ne peuvent rien, malgré toutes les résolutions de l’ONU: plus de soixante! Et les droits de l’Homme? De toute évidence, cela ne concerne en rien l’État hébreu: «Israël a le droit de se défendre»: cela sonne comme un onzième commandement, en effet.
Même ce qui se passe dans les prisons d’Israël ne regarde pas la communauté internationale, vous dit-on: cela relève de la souveraineté nationale, pardi! Les humanitaires des ONG dans la région sont bien placés pour le savoir, à leur corps défendant. Même ceux des ONG israéliennes. Comme la PHRI (Physicians for Human Rights-Israel).
Fondée «dans le but de promouvoir une société juste où le droit à la santé est accordé de manière égale à toutes les personnes sous la responsabilité d'Israël», la PHRI a beau dénoncer les manquements aux plus simples droits humains (2), il se trouve toujours des va-t-en- guerre à la Knesset pour brandir le fameux onzième commandement, repris de par le monde et, tout particulièrement, à travers les médias de France!
«Israël a le droit de se défendre», y compris au Liban. Et y compris par des moyens interdits par les lois de la guerre, comme ce fut le cas des explosions des bipeurs et autres talkies-walkies.
Voici ce que raconte la maire de Saraïn (région de la Békaa): «Fatima Abdallah (10 ans) faisait ses devoirs sur la table du salon. Elle a entendu le bipeur de son père sonner et a voulu le lui apporter. Il a explosé dans ses mains et elle est morte sur le coup.» (3)
Il se trouve toujours des va-t-en- guerre à la Knesset pour brandir le fameux onzième commandement, repris de par le monde et, tout particulièrement, à travers les médias de France!
Salah Guemriche
Alors, oui, «trop, c'est trop!» Comme disait le cri du collectif réuni en 2001 à l’initiative de Madeleine Rebérioux et Pierre Vidal-Naquet... Aujourd’hui, ce cri, même rentré, vous dit: Faites donc cesser ces massacres! Arrêtez cette injustice indigne de dirigeants dont les ascendants connurent le pire, et qui, au nom de ce pire, se croient autorisés à reproduire abomination et désolation! Même dans leur grand malheur, les juifs d’Europe avaient fini par recouvrer leurs droits, et par être «indemnisés» quatre fois plutôt qu’une: historiquement, moralement, financièrement et territorialement. Cela ne vaut pas effacement de «l’abomination de a désolation» des temps modernes (la Shoah), certes. Mais, par l’indemnisation territoriale, la communauté internationale avait corrigé une abomination par une autre abomination, une injustice par une autre injustice. Pourtant, il suffisait de suivre le conseil du grand historien de la science Yeshayahou Leibowitz: «Il ne s'agit plus de libérer les Territoires occupés, mais de libérer Israël des Territoires occupés!» On croit entendre le général de Gaulle, sur l’Algérie. Oui, «libérer Israël des Territoires occupés». Pour qu’un jour, peut-être, le kibboutz dénommé Kfar Aza (en hébreu: «Village de Gaza») soit une simple banlieue de la ville de… Gaza.
(1) Benny Morris, The Birth Of The Palestinian Refugee Problem Revisited,
Cambridge University Press, UK 2003
(2) https://inprecor.fr/index.php/node/4311
(3) « Explosions des bipeurs du Hezbollah : ces victimes civiles que l'Occident
ne saurait voir »
Salah Guemriche, essayiste et romancier algérien, est l’auteur de quatorze ouvrages, parmi lesquels Algérie 2019, la Reconquête (Orients-éditions, 2019); Israël et son prochain, d’après la Bible (L’Aube, 2018) et Le Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou, enquête sur les conversions en terre d’islam (Denoël, 2011).
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteuret ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.