Gaza, 51e État des USA?

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Publié le Samedi 08 février 2025

Gaza, 51e État des USA?

  • Trump s’inspirerait-il, sans oser le dire, des Nazis qui avaient prévu de «transplanter» les juifs d’Europe à Madagascar?
  • La communauté internationale se contente de dire son émoi, et, à la rigueur, sa réprobation

Lors de sa conférence de presse, aux côtés du Premier ministre israélien, le président américain a déclaré que «les Palestiniens n’avaient d’autre choix que de quitter définitivement Gaza, et que les États-Unis prendraient le contrôle de la bande de Gaza et y construiraient des logements». C’est ce qu’on peut lire dans le journal israélien Haaretz du 5 février.

On a beaucoup commenté ces déclarations. Le monde entier, y compris les alliés traditionnels des Américains, l’Union européenne en tête. Il y eut un effet de sidération, même en France, comme si l’on venait d’entendre des déclarations d’un adolescent jurant qu’il allait balancer un bidon d’essence sur la flamme du Soldat inconnu... Mais la réaction la plus éloquente, ce fut la chaîne LCI qui nous l’a montrée, à travers ce regard qui en dit long sur l’effet produit par les mots de Trump...  

Trump s’inspirerait-il, sans oser le dire, des Nazis qui, avant d’opter pour la Solution finale, avaient prévu de «transplanter» les juifs d’Europe à Madagascar?

Ainsi, voilà un nouveau «conquérant» qui annonce clairement son projet de réserver aux Gazaouis le sort des «Amérindiens», et le «Monde libre» qui, passé l’effarement, réagit mollement, comme s’il n’avait pas pris pas au sérieux le président américain... Et même si, comme je l’apprends à l’instant, «le Parlement bruxellois adopte une résolution reconnaissant le génocide à Gaza et appelle à des sanctions contre Israël», les parlementaires, au niveau européen, eux, oublient que l’heure n’est plus à la dénonciation du génocide mais à la condamnation d’un plan de la déportation de toute une population et d’occupation de ses terres!... Quel est donc ce droit international qui, en 2025, autoriserait une puissance à réitérer, cinq siècles après, le crime suprême qu’elle avait déjà infligé aux «Native Americans»?

Faire de Gaza «la Côte d’Azur» du Moyen-Orient! La belle affaire, si j’ose dire! Et cela, en toute impunité! Comme si l’impunité totale, accordée par la «communauté internationale» à Israël depuis trois-quarts de siècle, n’avait pas déjà commis assez d’injustice et de crimes pour finir par un génocide!...

«Communauté internationale»? Jamais cette dénomination n’aura été aussi fallacieuse! Les peuples de tous les continents, et même une partie du peuple israélien, sont témoins des massacres qui ont ensanglanté Gaza, et, conséquence inespérée, ce sont ces peuples qui, lors de grandes manifestations, font une belle leçon d’humanité à leurs gouvernants!  

Et que fait ladite «communauté internationale»?

Elle se contente de dire son émoi, et, à la rigueur, sa réprobation. Le «Monde libre» s’apprête à accoucher d’un ersatz d’Hitler, et l’on répond par de timides levers de boucliers, alors que l’avortement, en l’occurrence, devient un acte urgent d’humanité!

Au moment où un proche de Trump, collecteur de fonds à son service et pro-israélien, parle d’idée «folle»1, ni le Parlement européen ni l’ONU n’ont eu, eux, «l’idée» de le dire au président américain! Et alors que les médias de France, tout particulièrement, continuent d’interdire tout emploi du mot «génocide», voilà qu’un Israélien, Lee Mordechaï, historien renommé et professeur d’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem, publie un rapport de 124 pages, avec 1 400 notes, où sont documentés les crimes de guerre commis par Israël, à partir de témoignages oculaires, de vidéos, de photos et autres documents dont «la plupart ont été enregistrés par des soldats israéliens»2! Et si vous demandez à Lee Mordechaï les raisons qui l’ont poussé à publier un tel ouvrage, lui, qui fut officier dans l’armée de son pays, voici ce qu’il vous dira:

«J’ai senti que je ne pouvais pas continuer à vivre dans ma bulle, que nous parlions de crimes capitaux et que ce qui se passait contredisait les valeurs dans lesquelles j’avais été élevé (...) J’ai rédigé ce document pour qu’il soit connu de tous. Ainsi, dans six mois, un an, cinq ans, dix ans ou cent ans, les gens pourront revenir en arrière et constater que c’est ce que l’on savait, ce qu’il était possible de savoir et que ceux d’entre nous qui ne savaient pas ont choisi de ne pas savoir.»

Ce document n’a pas échappé aux médias de France, mais journalistes et rédacteurs en chef ont fait partie de ceux qui ont choisi de ne pas... faire savoir! Tout comme ils ont choisi de ne pas trop s’attarder sur le plan du nouveau führer du Monde libre. Rappelons son argumentaire, comme l’a rappelé la revue Tribune juive, répondant à ceux qui doutent de la faisabilité de son plan: «D’autres pays que l’Égypte et la Jordanie accepteront les habitants de Gaza. Même les bâtiments encore debout s’effondreront. La mort à Gaza dure depuis des années (...) Au Mexique aussi, ils ont d’abord dit non, puis ils ont accepté.» Et pour conclure: «Je parle de déplacer définitivement tous les Palestiniens de Gaza»3.

Alors, Gaza, bientôt 51e État des USA, en lieu et place du Mexique ou du Canada? C’est dire dans quel état mental est tombé le président de la première puissance mondiale! Il y a plus de 80 ans, un autre chef avait connu le même état. Et l’on sait ce qu’aura coûté, aux grands-parents des Israéliens, cette fureur...   

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1 Cité dans Haaretz du 5 février 2025.

2 https://aurdip.org/ (Association des universitaires pour le respect du droit internationale en Palestine).

3 https://www.tribunejuive.info/2025/02/05/trump-recoit-netanyahu-des-declarations-explosives-en-conference-de-presse-suivent/

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Salah Guemriche, essayiste et romancier algérien, est l’auteur de quatorze ouvrages, parmi lesquels Algérie 2019, la Reconquête (Orients-éditions, 2019); Israël et son prochain, d’après la Bible (L’Aube, 2018) et Le Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou, enquête sur les conversions en terre d’islam (Denoël, 2011). 

X: @SGuemriche

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