Certaines de ces critiques émanent des alliés occidentaux traditionnels d'Israël, qui se méfient des motivations personnelles et politiques de M. Netanyahou, dont l'objectif est de retarder son procès pour corruption et de s'assurer de l’engagement de ses alliés extrémistes au sein de la coalition gouvernementale actuelle.
C'est toutefois en Israël que les critiques sont les plus vives.
«Tant que le Hamas gardera le contrôle de la vie civile à Gaza, il pourra se reconstruire et se renforcer, forçant ainsi l'armée israélienne à réintervenir dans des zones où elle a déjà opéré», a déclaré le ministre de la Défense, Yoav Gallant, en mai, en insistant sur un plan pour le «jour d'après».
Le chef d'état-major de l'armée israélienne, Herzi Halevi, partage le même sentiment. «Sans un processus diplomatique visant à établir une autorité gouvernementale dans la bande de Gaza autre que le Hamas, nous serons contraints de programmer des campagnes militaires répétées», ajoute-t-il.
Certes, Benjamin Netanyahou n’a pas élaboré de plan pour l'après-guerre. L'absence d'une telle «vision», cependant, ne relève pas seulement de son incapacité à la formuler, mais plutôt de l'incertitude quant à savoir si la guerre produira des résultats favorables pour Israël.
Or, neuf mois de guerre ont montré qu'Israël est tout simplement incapable de maintenir sa présence militaire dans les zones urbaines, qu’elles aient fait l'objet d'un nettoyage ethnique ou qu’elles soient peu peuplées. Cela s'est avéré aussi bien dans le sud que dans le nord de la bande de Gaza, y compris dans les villes frontalières accessibles lors des premiers jours et premières semaines de la guerre.
Pour qu'un plan d'après-guerre conforme aux intérêts d’Israël puisse voir le jour, il est nécessaire que Gaza soit soumise militairement – un objectif actuellement plus éloigné que jamais.
Au début de la guerre, M. Netanyahou a affirmé à plusieurs reprises qu'Israël aurait «la responsabilité globale de la sécurité» de la bande de Gaza, et ce «pour une période indéfinie». Cette perspective semble également peu probable, étant donné les tentatives infructueuses d'Israël pour exercer un tel contrôle sécuritaire entre 1967 et 2005. En effet, Israël a été contraint, en raison de la résistance populaire pendant la deuxième Intifada, de redéployer ses forces hors de la bande de Gaza, tout en imposant un siège hermétique depuis lors.
Les événements récents ont également démontré que le blocus israélien n’est pas viable, avec un échec manifeste des tentatives de confinement des habitants de Gaza, comme l'a reconnu l'armée israélienne elle-même. «Le 7 octobre, j'ai échoué dans la mission de ma vie: protéger l'enveloppe (de Gaza)», a déclaré le commandant de la 143e division, le général de brigade Avi Rosenfeld, lorsqu'il a présenté sa démission la semaine dernière.
En d’autres termes, le retour au statut d'après 1967 n'est pas une option rationnelle, pas plus que la réactivation du prétendu plan de désengagement d'après 2005.
Alors que Washington s'efforce de concevoir une alternative qui garantisse la sécurité d'Israël à long terme – sans tenir compte des droits, de la liberté ou de la sécurité des Palestiniens, bien entendu –, Benjamin Netanyahou refuse de s’engager sur cette voie. Le principal obstacle aux propositions américaines, du point de vue du gouvernement israélien, réside dans le tabou autour de la «reprise des négociations» dans le courant politique dominant du pays.
De plus, M. Netanyahou s'oppose fermement à toute implication de l'Autorité palestinienne (AP) à Gaza, une position partagée par d'autres responsables israéliens. Cette résistance intrigue de nombreux observateurs, étant donné que l'AP est déjà impliquée dans le dispositif de sécurité israélien en Cisjordanie. La principale préoccupation de Benjamin Netanyahou semble être que le retour de l'AP à Gaza renforcerait politiquement le président, Mahmoud Abbas, fortement engagé dans le «processus de paix» soutenu par les États-Unis.
Non seulement les dirigeants israéliens actuels rejettent tout retour aux anciens discours politiques, mais ils ont aussi radicalement évolué vers une rhétorique favorisant l'annexion militaire de la Cisjordanie et même la recolonisation de Gaza. Pour atteindre cet objectif, selon les attentes du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, deux événements devraient se produire consécutivement: tout d'abord, la pacification de la résistance de Gaza, suivie d’un nettoyage ethnique partiel ou total de la population palestinienne vers l’Égypte.
Benjamin Netanyahou est incapable de déterminer, avec un quelconque degré de certitude, si la guerre aura des résultats favorables pour Israël.
Dr Ramzy Baroud
L’échec de l'armée israélienne dans sa première tâche rend la seconde tout aussi irréalisable, d’autant plus que la récente opération israélienne à Rafah a repoussé des centaines de milliers de Gazaouis déplacés de la frontière égyptienne vers le centre de la bande de Gaza.
Benjamin Netanyahou ne semble pas avoir de véritable plan pour Gaza, ni pour le moment ni pour l’après-guerre. Il prolonge donc la guerre même si son armée est épuisée et contrainte de se battre sur plusieurs fronts. Cependant, reprocher à M. Netanyahou de ne pas proposer une vision «du jour d’après» pour Gaza est également un vœu pieux, car cela suppose qu'Israël a toutes les cartes en main, ce qui n’est pas le cas.
Naturellement, il existe une alternative à ce scénario de guerre interminable, soit la levée définitive du siège de Gaza, la fin de l'occupation militaire et le démantèlement du régime d'apartheid. Cela permettrait aux Palestiniens de jouir de la liberté et des droits garantis par le droit humanitaire international.
Si la communauté internationale avait le courage d'imposer à Tel-Aviv une telle réalité «du jour d’après», la guerre et la résistance n'auraient plus lieu d'être.
Le Dr Ramzy Baroud est journaliste et écrivain. Il est rédacteur en chef de The Palestine Chronicle et chercheur principal non résident au Center for Islam and Global Affairs. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappe, s'intitule «Our Vision for Liberation: Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak Out».
X : @RamzyBaroud
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com