À moins de 100 jours des élections, de nombreux habitants de Washington comparent l'ambiance qui règne dans le pays à celle des derniers mois au pouvoir de deux présidents n’ayant fait qu’un mandat : Jimmy Carter et George H.W. Bush. Néanmoins, bien que Donald Trump soit très en recul dans les sondages, il ne peut être complètement éliminé tant qu’il lui reste plus de trois mois de campagne.
Les derniers sondages montrent un Trump en danger électoral croissant puisqu’ils indiquent que Joe Biden a pris davantage d’avance au niveau national et que sa marge est désormais plus grande que celle d’Hillary Clinton au cours de sa campagne de 2016. D’après les estimations du très important Collège électoral, Biden bénéficie d’une avance considérable dans les États clés et si le scrutin présidentiel devait avoir lieu aujourd’hui, il est très probable qu’il gagnerait.
Cependant, les instituts de sondage se souviendront de l’expérience de l’automne 2016, lorsque l’avance apparemment consistante de Clinton s’est évaporée au soir de l’élection. Et quand bien même Biden l’emportait, il reste fort probable, à moins que Trump n'explose, que les sondages montrent un rétrécissent de l’écart entre les deux candidats.
Ce scénario de « résultats serrés » est surtout probable si le président cherche à recalibrer sa stratégie électorale au cours des trois derniers mois de la campagne. Bien qu’il soit encore trop tôt pour savoir si la tendance de ces derniers jours se poursuivra, nous pouvons observer des signes de grande modération dans l’attitude de Trump et une nouvelle reconnaissance de la gravité de la crise du coronavirus. Alors qu'une grande partie de la population américaine considérait sa réponse à la pandémie comme médiocre, Trump a reconnu la semaine dernière pour la première fois que la crise allait « s'aggraver avant de s'améliorer » et a changé de position sur la question des masques faciaux, affirmant qu’il était maintenant « patriotique » d'en porter un.
Au moins une partie de la raison de cette transformation semble être les récentes mutations dans l’équipe de campagne de Trump. Bill Stepien, directeur des opérations de la campagne de 2016, a pris la place de Brad Parscale, qui a apparemment été critiqué par Trump pour le rassemblement qui a eu lieu à Oklahoma le mois dernier et qui n’a attiré que très peu de personnes.
La nouvelle stratégie de 100 jours, si elle se confirme, est basée sur la conviction de la nouvelle équipe de campagne que la tactique utilisée en 2016 pour séduire une base noyau et surfer sur une vague anti-establishment ne sera pas suffisante pour gagner de nouveau. Un effort accru s’impose donc pour convaincre les électeurs du centre, le président mettant moins l'accent sur la rancune et la discorde et cherchant à apporter une plus grande conciliation politique dans un pays plus divisé qu’il ne l’a probablement jamais été à tout autre moment de l’histoire récente.
La question clé est de savoir dans quelle mesure Trump, avec l’énorme bagage politique que sa présidence possède déjà grâce à trois ans et demi de polarisation, pourra faire de cette stratégie un succès pour atteindre les électeurs-charnière en s’efforçant d’obtenir plus de consensus et à soigner des relations effilochées. Il ne fait aucun doute que le bureau de la présidence peut encore – s’il est confié à des mains suffisamment qualifiées - offrir un potentiel de renouveau et d'unité nationale en ces temps difficiles.
Toutefois, beaucoup d’électeurs n’auront pas oublié à quel point Trump a évité cette stratégie avec sa rhétorique quelquefois démente et son échec à constituer un programme qui unifierait le pays après les controverses de la campagne de 2016. L'animosité partisane et les défis politiques plus vastes qui ont émergé de cette élection n'ont pas été abordés par Trump. Tout en se révélant un candidat efficace (bien que peu orthodoxe), son manque d'expérience de la gouvernance- en tant que premier président depuis Dwight Eisenhower à n'avoir jamais occupé de fonctions officielles auparavant - a limité sa capacité à faire avancer son programme.
Pour les mois qui restent de son mandat, la présidence continue à fournir à Trump au moins deux grands pouvoirs : celui de fixer les grands thèmes de son administration, y compris le renouvellement et l’unité, et celui de créer des coalitions interactives avec le public et au Congrès en soutien au programme de l’administration. L’efficacité de Trump dans la détermination des thèmes et l’établissement de coalitions de soutien continuera à dépendre de sa capacité politique à exploiter deux sources de pouvoir : le prestige populaire du bureau présidentiel et sa réputation de dirigeant parmi les membres du Congrès et les hauts fonctionnaires fédéraux.
« Des signes de grande modération sont visibles dans l’attitude de Trump, ainsi qu’une nouvelle reconnaissance de la gravité de la crise du coronavirus ».
Andrew Hammond
Les présidents forts et efficaces exploitent chaque source de pouvoir de manière interactive, comme l’ont fait Franklin Roosevelt et Ronald Reagan respectivement dans les années 1930/40 et 1980. Pour tenter de transformer sa présidence avant le jour des élections, Trump devra montrer plus clairement et avec plus de détermination qu’il sait faire les deux, défiant les attentes de nombreux électeurs.
Dans l’ensemble, Trump a toujours une chance de se rattraper dans les sondages en évitant la rancœur excessive, l’abus de pouvoir et en mettant en place un programme convaincant pour un deuxième mandat qui pourrait unifier le pays plutôt que de le déchirer davantage.
Andrew Hammond est un associé LSE IDEAS à la London Schoool of Economics.
L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.