Liban: Mission française de la dernière chance?

Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Sejourne, s'exprime lors d'une conférence de presse au Palais des Pins à Beyrouth, le 28 avril 2024. (Photo Anwar Amro AFP)
Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Sejourne, s'exprime lors d'une conférence de presse au Palais des Pins à Beyrouth, le 28 avril 2024. (Photo Anwar Amro AFP)
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Publié le Samedi 04 mai 2024

Liban: Mission française de la dernière chance?

Liban: Mission française de la dernière chance?
  • La semaine dernière, la diplomatie française a enfin rédigé un nouveau document qui a été remis aux deux parties, Israël et le Hezbollah
  • Le commandement du Hezbollah est toujours convaincu qu'Israël ne lancera pas une guerre de grande envergure au Liban

Des informations diplomatiques occidentales à Beyrouth, divulguées à de hauts responsables libanais, indiquent que la classe politique israélienne, est, semble-t-il, convaincue que le Hezbollah n’acceptera pas un cessez-le-feu immédiat avant d’être sûr qu’Israël est sur le point de lancer une offensive militaire majeure contre lui dans le sud et en Syrie.

Mais le commandement du Hezbollah est toujours convaincu qu'Israël ne lancera pas une guerre de grande envergure au Liban. De peur que le parti pro-iranien n’augmente la portée des frappes lancées contre des villes et des installations vitales en Israël, de l'extrême nord à l'extrême sud. Il faut préciser que la milice pro-iranienne s'appuie sur son importante réserve de missiles, et sur l'intensité de ses frappes qui peuvent dépasser 5 000 tirs par jour, que les différentes défenses antiaériennes israéliennes seraient incapables de contenir.

Cette analyse émanant de sources proches du Hezbollah table sur la peur d'Israël d’être la cible de frappes sévères et des pertes énormes qui pourraient être infligées à ses infrastructures civiles et économiques en représailles à une attaque de grande envergure. Mais l’évaluation du Hezbollah et de ses bailleurs de fonds iraniens ignore la nouvelle donne qui s’est imposée sur les plans sécuritaires et militaires à la suite de l’opération du 7 octobre. Cette dernière a profondément changé la façon de penser en Israël et a grandement influencé la doctrine stratégique israélienne concernant le Liban et le Hezbollah.

D’où les difficultés majeures qui caractérisent l’effort diplomatique international visant à empêcher le déclenchement d’une guerre entre Israël et le Hezbollah. Il s’agit dans l’esprit des interlocuteurs occidentaux de convaincre le Hezbollah de cesser le feu afin de revenir à la situation qui prévalait au 6 octobre 2023.

C'est sur cela que parie le Hezbollah, qui s'accroche à une guerre d’usure de faible intensité, tant que la guerre à Gaza se poursuit. Pour la milice pro-iranienne, il n’y aura pas de cessez-le-feu avant la fin des opérations militaires israéliennes à Gaza. Mais cette logique ne prend pas en compte le fait qu’Israël insiste pour ne pas revenir au 6 octobre. Il pousse pour établir des mesures de sécurité en profondeur afin de sécuriser pour toujours la région du nord.

La semaine dernière, la diplomatie française a enfin rédigé un nouveau document qui a été remis aux deux parties, Israël et le Hezbollah. Ce document n'a pas pris en compte le fait qu’Israël insiste pour que le Hezbollah évacue complètement la zone d'opérations de la Finul jusqu'à une distance de 30 kilomètres. Or, le document français s'appuie implicitement sur le principe d’un retrait du Hezbollah jusqu’à 7 ou 10 kilomètres au-delà de la frontière. D’un autre côté, Israël n’acceptera pas la modification de la résolution 1701 qui permettant au Hezbollah d’imposer, après le cessez-le-feu, un retrait à 8 ou 10 kilomètres. Dans ce cas, la milice pro-iranienne restera active et efficace à la frontière et pourra, d'ici à quelques mois, reconstruire ses capacités militaires dans la bande frontalière. Rappelons que le document parle aussi de garanties franco-américaines et onusiennes. Ce que ne veulent ni les Israéliens ni les Américains en l’absence d’une application totale de la résolution 1701.

Qu’en est-il du danger de guerre qui plane sur le Liban? Tout laisse à croire que les Israéliens offriront au Hezbollah le choix entre deux options: soit battre en retraite, soit s'engager dans une guerre généralisée, quels qu'en soient les résultats. Tel Aviv part du principe qu’une fois la guerre de Gaza terminée il ne sera plus en mesure de frapper le Liban aussi facilement que Gaza. La communauté internationale n’entérinera pas une guerre israélienne au Liban.

Mais que se passerait-il si les informations indiquant qu'Israël mènerait une guerre différente de celle de 2006 étaient vraies? On parle d’une campagne qui ciblerait avec grande précision et force les infrastructures du Hezbollah, en évitant les zones à forte densité de population, afin de ne pas contrarier les composantes libanaises qui sont plutôt défavorables au Hezbollah ?

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. X: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.