Après les fanfaronnades, les postures et les discours enflammés, l'Iran est finalement passé aux actes en tirant des centaines de roquettes et de drones explosifs sur Israël en représailles à une frappe aérienne contre le consulat iranien à Damas. Le résultat fut aussi désastreux qu'un feu d'artifice dans le jardin du voisin.
Certes, l'attaque était d’envergure et complexe, lancée depuis plusieurs États et impliquant des missiles balistiques et des missiles de croisière sophistiqués à longue portée, mais 99% d'entre eux ont été interceptés sans causer de dommages. L'Iran peut tout au plus se prévaloir d'avoir légèrement endommagé une base du Néguev et d'avoir blessé une fillette arabe bédouine de 10 ans.
Le Hezbollah a également tiré des dizaines de roquettes sur des zones déjà évacuées du nord d'Israël et de la région du Golan, déclenchant une riposte israélienne musclée contre des cibles au Liban. Les dirigeants plus avisés à Téhéran comprendront que désormais, c'est à Israël de décider de la riposte, qui pourrait être d'une ampleur beaucoup plus importante.
Néanmoins, ces attaques ont provoqué la jubilation de l'Iran et de ses alliés. Le président, Ebrahim Raïssi, s’est vanté que l'attaque avait «donné une leçon au régime sioniste». Les députés iraniens ont brandi leurs poings en l'air en scandant: «Mort à Israël! Mort à l'Amérique!» Les partisans du Hezbollah arpentaient les rues de la banlieue sud de Beyrouth, klaxonnant et célébrant l’événement. Les responsables iraniens ont même mis en garde la Jordanie, affirmant qu’elle serait «la prochaine cible» si elle prenait des mesures pour défendre Israël.
Cette frappe de l’Iran a non seulement exacerbé les tensions, mais elle a, par sa nature désastreuse et pitoyable, remis Benjamin Netanyahou en selle et renforcé la détermination des dirigeants israéliens bellicistes, qui cherchent depuis longtemps une confrontation décisive avec Téhéran et réclament désormais une riposte audacieuse. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré sans ambages que la confrontation d'Israël avec l'Iran «n'était pas encore terminée». Le ministre de la Sécurité publique d'Israël, Itamar Ben-Gvir, a appelé à une «attaque écrasante» contre l'Iran. Un autre ministre, Ofir Sofer, a déclaré: «L'audace de l'Iran dans une telle attaque doit être réprimée.» En outre, la mission de l'Iran auprès des Nations unies a prévenu que «si le régime israélien commet une autre erreur, la réponse de l'Iran sera considérablement plus sévère», tout en conseillant aux États-Unis de «rester à l'écart».
Les États-Unis et la Grande-Bretagne se sont empressés de voler au secours d'Israël. Joe Biden a décrit comment les États-Unis ont déployé des avions et des destroyers de défense antimissile avant l'attaque, se vantant d'avoir «aidé Israël à abattre presque tous les drones et missiles entrants» tirés depuis l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Yémen. Des avions de chasse britanniques et des avions ravitailleurs ont été envoyés depuis des bases à Chypre. Des pays comme l'Allemagne et l'Autriche se sont dépêchés d’afficher leur soutien à Israël (j'aurais aimé qu'ils manifestent ne serait-ce qu'une fraction de cet enthousiasme et de cette sympathie pour les Palestiniens à Gaza). Un tel soutien occidental à Israël serait tout aussi décisif dans un conflit régional plus large.
Les alliés de l'Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, confrontés à une menace de conflit apocalyptique imminente, devraient mettre en garde l'ayatollah Ali Khamenei que la partie est terminée et que la guerre contre Israël et l'Occident ne peut se terminer que d'une seule manière.
Baria Alamuddin
Toute riposte significative d'Israël marquerait très probablement le point de non-retour vers une guerre régionale généralisée. Les dirigeants bellicistes d'Israël seraient fortement tentés d'exploiter l'occasion pour réduire considérablement les capacités militaires de Téhéran, peut-être en ciblant les installations nucléaires de l'Iran et son vaste arsenal de missiles.
Il est essentiel de comprendre les implications d’un tel conflit élargi. Une grande partie du Liban serait ravagée, compte tenu de sa proximité avec la machine de guerre d'Israël et de la détermination de Tel-Aviv à neutraliser le Hezbollah. Il est certain que le Hezbollah et ses alliés tireraient des dizaines de milliers de missiles sur les villes israéliennes, ce qui ne ferait que renforcer la détermination d’Israël et des États-Unis — selon les propos de M. Netanyahu — de transformer le Liban en Gaza.
Au-delà du Liban, les forces mandataires de l'Iran dans la région comptent des centaines de milliers de combattants en Syrie, au Yémen et en Irak, ainsi que des membres du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI). Bien que ces forces soient nettement dépassées par les capacités militaires occidentales et israéliennes, l'issue des combats dans ces États serait dévastatrice.
La fermeture de l'espace aérien régional et les perturbations dans le transport maritime en mer Rouge ne sont qu'un avant-goût du chaos qui s'ensuivrait. L'Iran chercherait certainement à exploiter le détroit d'Ormuz et le détroit de Bab el-Mandeb pour imposer un coût disproportionné à l'économie mondiale, et il a déjà saisi un navire commercial. Ses mandataires, quant à eux, se vantent de leur volonté de mener de nouvelles frappes contre des cibles économiques dans le Golfe.
La frappe aérienne d'Israël sur le complexe de l'ambassade de l'Iran à Damas le 1er avril était indéniablement un acte illégal, probablement destiné à provoquer exactement la réaction qui a suivi. Cependant, ce n'était que le dernier épisode d'un conflit larvé alors que les mandataires paramilitaires de l'Iran renforcent progressivement leur position politique et militaire dans les États arabes. Parallèlement, Israël continue de cibler les installations iraniennes en Syrie, tout en assassinant des scientifiques dans le domaine du nucléaire et des figures du CGRI à l'intérieur même de l'Iran. Une autre raison pour laquelle nous sommes enfermés dans cette spirale de violence est le conflit génocidaire à Gaza, qui doit être immédiatement résolu avant qu'il ne nuise encore plus à la sécurité mondiale.
Plutôt que de participer à cette dangereuse escalade de provocation mutuelle, les dirigeants iraniens, s’ils avaient ne serait-ce qu’un soupçon de sens des réalités, devraient rapidement chercher à désamorcer la situation en envoyant des signaux à leurs ennemis pour indiquer qu'ils ne cherchent pas à aggraver les tensions. Ils devraient s'engager à démobiliser leurs groupes paramilitaires et à démanteler leur programme nucléaire ainsi que leurs arsenaux balistiques qui les ont conduits à cette impasse autodestructrice. Les alliés de l'Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, confrontés à une menace de conflit apocalyptique imminente, devraient mettre en garde l'ayatollah Ali Khamenei que la partie est terminée et que la guerre contre Israël et l'Occident ne peut se terminer que d'une seule manière.
L'Iran et Israël sont également hostiles à la plupart des pays arabes et leur rivalité interminable a eu un impact destructeur sur la souveraineté, la prospérité et la sécurité des nations arabes. Bien qu'il soit tentant de condamner les deux parties, le monde arabe et l'Occident doivent œuvrer pour inciter les deux camps à désamorcer la situation, notamment par des efforts sincères de pacification, de justice pour les Palestiniens et de stabilité à long terme, avant que ces menaces ne nous emportent tous avec elles.
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice qui a reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d’État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com