Il est important de s’arrêter aux nouvelles diffusées il y a dix jours par l’agence Reuters à partir de Téhéran. Selon l'agence citée: «Sept sources différentes ont confirmé que le commandant de la Force iranienne Al-Qods, Ismail Qaani, s’est rendu à Beyrouth en février dernier, pour au moins la troisième fois depuis l'attaque du 7 octobre.» En octobre dernier, il a rencontré Hassan Nasrallah (chef du Hezbollah) et il a reçu l'assurance de ce dernier que le parti combattrait Israël seul et que l'Iran ne serait pas entraîné dans une guerre élargie avec Israël ou les États-Unis.
Selon une source iranienne bien informée, M. Nasrallah aurait déclaré au commandant de la Force Al-Qods lors de leur réunion: «C'est notre bataille.»
Toujours selon Reuters, les sources ont déclaré que durant la réunion, les participants avaient discuté de la possibilité qu'Israël lance une attaque de grande envergure contre le Liban. Trois sources iraniennes proches des autorités ont déclaré à Reuters (en Iran): «Une telle escalade israélienne pourrait avoir des effets dévastateurs sur le Hezbollah et elle pourrait faire pression sur l’Iran pour qu’il réponde avec plus de force qu’il ne l'a fait jusqu’à présent depuis le 7 octobre.»
Ce n’est pas la première fois depuis l’opération Déluge d’Al-Aqsa que les autorités iraniennes font circuler par le biais de Reuters des messages à l’attention d’Israël d’abord, puis des États-Unis. Trois semaines après le Déluge d’Al-Aqsa, le 15 novembre, le régime iranien a divulgué, toujours via Reuters, des informations sur une réunion qui aurait eu lieu à Téhéran entre le dirigeant iranien, Ali Khamenei, et le chef du bureau politique du Hamas à l'étranger, Ismail Haniyeh.
Lors de cette réunion, M. Khamenei aurait fait part à M. Haniyeh de son mécontentement du fait que le Hamas n’ait pas informé l’Iran de l’attaque du 7 octobre contre Israël, et par conséquent, Téhéran ne s’engagerait pas dans la guerre à la place du Hamas. Ali Khamenei aurait également appelé son invité à «faire taire les voix du mouvement palestinien qui appellent ouvertement l’Iran et son allié libanais, le Hezbollah, à se joindre de toutes leurs forces à la bataille contre Israël».
Nous sommes donc confrontés à des fuites du plus haut cercle politique et sécuritaire iranien via une des plus grandes agences de presse dans le monde, avec un nouveau message similaire en substance au premier dans lequel Téhéran prenait ses distances vis-à-vis du Déluge d’Al-Aqsa. C’est probablement pour éviter de se laisser entraîner dans une guerre majeure non seulement contre Israël, mais également contre les États-Unis, qui ont averti sévèrement l'Iran des conséquences d’une attaque contre Israël en statuant qu’une intervention directe des États-Unis serait une option dans le cas où une tierce partie interviendrait directement.
La position américaine serait identique au cas où il s’agirait d’une organisation relativement petite comme le Hezbollah au Liban.
Les fuites qui remontent de Téhéran cette fois-ci évoquent une guerre au Liban entre Israël et le Hezbollah, à un moment très sensible pour l'Iran. Ce dernier surveille de très près les inquiétants préparatifs israéliens, non pas pour lancer une attaque à partir du nord du pays contre le Hezbollah au Liban, mais plutôt pour exploiter une guerre d’envergure avec le Hezbollah au Liban et peut-être en Syrie.
Il s’agirait pour Israël de porter des coups dévastateurs au programme nucléaire iranien, qui a pu faire de grands progrès au cours des six derniers mois, profitant de la focalisation d'Israël et des États-Unis ainsi que du monde sur la guerre de Gaza, la guerre en Ukraine, et les tensions régionales que l’Iran attise, du Liban à l’Irak, et au Yémen, où la guerre des voies maritimes internationales dans la mer Rouge fait rage.
Sur un autre plan, des informations de sources diplomatiques à Beyrouth indiquent que Téhéran craint que Tel-Aviv ne lance une guerre à grande échelle contre sa milice libanaise. Le régime iranien redoute que cette guerre n’inflige au Hezbollah de lourdes pertes. De plus, il s’inquiète que, dans la foulée des contre-frappes en réponse aux bombardements de la milice pro-iranienne sur les villes et installations israéliennes, Tel-Aviv ne s’en prenne aux infrastructures nucléaires iraniennes, causant des dégâts majeurs visant à retarder le programme nucléaire militaire iranien pour les années à venir.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. X: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.