Lundi dernier, dans la matinée, l’armée israélienne a abattu un drone non identifié au-dessus de la région de Tibériade en Basse-Galilée. Ce dernier avait été lancé à partir du territoire libanais. Dans la soirée, l'armée de l'air israélienne a rétorqué en ciblant deux sites présumés militaires du Hezbollah dans la bourgade de Ghaziyeh, proche de la ville de Sidon, à plus de 55 kilomètres de la frontière entre le Liban et Israël.
Cependant, l'opinion publique libanaise attend toujours avec inquiétude la manière dont le Hezbollah traduira sa menace de réponse au raid israélien lancé la semaine dernière sur la ville de Nabatiyeh, fief de la milice pro-iranienne, qui s’est soldé par la mort de civils, dont des enfants et des femmes.
Dans son discours de vendredi dernier, le secrétaire général de la milice, Hassan Nasrallah, s'était engagé à répondre au sang par le sang. La réponse logique serait donc de s’attaquer à des cibles civiles israéliennes en représailles au raid de Nabatiyeh. Jusqu’à présent, plusieurs jours de raids difficiles sont passés sans que le Hezbollah n’ait riposté de manière comparable au raid israélien. Il a continué à mener des attaques de l’autre côté de la frontière sur des cibles militaires qui n’étaient pas équivalentes en importance et en violence au raid de Nabatiyeh.
Certes, le raid en question ait eu lieu dans le contexte d'une attaque contre un responsable militaire du Hezbollah qui était présent dans le bâtiment visé, mais l’horreur de l'affaire est due au fait qu'Israël savait qu'il y avait dans le bâtiment des civils qui n'avaient aucun lien avec le parti pro-iranien. Cependant, il a mené la frappe pour éliminer la cible militaire, sans se soucier des civils, et ce fut un massacre.
Cette situation indique que les escarmouches a la frontière se sont transformées en une guerre d’usure sanglante pour les deux camps, en particulier pour le Hezbollah et sa base populaire. Les chiffres indiquent que jusqu’à présent, la milice a déjà perdu plus de 200 combattants et officiers, la plupart au Liban, et certains d’entre eux en Syrie.
En outre, les pertes civiles libanaises ont augmenté. Elles s'élèvent désormais à quelques dizaines. Quant aux pertes matérielles, elles ont été très importantes en termes de bâtiments de logements et de propriétés. Sans oublier les répercussions négatives sur l'économie du pays en général, notamment en raison du déplacement d'environ 100 000 citoyens libanais de leurs villages et de leurs villes.
Il est clair qu'Israël cherche l'escalade sous les prétextes que lui donne le Hezbollah, qui s'est engagé à poursuivre la guerre d'usure, sans aucun signe de changement de position à l'horizon. En d'autres termes, le Hezbollah est déterminé à aller de l'avant en liant le cessez-le-feu au Liban au cessez-le-feu à Gaza.
Il vise également à lier la fin de la guerre d’usure à l’arrêt de la guerre à Gaza. Mais ce qui est étrange, c’est que le Hezbollah sait très bien que la guerre d’usure qu’il mène contre Israël n’a pas changé et ne changera pas l’équation sur le terrain dans la bande de Gaza. Alors pourquoi insister à s’enliser dans une guerre qui ne changera pas la donne à Gaza? Il faut rappeler que le Liban est en train de glisser dans une guerre à grande échelle, qui, si elle éclate, sera extrêmement destructrice pour le Liban.
Si la guerre actuelle se limite à la zone du sud du Liban et du nord d’Israël, sur une profondeur de 40 kilomètres, le champ de la guerre ouverte englobera tout le territoire du Liban. De toute façon, cela n’affectera pas le sort de Gaza, où les opérations militaires ont atteint la phase finale avec l’avancée de l’armée israélienne à Khan Younès et le lancement imminent de l’opération terrestre contre Rafah à la frontière égyptienne, dans le nord du Sinaï.
Si la guerre actuelle se limite à la zone du sud du Liban et du nord d’Israël, sur une profondeur de 40 kilomètres, le champ de la guerre ouverte englobera tout le territoire du Liban
Ali Hamade
Pendant ce temps, les opérations du Hezbollah se poursuivent contre les sites militaires israéliens dans le nord du pays. La situation devient également plus inquiétante avec le flot d’informations et d’indicateurs en provenance d’Israël qui parlent de l’extension imminente de la guerre contre le Hezbollah. On ne parle pas seulement des campagnes d’intimidation menées par les responsables israéliens, mais de la campagne lancée sur le front intérieur israélien pour mobiliser l’opinion publique afin d’obtenir un soutien massif en faveur d’une guerre à grande échelle au Liban.
Dans ce contexte, il est important de mentionner le dernier sondage d'opinion réalisé jeudi par le journal Maariv. Il montre que 71% des Israéliens soutiennent une guerre à grande échelle au Liban. De quoi traduire la gravité de la situation avec un Israël plus extrême et plus radical que jamais. En effet, l’opération du 7 octobre 2023 a fini par pousser une majorité de l’opinion publique vers l'extrême droite, la plus agressive et la plus «spartiate».
Le Hezbollah connaît la gravité de la situation, mais il est coincé dans son rôle d’avant-poste iranien, conforté par une impuissance totale des Libanais, victimes d’une classe politique complice de la milice et corrompue jusqu’à la moelle. D’où la certitude que la guerre n’est plus très loin.