‘’Ne jamais dire jamais’’ fut la dernière phrase de Michael Ashley, propriétaire du club de football Newcastle United.
Il réagissait ainsi à la déclaration spectaculaire jeudi en fin de journée du consortium – dirigé par le Public Investment Fund (PIF) (Fonds Public d’Investissement) Saoudien – qui était parvenu avec lui en avril à un accord de £300 millions ($394 millions) pour l’achat du club fondé il y a 128 ans. Les acheteurs en avaient finalement eu assez, après des mois d’atermoiements de la part des autorités du football anglais, et avaient retiré leur offre.
Il semblait en être ainsi, cependant qu’une analyse plus approfondie de la saga de huit mois montrait que loin d’être terminée, elle venait d’entrer dans une nouvelle phase.
Ashley a insisté sur le fait qu’il demeurait ‘’à cent pour cent engagé’’ dans l’accord. Il semblait également évident, à la lumière des conversations avec les responsables du PIF et Amanda Staveley, l’entrepreneur qui avait réuni le consortium, qu’il était toujours en vigueur.
En réalité, la déclaration de retrait du consortium change peu de choses dans l’équation de la prise de contrôle. Ashley veut vendre. Le consortium – qui comprend les frères Reubens, magnats anglais, Staveley et le PIF – veulent acheter. Le PIF souhaite toujours injecter des centaines de millions de livres dans le club ainsi que dans l’économie du nord-est de l’Angleterre.
Ce qui retarde l’accord est l’incompréhensible intransigeance de la Premier League (EPL), l’autorité du football qui doit donner son approbation, et en particulier celle de son PDG Richard Maters.
La EPL et Masters ont reçu tous les documents requis pour prendre une décision concernant la reprise. Ils ont également fourni de fermes garanties sur l’examen du dossier ainsi que son approbation en plus ou moins un mois.
Il est fort compréhensible que la crise du COVID-19, qui a interrompu le football en Grande-Bretagne ainsi que dans la plus grande partie de l’Europe, les en ait déconcentrés. Mais ce qui a réellement médusé Masters est le lobby au plusieurs millions de dollars qui s’est engagé dans une action prévisible, quand il est apparu que l’accord allait être appliqué.
Les organisations de défense des droits humains qui sont toujours prêtes à attaquer l’Arabie Saoudite ont été renforcées par le télédiffuseur Qatari BeIN Sports, qui avait d’anciennes doléances sur les droits de diffusion dans le Royaume ainsi que dans d’autres pays du Moyen-Orient. Ils ont trouvé parmi eux assez de sympathisants de l’establishment politique anglais pour faire pression sur Masters.
Certaines des manœuvres de l’EPL semblaient délibérément destinées à contrecarrer la transaction. Ils voulaient des assurances sur le fait que le PIF était une organisation indépendante sur la scène des investissements Saoudienne. Cela a été confirmé dans une lettre émanant de la plus haute autorité économique du Royaume, que Masters a ensuite ignorée.
Ils ont tergiversé et traîné pendant si longtemps qu’à la fin, le consortium dirigé par l’Arabie Saoudite a décidé de sortir de l’impasse en se retirant officiellement de l’accord.
En l’état actuel des choses, il y a peu de gagnants qui apparaissent à la suite des manœuvres de l’EPL.
Ashley perd £300 millions, dont ses autres entreprises ont largement besoin surtout en ce moment de récession due à la pandémie. Le club de football et la ville de Newcastle perdent au moins £250 millions promises par le PIF comme investissement dans l’équipe, ainsi que dans l’économie régionale.
Les fans perdent la chance de voir remplacer Ashley qu’ils accusent d’omettre d’investir dans le potentiel de leur club. Il n’existe pas d’autre offre valable qui attend en coulisses.
Peut-être encore le plus grand perdant sera-t-il la EPL elle-même. Masters rate la plus grande injection d’argent liquide jamais investie, à un moment où les finances du football anglais sont soumises à d’importantes pressions comme jamais auparavant, en raison de la pandémie.
La EPL a réussi à sauver une partie de la saison 2019-20 en organisant des rencontres dans des stades vides, évitant ainsi d’avoir à rembourser des centaines de millions de livres aux chaînes de télévision. Mais il est difficile d’imaginer ces mêmes chaînes, et notamment BeIN Sports, offrant à nouveau ces mêmes montants colossaux.
C’est là que la EPL a finalement et en conclusion montré qu’elle avait les vues courtes, allant jusqu’à la négligence.
Des sources proches du consortium ont confié à Arab News que l’Arabie Saoudite avait proposé de discuter d’un forfait sur les droits de retransmission, agissant en fait en tant que ‘’souscripteur’’ quand la EPL voudra renégocier l’accord en 2022. Cette offre a été rejetée, sans donner de raisons.
Au cas où l’accord était remis sur les rails, il n’y a aucune garantie qu’une telle générosité sera toujours disponible.
Tel est le blocage dans lequel la EPL a choisi de se placer avec le choix de sa soumission au Qatar et au lobby des «droits humains».
Frank Kane est un journaliste économique primé basé à Dubaï.
L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com