La responsabilité des fournisseurs d’armes à Israël dans l’arrêt de la guerre à Gaza

La cour d’appel des Pays-Bas a ordonné au gouvernement de bloquer toutes les exportations de pièces détachées d’avions de combat F-35 vers Israël (AFP)
La cour d’appel des Pays-Bas a ordonné au gouvernement de bloquer toutes les exportations de pièces détachées d’avions de combat F-35 vers Israël (AFP)
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Publié le Dimanche 18 février 2024

La responsabilité des fournisseurs d’armes à Israël dans l’arrêt de la guerre à Gaza

La responsabilité des fournisseurs d’armes à Israël dans l’arrêt de la guerre à Gaza
  • Les États sont responsables des actions de leurs partenaires dans un conflit armé
  • Ce partenariat ne nécessite pas nécessairement une participation militaire active, mais il peut inclure plusieurs autres activités, comme l’armement, le financement ou les renseignements

La cour d’appel des Pays-Bas a ordonné lundi au gouvernement de bloquer toutes les exportations de pièces détachées d’avions de combat F-35 vers Israël. Elle déclare: «Il existe indéniablement un risque que les pièces exportées des F-35 soient utilisées pour commettre de graves violations à l’encontre du droit humanitaire international.»

La cour a accordé sept jours au gouvernement néerlandais pour se conformer à la décision. Le gouvernement n’a pas débattu du fond de la question, mais il a déclaré qu’il ferait appel devant la Cour suprême, soutenant que ce n’est pas à un tribunal de définir la politique étrangère, mais au pouvoir exécutif.

La cour d’appel a tenu compte des préoccupations du gouvernement, jugeant cependant qu’elles ne prenaient pas le dessus sur le risque évident de violations du droit international. Selon la cour, les F-35 auraient été utilisés dans des attaques contre Gaza, entraînant des pertes civiles inacceptables.

Le tribunal a rejeté l’argument de l’État néerlandais selon lequel il n’était pas nécessaire de procéder à un nouveau contrôle de la licence d’exportation.

Cette décision du tribunal intervient à un moment critique, alors qu’Israël se prépare à une attaque potentiellement catastrophique contre la ville méridionale de Rafah, où près de la moitié de la population de Gaza a trouvé refuge après qu’Israël l’a chassée d’autres parties de la bande.

Sa décision coïncide également avec la diffusion d’une déclaration transatlantique, dans laquelle plus de huit cents responsables en poste aux États-Unis et en Europe ont signé une déclaration avertissant que les politiques de leurs propres gouvernements dans le conflit pourraient constituer de «graves violations du droit international».

Si la décision du tribunal était exécutée, elle pourrait épargner aux Pays-Bas l’accusation de participation aux atrocités commises à Gaza.

- Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

Cette déclaration a été signée par des fonctionnaires des États-Unis, de l’Union européenne (UE) et de onze pays européens, dont le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. Ils ont averti que leurs gouvernements risquaient d’être «complices» de «l’une des pires catastrophes humaines de ce siècle».

Les organisations de défense des droits de l’homme ont salué la décision du tribunal néerlandais et le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, y a fait allusion, lundi, en appelant à une réduction des livraisons d’armes à Israël.

Si la décision du tribunal était exécutée, elle pourrait épargner aux Pays-Bas l’accusation de participation aux atrocités commises à Gaza.

Les fournisseurs d’armes à Israël risquent d’être tenus légalement responsables des graves violations par Israël du droit humanitaire international. Cette situation est plus que jamais pertinente depuis que la Cour internationale de justice (CIJ) s’est prononcée, au mois de janvier, sur la probabilité que des actes de génocide soient perpétrés dans le pays.

Le ministre néerlandais du Commerce extérieur, Geoffrey van Leeuwen, avait raison de souligner que les Pays-Bas n’étaient pas les seuls à fournir des armes à Israël.

Il soutient: «Nous faisons partie d’un grand consortium de pays qui travaillent également avec Israël. Nous discuterons avec nos partenaires de la manière de gérer cela.»

Mais cela ne pourrait guère exonérer son pays de toute responsabilité.

Il est établi, depuis longtemps, dans l’application des Conventions de Genève et d’autres instruments du droit humanitaire international, que les États sont responsables des actions de leurs partenaires dans un conflit armé.

Ce partenariat ne nécessite pas obligatoirement une participation militaire active, mais il peut inclure un large éventail d’activités, notamment la formation, l’armement, l’équipement, le financement, la fourniture de renseignements ou des opérations conjointes.

Ces États sont dans une position unique pour influencer le comportement de leurs partenaires, mais cette capacité d’influence s’accompagne d’une plus grande responsabilité et d’une plus grande occasion de garantir le respect du droit humanitaire international.

En continuant de fournir une assistance militaire à Israël dans sa guerre contre Gaza, des pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie, le Canada et les Pays-Bas deviennent des partenaires dans le conflit et sont considérés par beaucoup comme complices des actions commises par les forces israéliennes.

C’est particulièrement le cas pour les États-Unis, qui ont non seulement maintenu leur soutien militaire à Israël, mais l’ont également accru, tout en accélérant la livraison d’armes utilisées dans le cadre de la guerre.

L’obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire est inscrite à l’article 1, commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, ainsi qu’aux premier et troisième Protocoles additionnels. C’est aussi un article de foi en droit coutumier international.

Il existe donc une obligation évidente de s’abstenir d’encourager ou de faciliter les violations. Il existe également une obligation positive de prendre des mesures réalisables pour influencer les parties au conflit et les inciter à adopter une attitude de respect du droit humanitaire international.

Cela signifie qu’aucun soutien ne peut être fourni qui encouragerait ou assisterait des violations commises par d’autres États, quelle que soit l’intention subjective de l’État fournisseur.

En réalité, selon le Commentaire actualisé des Conventions de Genève, publié par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les États ne doivent pas fournir de soutien à une partie à un conflit armé lorsqu’il existe des «attentes, basées sur des faits ou sur la connaissance des tendances passées», qu’un tel soutien serait utilisé pour violer le droit humanitaire international.

En tant que membres responsables de la communauté internationale, les États qui fournissent actuellement un soutien matériel à Israël ont également le devoir de le restreindre: plus le soutien est important, plus les mesures requises de la part de l’État qui soutient seront étendues.

Il existe une gamme infinie d’actions possibles, dont beaucoup sont très pragmatiques, permettant aux partisans d’Israël d’exercer leur influence pour mettre fin à ses violations, en commençant par un embargo sur les armes et en retirant ou en suspendant progressivement d’autres formes de soutien lorsque cela est nécessaire.

Outre les efforts visant à mettre fin aux violations, le Commentaire du CICR souligne que les obligations découlant des Conventions de Genève exigent que les États prennent des mesures pour «prévenir» les violations avant qu’elles ne se produisent. Ici aussi, les États qui soutiennent Israël pourraient prendre de nombreuses mesures à Gaza pour prévenir les atrocités et réduire leur responsabilité à cet égard.

Une mesure relativement simple et peu coûteuse consisterait à protéger l’Organisation des nations unies (ONU) et d’autres organisations internationales, en plus de leur permettre de mener à bien leurs tâches à Gaza sans entrave.

Une mesure tout aussi efficace serait que ces États envoient leur personnel diplomatique, sécuritaire ou humanitaire à Gaza. Par leur simple présence, ces individus pourraient prévenir les violations.

Si les partisans d’Israël poursuivent leur aide militaire, lui permettant de continuer à violer le droit humanitaire international et s’ils ne prennent pas les mesures requises pour remplir leurs obligations dans le cadre des Conventions de Genève, ils pourraient se retrouver dans une situation similaire à celle d’Israël devant la CIJ, la Cour pénale internationale (CPI) ou leurs tribunaux nationaux, à l’image du gouvernement néerlandais.

N’importe quel tribunal parmi ceux mentionnés plus haut pourrait déclarer les partenaires d’Israël responsables des actes de l’État hébreu, puisqu’ils soutiennent matériellement ses actes et qu’ils n’ont pas pris de mesures pour empêcher les violations du droit humanitaire international par les forces israéliennes.

Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation.

X: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com