On ne peut pas affirmer avec certitude que le Liban est à l’abri d’une guerre entre Israël et le Hezbollah. La guerre, comme nous le savons, pourrait éclater soit à cause d’une grave erreur non planifiée commise par l’une des deux parties, soit à cause d’une grave erreur de calcul.
Dans le cas du Liban, la grave erreur pourrait résider dans les calculs de l’axe de la résistance, dont le fer de lance est le Hezbollah. L'arrogance du Hezbollah et la détermination des Israéliens à s'engager dans une escarmouche coûteuse à la frontière pourraient conduire à une détérioration de la situation, comme cela s'est produit dimanche dernier où on a frôlé la guerre.
La tactique iranienne qui consiste à mener des attaques limitées contre les forces israéliennes a failli se transformer en un désastre majeur. Il est donc important de ne pas se fier au bon sens du Hezbollah ni de son bailleur de fonds iranien. D’autant plus que la guerre de 2006, dont ils sont fiers, s'est produite à cause d'erreurs de calcul impliquant le Hezbollah, incité par l'Iran à mener une attaque au-delà de la Ligne bleue au sud, dans l’espoir d’engendrer un conflit limité. Finalement, cette aventure s’est soldée par un conflit dévastateur.
Nous ne sommes donc pas à l’abri que de tels incidents se reproduisent. La situation ne peut pas être laissée à la seule appréciation du Hezbollah ni à son bon vouloir. Ce d’autant plus que ce n’est pas le parti en question qui paie seul le prix de ses mauvaises décisions, mais plutôt le Liban dans son ensemble. La grande majorité des Libanais rejette cette hégémonie et cette mainmise sur le pouvoir souverain au Liban.
Il faut rappeler que Téhéran a reçu en milieu de semaine un «message» israélien sous la forme de drones explosifs lancés depuis le territoire iranien, visant quatre cibles militaires importantes au cœur du pays. C’est un message musclé qui indique de manière explicite que la riposte aux tirs de missiles houthis à travers la mer Rouge vers le territoire israélien ne se limitera pas au Yémen. Les Houthis ne sont qu’un détail marginal dans cette dynamique. La réponse aux factions houthies et irakiennes, peut-être même le Hezbollah affilié à la «force Qods» ciblant des villes israéliennes comme Eilat ou d’autres, prendra pour cible le cœur même de l’Iran.
Cela signifie que les Israéliens, qui qualifient la guerre à Gaza de «guerre existentielle», ne tarderont pas à s’engager dans une escalade avec le Hezbollah, considéré comme le «joyau» iranien de la région.
Certains cercles diplomatiques occidentaux à Beyrouth considèrent que le Hezbollah joue avec le feu. Mais cette fois-ci, l’incendie n’est pas un feu d’allumettes, mais plutôt un incendie de forêt venant de Gaza, qui est en train d’être anéanti sous les yeux du monde. Selon les mêmes milieux diplomatiques, les cercles sécuritaires et militaires en Israël ont tendance à vouloir s’engager dans une guerre de moyenne à grande envergure avec le Hezbollah pour restaurer la capacité de dissuasion de l’armée israélienne, qui s’est érodée après l’opération «Déluge d’Al-Aqsa».
Il faut donc insister avec force pour revenir aux règles d’engagement d’avant le 7 octobre, même si le Hezbollah a réussi à les modifier de manière significative. Toutefois, toujours selon les milieux diplomatiques occidentaux à Beyrouth, revenir aux règles d’engagement antérieures nécessiterait au préalable une onde de choc qui remettrait les pendules à l’heure. La stabilité à la frontière nord d’Israël sera à l’ordre du jour après la fin de la campagne militaire à Gaza.
En conclusion, la menace de guerre est présente et réelle. Il n’est pas possible de compter uniquement sur les efforts américains pour contenir les combats à la seule bande de Gaza. Les provocations à la frontière libanaise rendent difficile l’affirmation selon laquelle le Liban est à l’abri du désastre, en raison du risque d’une erreur de calcul.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. Twitter: @AliNahar
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