La France adopte une position indépendante à l'égard de Gaza

Emmanuel Macron mène les efforts pour faire cesser la guerre à Gaza, améliorer les conditions humanitaires et résoudre le conflit palestinien-israélien sous-jacent (Photo, AFP).
Emmanuel Macron mène les efforts pour faire cesser la guerre à Gaza, améliorer les conditions humanitaires et résoudre le conflit palestinien-israélien sous-jacent (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 16 novembre 2023

La France adopte une position indépendante à l'égard de Gaza

La France adopte une position indépendante à l'égard de Gaza
  • La France s’est dissociée des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU en soutenant des résolutions appelant Israël à protéger les civils à Gaza et à respecter les obligations du droit international humanitaire
  • Début novembre, Emmanuel Macron a organisé la conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza, témoignant de la détermination de la France à prendre l’initiative

Bien que la France considère toujours le Hamas comme une organisation terroriste et ait fermement condamné ses attaques du 7 octobre, le président français, Emmanuel Macron, mène les efforts pour faire cesser la guerre à Gaza, améliorer les conditions humanitaires et résoudre le conflit palestinien-israélien sous-jacent.

La France s’est dissociée des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU en soutenant des résolutions, auxquels les États-Unis ont finalement opposé leur veto, appelant Israël à protéger les civils et à respecter les obligations du droit international humanitaire. Le 27 octobre, elle a voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU sur Gaza, contre laquelle les États-Unis et une poignée de pays européens ont voté, tandis que la plupart des autres pays européens se sont abstenus.

Le 9 novembre, M. Macron a organisé une conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza, témoignant clairement de la détermination de la France à mener des initiatives sur ces questions. Quelque 80 pays et organisations se sont réunis, au pied levé, au palais de l’Élysée, représentés par des chefs d’État et de gouvernements ainsi que des dirigeants d’organisations internationales. Parmi ces organisations figurent des organisations de l’ONU qui ont perdu du personnel pendant la guerre. Des dizaines de personnes ont en effet été tuées dans les attaques indiscriminées d’Israël, plus que dans tout autre conflit. Pour reprendre les mots d’un intervenant, ces victimes représentaient «la frontière ténue entre tragédie et sécurité, entre massacre et humanité».

Au début de la conférence, les organisateurs ont apparemment voulu éviter d’aborder les questions politiques de peur qu’elles ne soient source de division. Ils ont donc présenté un ordre du jour purement humanitaire, axé sur quatre points clés: garantir le respect du droit international humanitaire; protéger les civils et les travailleurs humanitaires; mieux répondre aux besoins en matière de santé, d’eau, de nourriture et d’énergie et enfin, mobiliser davantage de fonds pour répondre à ces besoins croissants.

«La France s’est dissociée des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU en soutenant des résolutions appelant Israël à protéger les civils»

Abdel Aziz Aluwaisheg

En écoutant les témoignages des organisations humanitaires, les délégués ont été horrifiés par les pratiques de guerre d’Israël. Dirigés par Jan Egeland, secrétaire général du Norvegian Refugee Council (NRC), ils ont exigé un cessez-le-feu immédiat et la fin du siège et des attaques subies par les habitants de Gaza.

M. Egeland, ancien secrétaire d’État au ministère norvégien des Affaires étrangères, puis sous-secrétaire général de l’ONU aux Affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré qu’il s’agissait d’un «affront à l’humanité et au droit humanitaire que de mener une guerre autour des hôpitaux de Gaza, à partir de ceux-ci et contre eux», ajoutant qu’«un appel universel devait être lancé en faveur d’un cessez-le-feu total et de la libération des otages. L’Histoire jugera les parties et les témoins»

Martin Griffiths, l’actuel coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, s’est montré tout aussi énergique, affirmant que «la situation est insupportable. Ce serait grotesque que de la laisser perdurer».

Les uns après les autres, les intervenants ont condamné les actions d’Israël, qui ont clairement enfreint les normes internationales. Ils ont appelé les dirigeants mondiaux à œuvrer en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et durable, d’un meilleur accès humanitaire et du respect des règles de la guerre. Les intervenants des États-Unis et de la poignée de pays qui avaient exprimé leur soutien à Israël dans le passé se sont joints à eux, déplorant les pertes massives en vies humaines et insistant sur la nécessité de fournir une aide à la population civile assiégée de manière plus efficace.

La mobilisation de fonds n’était pas le principal objectif de la conférence, car le problème de Gaza est davantage un problème d’accès que celui d’un manque de fonds, même s’il en faut davantage. La préoccupation la plus urgente est que l’accès des habitants de Gaza à l’aide est limité par le siège strict d’Israël et les bombardements incessants, rendant difficile l’acheminement de l’aide à la population civile.

En outre, Israël a complètement interrompu l’approvisionnement en carburant, essentiel au fonctionnement des hôpitaux et des installations de traitement de l’eau. Néanmoins, bien qu’il n’y ait eu aucune pression pour annoncer des engagements financiers, une aide d’environ 1 milliard de dollars (1 dollar = 0,92 euro) a été annoncée au cours de la conférence.

Tout en appelant à l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire et à un meilleur accès à celle-ci, la plupart des délégués ont suggéré que la tenue de négociations serait une meilleure approche pour obtenir la libération des otages et des détenus civils, ainsi que pour discuter de l’avenir de la gouvernance dans la bande de Gaza.

Nombreux sont ceux qui ont également plaidé pour une relance du processus de paix en vue d’une solution à deux États selon les frontières de 1967, seul moyen sûr de ramener la région sur la voie de la paix et de la réconciliation.

«Certains craignent que l’attitude irresponsable d’Israël, si elle n’est pas contrôlée, ne sape le respect de l’État de droit international»

Abdel Aziz Aluwaisheg

Les participants au sommet ont par ailleurs souligné la nécessité de déployer des efforts concertés pour empêcher la guerre de Gaza de s’étendre à la Cisjordanie. Les représentants de l’ONU ont indiqué que plus de 150 Palestiniens avaient été tués en Cisjordanie depuis le 7 octobre, à la fois par des colons et par les forces de sécurité israéliennes. De nombreuses familles et plusieurs communautés ont été déracinées et se sont retrouvées sans abri à cause de la violence des colons, souvent de concert avec l’armée.

Certains craignent que l’attitude irresponsable d’Israël, si elle n’est pas contrôlée, ne sape le respect de l’État de droit international. La guerre pourrait aussi s’étendre à l’ensemble de la région et au reste du monde et provoquer la radicalisation des jeunes, comme cela s’est produit dans le passé. Par exemple, l’invasion du Liban par Israël et le siège sanglant de Beyrouth durant l’été 1982 ont donné naissance au Hezbollah. M. Macron s’est dit préoccupé qu’une telle radicalisation ne se produise en France.

Après la conférence, M. Macron a clarifié sa nouvelle position. Il a expliqué à la BBC que «la conclusion claire» de tous les gouvernements et agences présents au sommet était qu’«il n’y a pas d’autre solution qu’une pause humanitaire d’abord, pouvant se transformer en cessez-le-feu». Il a ajouté : «De facto, aujourd’hui, des civils sont bombardés. Ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées sont bombardés et tués. Il n’y a aucune justification et aucune légitimité à cela. Nous appelons donc Israël à arrêter.»

La conférence de Paris a été un véritable succès diplomatique pour la présidence française. Elle a permis d’articuler cinq principes clés pour faire face à la guerre de Gaza.

Premièrement, une pression accrue est nécessaire pour garantir le respect du droit humanitaire international et de la dignité humaine fondamentale. Cela signifie que les civils doivent être protégés et que leurs besoins essentiels doivent être satisfaits, où qu’ils se trouvent à Gaza. Les représentants de l’ONU ont insisté sur le fait qu’ils ne peuvent pas participer à l’expulsion par Israël de centaines de milliers de civils désespérés de Gaza vers des zones dites «sûres».

Deuxièmement, l’aide humanitaire, notamment le carburant, devrait être autorisée à entrer dans Gaza en toute sécurité, sans entrave, de manière fiable et à grande échelle.

Troisièmement, un cessez-le-feu immédiat doit être l’objectif principal et la priorité.

Quatrièmement, il ne faut pas laisser ce conflit s’étendre à la Cisjordanie ou à l’ensemble de la région.

Cinquièmement, les efforts multilatéraux et diplomatiques doivent être maximisés pour arrêter ce cercle vicieux de violence en relançant le processus de paix en vue d’une solution à deux États dans le cadre d’une solution équitable et globale, selon des paramètres internationaux bien connus.

Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et les négociations. Les opinions exprimées ici sont personnelles et ne représentent pas nécessairement le CCG. 

X: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com