Ce slogan lancé en grande pompe en avril 2018 dans la lutte contre Daech et Al-Qaïda, presque oublié entre la crise sanitaire et la crise énergétique, revient sur le devant de la scène.
Dans le chaos international de la guerre d’Ukraine, des crises en Afrique, et de la guerre à Gaza, la réunion spéciale du Comité de lutte contre l'aide financière au terrorisme dans les pays du Golfe (TFTC), récemment organisée à Riyad, est passée presque inaperçue.
Cette réunion est concomitante au signal émis par le numéro deux du Trésor américain, Wally Adeyemo, qui, dans une intervention récente, a fait monter la pression autour de ses alliés européens en pointant la lutte contre le financement du terrorisme comme une priorité absolue.
Parler du financement du terrorisme est une absolue nécessité, mais agir l’est encore plus.
Pour les experts de la lutte contre le terrorisme, la lutte contre son financement est primordiale.
Les circuits de financement du terrorisme passent par les circuits de la délinquance financière et par le blanchiment d’argent. C’est pourquoi la lutte contre la criminalité financière doit être érigée en priorité au plan international.
Hezbollah, Frères musulmans et sa branche palestinienne, le Hamas, forment une internationale du crime et de la terreur. La question de leur financement par des États tels que l’Iran pour le Hezbollah, le Qatar pour le Hamas et les Frères musulmans, avec la Turquie, interroge.
Les modes de financement et l’usage avéré de cryptoactifs posent clairement la question de leur régulation.
Le 15 septembre dernier, les sénateurs américains Elizabeth Warren, Roger Marshall ainsi que Joe Manchin, ont lancé une initiative pour contrôler les cryptoactifs et les considérer comme des outils de fraude, d’évasion fiscale, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Faut-il y voir la fin de l’âge d’or des cryptoactifs?
Probablement pas, car les amateurs de cryptoactifs peuvent venir s’installer dans l’oasis des actifs numériques à Ras al-Khaïmah, au nord des Émirats arabes unis (EAU), à une heure de voiture de Dubaï, capitale crypto bien connue. Rak Dao est une zone franche conçue pour attirer les acteurs du Web3: blockchain, NFT, métavers, cryptomonnaies, jetons…
Hébergé dans une zone franche favorisant donc l’optimisation et l’évasion fiscale, ce lieu devrait intéresser le Groupe d'action financière (Gafi), l'organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Le Gafi considère depuis au moins quatre ans que les risques les plus significatifs en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme sont liés aux interfaces de conversion entre cryptoactifs et monnaies ayant cours légal, soulignant ainsi la nécessité de réguler notamment les plates-formes d’échange et autres intermédiaires de conversion favorisant le blanchiment d’argent.
Cela n’empêche pas ces cryptoactifs de connaître une expansion spectaculaire. Selon le site CoinMarketCap, il existerait, en avril 2023, 23 642 cryptoactifs, ou cryptomonnaies, pour une valeur de 1 079,1 milliards d’euros. En 2023, 46 millions d’Américains détiendraient des bitcoins.
On sait que l’Iran, à titre d’exemple, utilise le bitcoin pour détourner les embargos internationaux, et on sait également que le Hamas en a fait usage pour financer l’attaque du 7 octobre 2023.
Il n’y a aucun doute sur le fait que ce sujet devrait être pris très au sérieux même si on peut comprendre que les enjeux financiers très importants freinent la volonté politique d’agir. Il est possible que la réalité s’impose à la communauté internationale dans le sang et les larmes.
Ne pas entraver l’activité économique et éviter son détournement à des fins terroristes, voici l’équation.
L’alerte a été donnée, les organismes internationaux sont aux aguets. Il faudra sans doute suivre avec attention l’initiative des sénateurs américains, qui semblent également préoccupés par la faillite frauduleuse de FTX et le risque de condamnation à cent dix ans de prison de son dirigeant, Sam Bankman-Fried.
Cette affaire de FTX met aussi en évidence le rôle persistant des paradis fiscaux qui demeurent des zones d’opacité partout dans le monde, et dont la communauté internationale s’accommode très bien.
La lutte contre les paradis fiscaux qui favorisent les opérations de blanchiment les plus douteuses n’est une priorité que dans les discours aux tribunes officielles.
Dans la réalité, la communauté internationale s’accommode très bien de ces confettis, zones de non-droit, y compris au cœur de l’Europe comme Jersey.
Les scandales successifs – Offshore Leaks (avril 2013), Luxleaks (novembre 2014), SwissLeaks (février 2015), Panama Papers (avril 2016), Paradise Papers (octobre 2017), West Africa Leaks (mai 2018), CumEx Files (octobre 2018), Pandora Papers (octobre 2021) – ébranlent les médias quelques jours, voire quelques semaines, en particulier si un homme ou une femme, politique ou médiatiquement exposé, y figure, et puis plouf! Toute cette indignation retombe comme un soufflé.
Pourtant, Europol avait identifié plus de 3 400 correspondances probables entre sa base de données criminelles et la liste des sociétés offshore des Panama Papers, dont 1 722 liées au blanchiment de capitaux et 116 liées au terrorisme.
Alors pourquoi aucune action sérieuse n’est-elle entreprise? Parce que les enjeux financiers sont trop importants!
Néanmoins, le terrorisme international frappe indistinctement et de façon aveugle, personne n’est à l’abri d’une vague d’attaques.
La France a payé le prix fort!
La communauté internationale doit agir et agir vite, sans naïveté, les clignotants sont au rouge.
No Money For Terror doit être une réalité dans les faits!
Nathalie Goulet est une femme politique française. Sénatrice de l'Orne depuis 2007, elle est membre du groupe Union des démocrates et indépendants au Sénat.
Nathalie Goulet auteure du livre L’Abécédaire du financement du terrorisme, éditions Cherche-Midi