Israël a qualifié de légitime défense ses bombardements aveugles sur Gaza et le ciblage d'hôpitaux, d'écoles, d'abris, de camps de réfugiés et de voitures civiles. Si les États, comme les individus, ont ce droit, le droit international impose depuis longtemps d'importantes restrictions à l'exercice de ce droit. La légitime défense est une exception à l'interdiction du recours à la force en vertu de la charte des Nations unies et du droit international coutumier et, en tant qu'exception, elle doit être interprétée de manière stricte.
Certains partisans d'Israël, tout en désapprouvant ses excès, ont affirmé qu'il avait le droit de se défendre, ce qui a été interprété à tort comme une approbation implicite de ses attaques incessantes contre Gaza. Des éclaircissements ont été apportés, mais pas suffisamment pour dissiper l'idée que certains pays occidentaux sont en train d’accepter.
Il est clair qu'une guerre visant à venger une attaque antérieure, aussi horrible soit-elle, ne peut être considérée en soi comme une légitime défense, et même lorsqu'elle est considérée comme telle, elle doit être menée conformément aux règles de la guerre, notamment les règles de nécessité, de proportionnalité et d'inviolabilité des civils et des structures civiles.
Selon les conventions de Genève, telles qu'interprétées par le Comité international de la Croix-Rouge et la Cour internationale de justice, la règle de nécessité exige que la force ne puisse être légalement utilisée en cas de légitime défense que lorsque cela est nécessaire pour mettre fin à une attaque ou pour éviter une attaque imminente, et qu'il ne doit pas y avoir d'alternative pratique à l'utilisation proposée de la force qui soit susceptible d'être efficace pour mettre fin à l'attaque ou pour l'éviter. En d'autres termes, la force ne doit pas être le premier recours, mais le dernier, lorsque tous les moyens pacifiques ont été épuisés et qu'il n'existe pas d'alternative pratique non militaire. La force doit être limitée à ce qui est nécessaire afin d’éviter une attaque imminente ou y mettre fin.
La légitime défense doit également respecter la règle de la proportionnalité, qui a été mal appliquée dans le conflit de Gaza. Cela signifie que la force utilisée ne doit pas être excessive par rapport à la nécessité d'éviter l'attaque ou d'y mettre fin. Les conséquences humaines, physiques et économiques de la force utilisée ne doivent pas être excessives par rapport aux dommages attendus de cette attaque. Le critère de proportionnalité signifie également que les conséquences physiques et économiques de la force utilisée ne doivent pas être excessives par rapport aux dommages attendus de l'attaque de l'adversaire.
Le droit à la légitime défense n'autorise pas le recours à la force pour 'punir' un agresseur
– Dr Abdel Aziz Aluwaisheg
Le droit à la légitime défense n'autorise pas le recours à la force pour «punir» un agresseur et, en tant que tel, la proportionnalité ne doit pas être considérée comme se référant à la parité entre une réponse et le préjudice déjà subi du fait d'une attaque, car cela pourrait transformer le concept de légitime défense en une justification d’utiliser la force pour se venger.
La protection des civils en temps de guerre ne devrait pas faire l'objet de controverses. À l'époque moderne, ce principe sacré a été codifié dans la Convention de Genève de 1864 et la Convention de La Haye de 1907. Après la deuxième Guerre mondiale, les règles ont été réécrites pour renforcer la protection des civils, à la lumière des atrocités indicibles commises contre eux pendant la guerre, en particulier contre les communautés juives dans les pays européens envahis par l'Allemagne nazie. Les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 ont été signés et ratifiés par 196 pays – les 193 États membres de l'ONU, plus les deux États observateurs non membres de l’ONU, le Saint-Siège (Vatican) et la Palestine, et les îles Cook. Peu d'instruments internationaux ont été aussi unanimement acceptés.
La quatrième Convention de Genève vise à protéger les populations civiles. Bien qu'Israël ait ratifié cette convention, il a déclaré unilatéralement qu'elle ne s'appliquait pas à son occupation des territoires palestiniens, notamment Gaza. Il affirme qu'il est le seul à décider de la manière de traiter les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Les Nations unies ont réaffirmé à plusieurs reprises l'applicabilité des conventions de Genève aux territoires occupés, tout comme les États-Unis, le plus proche allié d'Israël, et presque toutes les autres pays et autorités juridiques qui se sont penchées sur cette question.
Le non-respect du droit humanitaire international dans la guerre contre Gaza a été la principale pomme de discorde entre Israël et la communauté internationale, et certainement ses voisins.
Alors qu'Israël refuse de respecter le droit humanitaire international à Gaza, on ne sait plus très bien quels sont les critères juridiques qu'il utilise pour orienter la conduite de ses militaires. Nombreux sont ceux qui se sont alarmés lorsque, le 10 octobre, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré à ses soldats: «Nous avons enlevé toutes sortes de restrictions.»
Puis, le 29 octobre, le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a comparé les attaques contre Israël à celles des Amalécites dans l'histoire ancienne. Citant l'Ancien Testament, il a averti: «Souvenez-vous de ce qu'Amalek vous a fait. Nous nous souvenons et nous nous battons», selon la traduction publiée par son bureau.
L'évocation de cet épisode sanglant est de mauvais augure, car le reste du texte qu'il a cité se poursuit ainsi: «Vous devez détruire les Amalécites et effacer leur mémoire de dessous les cieux. N'oubliez jamais cela.» Dans un autre chapitre, il est dit que la mémoire des Amalécites a effectivement été «effacée» après qu'ils ont été passés au fil de l'épée lors d'attaques ultérieures.
La politique ou tous les coups sont permis décrite par le ministre israélien de la Défense et la vengeance génocidaire évoquée par le Premier ministre ne devraient pas être des substituts acceptables aux conventions de Genève.
Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et les négociations. Les opinions exprimées ici sont personnelles et ne représentent pas nécessairement le CCG. X: @abuhamad1
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com