Lorsque, il y a quelques jours, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a déclaré à la chaîne arabe Sky News Arabia que la décision de paix était libanaise, mais que la décision de guerre était israélienne, la situation devenait de plus en plus tendue, au Sud-Liban, au point de mettre en danger les règles d’engagement en vigueur depuis la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël. Le Premier ministre avait indiqué qu'Israël devait cesser ses violations et ses attaques afin que l'option de la paix triomphe de celle de la guerre.
Bien entendu, Mikati n’a pas évoqué la position du Hezbollah, qui tient les rênes dans le Sud. Les cercles diplomatiques occidentaux attendaient que le Premier ministre rende compte de la position de l’organisation sur la question des escarmouches et des affrontements progressifs en annonçant que le Hezbollah avait accepté un cessez-le-feu simultané des deux côtés de la frontière – de quoi rétablir la situation telle qu'elle était avant l'opération du Hamas du 7 octobre dernier. À partir de ce moment, la position du gouvernement libanais est apparue particulièrement faible, car complètement assujettie à la volonté du Hezbollah. Ce dernier, par son comportement, a fini par effacer les maigres marges à l’intérieur desquelles l'État libanais était supposé jouir d'une légitimité inviolable sur l'ensemble du territoire.
Il est vrai que ce qui se passe sur le terrain à la frontière sud du Liban n’est toujours pas une guerre. Mais les affrontements gagnent en intensité de jour en jour, indépendamment de la violence des combats dans la bande de Gaza.
Il est vrai que ce qui se passe sur le terrain à la frontière sud du Liban n’est toujours pas une guerre. Mais les affrontements gagnent en intensité de jour en jour, indépendamment de la violence des combats dans la bande de Gaza. D’un point de vue pratique, l’opération terrestre israélienne avance sur plusieurs axes au nord et autour de la ville de Gaza, qui devrait être la principale cible de la campagne terrestre. Plus les forces israéliennes resserrent l'étau sur cette ville, plus la marge d'action du Hezbollah sera amenée à se réduire. L’alternative est donc la suivante: assister à une escalade qui conduirait à une guerre sur le front nord ou se résoudre à tenter d'occuper trois brigades de l'armée israélienne, dont les forces d'élite de la brigade Golani, stationnée près de la frontière avec le Liban.
Sur un autre plan, il est à signaler que le niveau des escarmouches à la frontière entre le Liban et Israël reste de basse intensité. Toutefois, la situation pourrait bien changer si l'une des parties commettait une erreur majeure, que ce soit dans ses calculs ou au niveau de l'ampleur des échanges de frappes. Ou encore si une décision majeure prise à Téhéran avait pour effet de pousser le Hezbollah à s’impliquer dans une guerre totale.
Ce que le Premier ministre, Najib Mikati, essaie de faire, en toute sincérité, c’est d’empêcher le Liban de sombrer dans une guerre destructive dont la plupart des Libanais ne veulent pas.
Cette guerre à grande échelle avec Israël, si elle devait survenir, ne prêterait aucune attention à l’opinion publique libanaise, qui, dans son écrasante majorité, la rejette.
C’est là le point faible de la position du gouvernement libanais. Il se trouve en effet écrasé sous le poids du pouvoir réel qu’exerce le Hezbollah au niveau des grands choix de la nation.
Ce que le Premier ministre, Najib Mikati, essaie de faire, en toute sincérité, c’est d’empêcher le Liban de sombrer dans une guerre destructive dont la plupart des Libanais ne veulent pas. Mais son dessein se heurte au Hezbollah, qui, depuis de longues années, impose sa volonté par la force aux différentes composantes du Liban. Et, lorsqu'il s'agit de son armement, la milice pro-iranienne ne se soucie en aucun cas du sentiment de rejet que lui opposent la majorité des Libanais.
Si Najib Mikati venait à s’opposer publiquement au parti, le Hezbollah serait capable de charger des groupes sunnites de Tripoli, du nord et peut-être de Beyrouth qui appartiennent aux prétendues «Brigades de résistance» de s’en prendre à lui.
Le Premier ministre en est tout à fait conscient. C’est la raison pour laquelle il s’efforce de plaire à tout le monde: aux Américains, aux Européens et, surtout, à un Hezbollah inféodé à l’axe de la résistance mené par Téhéran.
Cette situation traduit pleinement l’effondrement de l’État libanais. Le Hezbollah a pu, soit avec la complicité des uns, soit avec la capitulation des autres, monopoliser le processus décisionnel souverain qui revient uniquement à l’État. C’est là la rançon des mauvais calculs d’une classe politique corrompue.