Les chaudes accolades, les lèvres pincées et les expressions emplies d’inquiétude marquent de leur empreinte les visites d’Emmanuel Macron au Moyen-Orient. Le président français vit une situation difficile. Il préside une république divisée dans son pays, a utilisé ses voyages régionaux comme une opportunité pour monter à la tribune de la scène internationale en affichant tantôt un symbole d’autorité, tantôt le visage engageant de l’Occident.
De son engagement dans le processus de paix au Moyen-Orient à son soutien aux pourparlers de paix en Ukraine, Macron a démontré sa volonté de s’engager dans les complexités géopolitiques et de rechercher des solutions diplomatiques. La semaine dernière, il s’est rendu en Israël, en Cisjordanie occupée et en Égypte, laissant les analystes perplexes sur le fait de savoir s’il pensait réellement pouvoir réussir là où d’autres venaient d’échouer.
Comme ses centres d’intérêt professionnels et politiques étaient très éloignés du Moyen-Orient avant qu’il soit élu à la présidence, Emmanuel Macron a commencé son premier mandat par une visite officielle au Maroc. Depuis, il a continué à rechercher des occasions pour projeter sa puissance dans la région, notamment à travers des divergences de vues avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, son rapprochement avec les dirigeants du Golfe, son intervention au Liban et son intérêt pour l’Irak.
Alors que, la semaine dernière, il faisait la navette entre les capitales concernées de la région, Macron espérait apparaître une fois de plus au premier plan au Moyen-Orient. Allant plus loin que le président américain, Joe Biden, et le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, le président français a cherché à se positionner comme un Jacques Chirac, et non comme un François Hollande, en dirigeant la diplomatie d'un pays dont les problèmes mouvementés interdisent trop souvent à ses dirigeants d'avoir un impact au niveau mondial.
«Emmanuel Macron dirige la diplomatie d'un pays dont les problèmes mouvementés empêchent trop souvent ses dirigeants d'avoir un impact au niveau mondial.»
Zaid M. Belbagi
Dans une déclaration commune avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, Macron a réitéré son soutien à Israël, tout en avertissant de la nécessité d’éviter les pertes civiles et de ne pas perdre de vue une solution politique. Soucieux dans ce conflit de maintenir la politique traditionnelle d’une France «amie des deux parties», il a dénoncé les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est comme étant illégales. Tout en se montrant favorable à un État palestinien indépendant, la France considère officiellement le Hamas comme une organisation terroriste et l'appelle à renoncer à la violence.
Le président a également trouvé le temps de rendre une visite à l'Autorité palestinienne à Ramallah avant de poursuivre sa route vers les capitales régionales. Son arrivée sans tambour ni trompette était peut-être symptomatique de l’affaiblissement de la position de l’Hexagone dans la région.
Les relations entre la France et le Moyen-Orient remontent à longtemps, avec les liens très étroits tissés entre Paris et le Levant. La France a été étroitement impliquée dans l’histoire et la politique modernes des États levantins du Liban, de la Syrie et de l’Irak, ainsi que d’Israël et des Territoires occupés. La crise actuelle offre donc à Macron l’opportunité de réaffirmer les références historiques de son pays. Sa visite s’appuie sur l’implication du président, qui n’est pas récente, dans les affaires libanaises, à travers laquelle il a fait valoir l’importance de la stabilité de ce pays pour l’ensemble de la région et a appelé à une refonte de sa vie politique ainsi que de sa gestion économique.
«La France cherche à jouer un rôle plus important que celui de médiateur. Elle veut être un chef de file de la diplomatie dans la région.»
Zaid M. Belbagi
Concernant la Syrie, au sujet de laquelle Macron a clairement exprimé son opposition au régime d’Al-Assad, le président est arrivé au pouvoir trop tard pour avoir une incidence durable sur ce conflit. C'est donc en Irak qu'il cherche à exercer son influence. Le sommet de Bagdad organisé par Macron était une tentative pour consolider la coopération régionale. La visite de la semaine dernière s’est déroulée dans un contexte d’incertitude quant à la prochaine réunion du sommet, qui pourrait être annulée compte tenu des événements qui se déroulent actuellement au Moyen-Orient.
La récente activité diplomatique de Macron dans le monde arabe, avec une visite dans le Golfe prévue au cours de cet automne, s’inscrit dans un contexte de déclin régulier de l’influence de la France sur le continent africain. Macron a suscité des critiques pour avoir présidé à la diminution du rôle international de la France, rendant la présence d’entreprises françaises comme TotalEnergies en Irak ainsi que Safran et Dassault dans le Golfe particulièrement importante pour démontrer sa capacité à défendre les intérêts français.
À travers des plates-formes diplomatiques telles que le sommet de Bagdad, des liens économiques accrus, le rayonnement de soft power dans des projets culturels comme le Louvre Abu Dhabi, l'envoyé présidentiel français à AlUla, et en tant que garante de certains sites catholiques à Jérusalem, la France cherche à jouer un rôle plus important que celui de médiateur. Elle veut être une chef de file de la diplomatie dans la région.
Emmanuel Macron sera président jusqu’en 2027. Lié par les limites constitutionnelles du nombre de mandats, l’homme, âgé de 45 ans, sera à la moitié de sa carrière lorsqu’il quittera l’un des postes les plus puissants du monde. Ses efforts pour renforcer l'influence de l'Europe dans les affaires internationales et ses réponses aux crises internationales – marquées par sa politique du «quoi qu'il en coûte» pendant la pandémie de la Covid-19 –, parallèlement à son implication dans la résolution des conflits et les initiatives de consolidation de la paix, montrent qu’il semble se préparer à de plus vastes responsabilités.
Zaid M. Belbagi est chroniqueur politique, et conseiller de clients privés entre Londres et le CCG. X: @Moulay_Zaid
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com