Les économies des pays arabes peuvent-elles supporter une extension du conflit?

Les civils palestiniens de Gaza ont vu leurs maisons dévastées depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre (Photo, AFP).
Les civils palestiniens de Gaza ont vu leurs maisons dévastées depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 24 octobre 2023

Les économies des pays arabes peuvent-elles supporter une extension du conflit?

  • L'essentiel de l'impact devrait être ressenti par des économies déjà en crise, notamment la Syrie, le Liban et l'Irak
  • La distance géographique par rapport à la zone de guerre à Gaza offre potentiellement une marge de manœuvre à certains pays arabes

LONDRES: Les médias occidentaux ont beau mettre en garde contre les «conséquences dramatiques» pour l'économie mondiale d'un débordement du conflit à Gaza dans les pays voisins, les spécialistes du Moyen-Orient estiment que le poids économique de la propagation du conflit sera porté par les pays de la région touchés par la crise.

Un certain nombre de développements sont perçus comme un présage des événements à venir. Au Liban, le Hezbollah et les factions palestiniennes alliées échangent quotidiennement des tirs transfrontaliers avec Israël. Un navire de la marine américaine a intercepté des missiles lancés par la milice houthie au Yémen. Deux bases américaines en Syrie ont essuyé des tirs. En Irak, des drones et des roquettes ont tiré sur les forces américaines.

Plusieurs pays, dont l'Arabie saoudite, le Koweït, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et le Canada, ont incité leurs ressortissants à éviter de se rendre au Liban ou à quitter le pays tant que des vols sont encore disponibles.

Ali Metwally, expert basé à Londres, estime que les économies de l'Irak, du Liban et de la Syrie sont les plus menacées, prévoyant une probabilité de 60% de «conflit prolongé» et une «implication croissante» des acteurs régionaux, y compris des milices soutenues par l'Iran.

«Si le Hezbollah entrait en conflit avec Israël, le Liban subirait probablement des conséquences économiques importantes en raison de son association étroite avec le groupe et de la possibilité d'un engagement militaire direct», a-t-il déclaré à Arab News.

Une fillette palestinienne transporte une couverture tandis qu'elle passe devant le site d'une explosion meurtrière à l'hôpital Al-Ahli, dans la ville de Gaza (Photo, AFP).

Les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie du Liban, qui contribuent largement à son économie axée sur les services, seraient les plus touchés, tandis que ses chaînes d'approvisionnement seraient perturbées par «tout dommage ou fermeture du port de Beyrouth», ce qui entraînerait des «pénuries de biens essentiels» et «alimenterait l'hyperinflation actuelle».

Compte tenu de l'effondrement financier de 2019 et de la paralysie qui en a résulté pour les banques libanaises, M. Metwally estime que tout nouveau choc ne servirait qu'à effrayer les déposants et les investisseurs restants.

De même, la Syrie, qui a été un terrain d'affrontement par procuration depuis le début de la guerre civile en 2011, a enduré des coûts d'intrants et des taux d'inflation élevés, des pénuries de carburant et de médicaments, un effondrement de la monnaie, des infrastructures dévastées et une pénurie d'eau durant pratiquement une décennie.

Selon les Nations unies, plus de 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 15 millions de Syriens ont besoin d'une aide humanitaire. Les sanctions actuelles de l'Union européenne et des États-Unis n'ont fait qu'aggraver la situation, notamment en limitant la capacité des gouvernements qui ont rétabli des liens diplomatiques avec la Syrie à investir dans la reconstruction du pays.

Selon M. Metwally, si un conflit plus large venait à s'ajouter à ce mélange, les flux d'aide pourraient être interrompus en raison de la «possibilité que la communauté internationale réoriente les efforts d'aide à la reconstruction et à la stabilisation de la Syrie vers la résolution du nouveau conflit, laissant ainsi le pays avec moins de ressources pour la reconstruction d'après-guerre».

Depuis le Liban, le Hezbollah et leurs alliés parmi les factions palestiniennes échangent quotidiennement des tirs avec Israël (Photo, AFP).

Les préoccupations de M. Metwally sont partagées par Ammar Abdulhamid, un analyste politique basé aux États-Unis, qui a déclaré qu'une guerre plus étendue «signifie que les deux pays – la Syrie et le Liban – deviendront des champs de bataille, et que tous les dirigeants dans les deux pays seront décimés. Les deux États s'effondreront en tant que tels, et pas seulement leurs économies».

Notant qu'il est probable que diverses milices et groupes irakiens prennent parti dans toute crise qui s'ensuivrait, M. Metwally a souligné que le pays ne manque pas de conflits internes, où les «tensions sectaires» sont une source d'inquiétude permanente.

Étant donné que «l'Irak dépend fortement du secteur pétrolier pour générer des revenus et créer des emplois, l'aggravation des problèmes de sécurité pourrait entraîner des attaques contre les infrastructures pétrolières ou entraver l'acheminement du pétrole par des voies de transport essentielles, ce qui réduirait les recettes pétrolières de l'Irak et creuserait le déficit budgétaire du pays après une période d'excédent convenable».

Compte tenu de tout ce qu'il a traversé, l'Irak a trouvé un degré de stabilité sans précédent au cours des deux dernières décennies, et l'économie se redresse progressivement depuis 2021, selon un rapport de la Banque mondiale.

En chiffres

- 270,36 milliards de dollars: PIB de l'Irak (2022)

- 22,4 milliards de dollars: PIB de la Syrie (2019)

- 20,48 milliards de dollars: PIB du Liban (2021)

Source: Statista

En 2022, le pays a engrangé environ 115 milliards de dollars (1 dollar = 0,94 euro) de recettes pétrolières, grâce à la hausse des prix de l'énergie qui a suivi la guerre de la Russie contre l'Ukraine et les sanctions occidentales qui en ont découlé pour la Russie. Fort de cette manne pétrolière, le gouvernement irakien a alloué 153 milliards de dollars pour le budget 2023.

Alors que M. Abdulhamid pense que la distance géographique de l'Irak par rapport à la Palestine lui offre potentiellement «une certaine marge de manœuvre», M. Metwally craint que «tout détournement» des ressources financières pour traiter les questions de sécurité ne grève le budget du gouvernement, limitant ainsi les services publics essentiels.

Les économies de l’Irak, du Liban et de la Syrie sont particulièrement en danger, selon les experts (Photo, AFP).

M. Abdulhamid a reconnu l'existence d'un volant budgétaire, mais a déclaré que le Corps des gardiens de la révolution islamique, «agissant par l'intermédiaire de ses mandataires et de ses milices loyalistes, en siphonnera la majeure partie et tentera d'utiliser les richesses irakiennes comme trésor de guerre. Ainsi, si la guerre dure trop longtemps (plusieurs mois), les risques de conflits intercommunautaires et interrégionaux augmenteront à mesure que l'économie irakienne implosera. L'Iran suivra le mouvement».

Si cela se produisait, tous deux ont déclaré que même les économies régionales les plus robustes, y compris les pays du Golfe qui bénéficient actuellement d'une manne pétrolière, en subiraient les conséquences. Selon M. Metwally, bien que le risque soit actuellement faible, si les expéditions de pétrole dans le golfe Arabique et la mer Rouge étaient interrompues, les recettes pétrolières de ces pays pourraient en pâtir.

M. Abdulhamid a déclaré que le sort des autres pays de la région, en particulier les États du Golfe, dépendrait en grande partie de «la mesure dans laquelle les États-Unis sont prêts à les aider à sécuriser leurs frontières». Il explique: «Certaines parties, en particulier l'Iran et ses mandataires, mais aussi la Russie et la Chine, ont tout à gagner d'un conflit sanglant prolongé à Gaza, car elles peuvent marquer des points contre Israël, les États-Unis et l'Europe.»

Si les analystes sont tous d'accord sur la question de savoir qui sera le plus durement touché sur le plan économique, ils sont moins unanimes sur les perspectives d'extension du conflit. M. Abdulhamid est convaincu que les combats seront contenus, soulignant que «tout le monde a beaucoup à perdre, mais il y a une possibilité limitée que les parties s'embourbent.»

De même, l'analyste canadien d'origine syrienne Camille Alex Otrakji ne croit pas que la guerre soit inévitable malgré la montée de la rhétorique belliqueuse. «Il est fort probable qu'Israël, les États-Unis, l'Iran et le Hezbollah peaufinent et réévaluent constamment un large éventail de plans d'urgence, englobant à la fois des stratégies défensives et des stratégies offensives proactives», a-t-il affirmé.

Selon l’ONU, plus de 90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté et 15 millions d’entre eux nécessitent de l’aide humanitaire (Photo, AFP).
Selon l’ONU, plus de 90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté et 15 millions d’entre eux nécessitent de l’aide humanitaire (Photo, AFP).

«Toutefois, la mesure dans laquelle chaque partie est prête à une escalade reste une énigme pour les observateurs internationaux.»

«Les expressions de confiance et de détermination sont nombreuses sur tous les fronts, associées à des revendications de monopole incontestable sur la clarté morale. Pourtant, tous les acteurs ne cessent de lancer des avertissements à l'autre partie: “Si vous choisissez d'entrer dans ce conflit, soyez prêts à en supporter un coût incommensurable”, un sentiment qui découle souvent d'un désir commun d'éviter une nouvelle prolifération du conflit.

Néanmoins, M. Otrakji a présenté ce qu'il a décrit comme un échantillon des «scénarios inquiétants qui circulent jusqu'à présent», dans lesquels toute tentative d'Israël de s'emparer de Gaza aurait pour conséquence que le Hezbollah ciblerait les villes israéliennes avec des dizaines de milliers de missiles de haute précision, ce qui à son tour conduirait Israël et les États-Unis à viser la destruction de Damas, créant ainsi un vide de pouvoir en Syrie.

«Si les États-Unis entrent dans le conflit, les milices alliées de l'Iran, qui s'étendent de l'Irak au Yémen, pourraient lancer des attaques contre les bases américaines dans tout le Moyen-Orient», a-t-il ajouté. «Chaque fois que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ou l'un des principaux penseurs stratégiques de Washington annonce l'avènement d'un “nouveau Moyen-Orient”, l'ancien Moyen-Orient refait surface et rappelle avec force sa complexité persistante.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Abbas appelle le Hamas à libérer les otages à Gaza, frappes israéliennes meurtrières

Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
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  • Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages"
  • "C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007

GAZA: Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres.

Rompant une trêve de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive sur le territoire palestinien, affirmant vouloir contraindre le mouvement islamiste à libérer les otages qu'il retient depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages".

"C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Après plus de 18 mois de guerre, l'ONU a fait état de cas de "malnutrition aiguë sévère" parmi les 2,4 millions d'habitants du territoire, dont la plupart ont été déplacés par les combats.

Selon un responsable du mouvement, une délégation du Hamas se trouve actuellement au Caire pour discuter avec les médiateurs de "nouvelles idées" visant à rétablir un cessez-le-feu.

"Vivre comme les autres" 

Mercredi, la frappe israélienne la plus meurtrière a détruit une école qui abritait des déplacés dans la ville de Gaza, dans le nord, faisant onze morts et 17 blessés, "y compris des femmes et des enfants", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile palestinienne, Mahmoud Bassal.

"Le bombardement a provoqué un incendie massif dans le bâtiment et plusieurs corps calcinés ont été retrouvés", a-t-il dit.

Au total, 25 personnes ont été tuées dans les frappes qui ont visé plusieurs secteurs du nord de Gaza ainsi que Khan Younès, dans le sud, selon la Défense civile.

"Nous avons reçu des appels de détresse signalant plusieurs personnes disparues sous les décombres dans différentes zones de la bande de Gaza ", a affirmé Mahmoud Bassal.

Plusieurs corps enveloppés dans des linceuls blancs ont été transportés à l'hôpital al-Chifa, où se recueillaient des femmes éplorées.

"Nous ne voulons rien d'autre que la fin de la guerre pour pouvoir vivre comme le font les gens dans le reste du monde", s'exclamait Walid Al Najjar, un habitant de Khan Younès.

Selon Mahmoud Bassal, les secouristes manquent "des outils et équipements nécessaires pour les opérations de sauvetage et pour récupérer les corps".

L'armée israélienne n'a pas commenté dans l'immédiat.

Mardi, elle avait dit avoir détruit environ "40 engins du génie utilisés à des fins terroristes, y compris lors du massacre du 7 octobre".

Elle affirme que le Hamas utilise ces engins "pour poser des explosifs, creuser des tunnels souterrains, percer des clôtures de sécurité et dégager les gravats pour retrouver des armes et du matériel militaire".

Mesure "intolérable" 

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 1.928 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51.305 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l'offensive de représailles israélienne.

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

La situation est aggravée par le blocage de l'aide humanitaire imposé par Israël depuis le 2 mars.

Les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont conjointement exhorté mercredi Israël à cesser ce blocage, y voyant une mesure "intolérable" qui expose les civils à "la famine, des épidémies et la mort".

"Plusieurs personnes souffrant de malnutrition aiguë sévère à Gaza ont été admises à l'hôpital cette semaine", a indiqué mardi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ajoutant que ces cas étaient "en augmentation".

"Malgré des approvisionnements extrêmement faibles, environ 180 cuisines communautaires continuent de fonctionner chaque jour. Cependant, beaucoup d'entre elles sont sur le point de fermer car les stocks s'épuisent", a-t-il prévenu.

 


Turquie: puissant séisme de magnitude 6,2 au large d'Istanbul

Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
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  • Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara
  • Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique

ISTANBUL: Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques.

Selon l'Agence nationale de la gestion des catastrophes AFAD et le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, "un séisme de 6,2 s'est produit au large de Silivri, en mer de Marmara" peu avant 13H00 (10H00 GMT).

Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara.

Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique, ont constaté les journalistes de l'AFP.

"J'ai senti la secousse je me suis jeté dehors" confie un peintre, rencontré près de la Tour de Galata après avoir dévalé ses quatre étages.

Les autorités n'ont pas fait état de victimes ni de dégâts.

Le président Recep Tayyip Erdogan a indiqué "suivre les développements de près".

"Tous nos services d'urgence sont en état d'alerte. Aucun bâtiment ne s'est effondré selon les informations dont nous  disposons à ce stade. Nous poursuivons les recherches", a indiqué le gouvernorat d'Istanbul qui appelle "les citoyens à ne pas s'approcher de bâtiments endommagés".

La municipalité indique elle aussi suivre la situation, précisant qu'"aucun cas grave n'a été sigalé jusqu'à présent".

La hantise du "Big one" 

Outre le séisme principal, l'AFAD précise avoir enregistré trois autres secousses de magnitude 3.9 à 4.9 dans la même zone.

La Turquie est traversée par deux failles qui ont causé de nombreux drames par le passé.

Istanbul vit dans la hantise du "Big one": elle est située à 20 km de la faille nord-anatolienne et les plus pessimistes des experts prévoient un séime de magnitude 7 au moins d'ici à 2030, qui provoquerait l'effondrement partiel ou total de centaines de milliers d'édifices.

Le sud-est du pays a subi un violent tremblement de terre en février 2023 qui a fait au moins 53.000 morts et dévasté la cité antique d'Antakya, l'ex Antioche.

Le district de Silivri abrite notamment l'une des principales prisons du pays, où se trouvent notamment incarcérés le maire d'oppposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu et le mécène et philanthrope Osman Kavala.

C'est également là qu'ont été conduits de très nombreux manifestants interpellés lors de la vague de contestation qui a suivi l'arrestation de M. Imamgolu le 19 mars, incarcéré à Silivri six jours plus tard.

Le réseau d'entraide des parents des jeunes détenus a affirmé sur X que l'établissement n'avait pas subi de dégâts.

 


1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
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  • Si les accords ont valu à Sadate et Begin le prix Nobel, ils n'ont que peu contribué à l'établissement d'une paix durable au Moyen-Orient
  • En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies

CHICAGO — En se rendant à Jérusalem, le président égyptien Anouar el-Sadate poursuivait une vision ambitieuse: prévenir tout nouveau conflit et résoudre la crise israélo-arabe par voie diplomatique. Sa démarche reposait sur la conviction profonde qu'une paix véritable ne pourrait être fragmentaire. Elle devait, selon lui, englober non seulement l'Égypte et ses voisins arabes — Jordanie, Syrie et Liban — mais s'articuler essentiellement autour d'un engagement formel d'Israël à se retirer des territoires occupés et à permettre l'émergence d'un État palestinien souverain.

Face aux parlementaires israéliens réunis à la Knesset, Sadate a prononcé un discours-fleuve dont l'une des déclarations les plus marquantes résonne encore aujourd'hui : "Mon voyage n'a pas pour objectif un accord bilatéral isolant l'Égypte... Car même si tous les États du front parvenaient à un accord avec Israël, cette paix resterait fragile et illusoire tant qu'une solution équitable à la question palestinienne ne sera pas trouvée. C'est cette paix juste et pérenne que la communauté internationale appelle unanimement de ses vœux."

Sadate n'aura pas vécu assez longtemps pour constater à quel point il avait raison:  l'obstination israélienne à maintenir son emprise sur les territoires occupés allait effectivement déclencher un engrenage fatal. Cette politique d'occupation a progressivement nourri les courants extrémistes, multipliés les cycles de violence, fragilisée la stabilité de l'Égypte elle-même, et fait voler en éclats tout espoir d'une réconciliation durable dans la région.

L'objectif unique du Premier ministre israélien Menahem Begin était d'éliminer la menace militaire égyptienne, de diviser les "États du front" arabes et de bloquer les revendications en faveur d'un État palestinien.

Sadate fut naïf de faire confiance à Begin, l'un des terroristes les plus impitoyables du Moyen-Orient. Begin avait orchestré certaines des atrocités civiles les plus odieuses durant le conflit israélo-arabe de 1947-1948, notamment le massacre de près de 100 civils dans le petit village palestinien de Deir Yassine. 

Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".
Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".

Ce massacre, au cours duquel des femmes enceintes furent sauvagement assassinées et leurs corps jetés dans le puits du village, a profondément choqué la population arabe de Palestine, provoquant un exode massif de réfugiés terrorisés. Avant son discours à la Knesset, Sadate avait visité le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem qui, ironie du sort, est édifié sur les vestiges de Deir Yassine.

Déroulé tapis rouge par Israël et les États-Unis, Sadate se vit propulsé au rang de chef d'État modèle pour son audace pacificatrice. Sa tournée américaine de 1978 prit des allures de triomphe: banquets somptueux et réceptions officielles dans les métropoles du pays. À Chicago, pourtant, un autre accueil l'attendait. J'étais là, mêlé à une foule de 500 Américains d'origine arabe, scandant notre opposition à ce que nous considérions comme une véritable reddition diplomatique.

Les Accords de Camp David ont valu à Sadate et Begin le Prix Nobel de la paix 1978, mais aussi l'opprobre du monde arabe. La Ligue arabe réagit en excluant l'Égypte et en transférant le siège de l'organisation du Caire à Tunis.

La stratégie d'Israël était transparente pour tous, sauf pour Sadate. Il signa les accords après 12 jours d'intenses négociations en 1978, du 5 au 17 septembre. Mais quelques semaines auparavant, Begin avait inauguré la colonie d'Ariel, sur des terres confisquées en Cisjordanie à plus de 16 kilomètres à l'est de la Ligne verte, devenue depuis un symbole de la guerre continue d'Israël contre l'État palestinien et le centre de l'expansion des colonies israéliennes.

Malgré cette réalité troublante sur le terrain, Sadate signa un traité de paix formel avec Israël à la Maison Blanche le 26 mars 1979, mettant officiellement fin au conflit entre les deux pays.

Dates clés

14 février 1977
Le président américain Jimmy Carter écrit à son homologue égyptien Anouar el-Sadate et au Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour exprimer son engagement à trouver "un règlement de paix durable au Moyen-Orient".

 21 octobre 1977
Dans une lettre manuscrite, Carter fait appel à Sadate: "Le moment est venu d'avancer, et votre soutien public précoce à notre approche est extrêmement important — peut-être vital".

 11 novembre 1977
Après l'annonce par Sadate de son intention de visiter Israël, le nouveau Premier ministre israélien, Menahem Begin, s'adresse au peuple égyptien depuis Jérusalem en plaidant pour "plus de guerres, plus d'effusion de sang".

3 août 1978
Carter adresse des lettres confidentielles à Sadate et Begin, leur proposant une rencontre.

5 septembre 1978
Sadate et Begin arrivent à Camp David pour dix jours de pourparlers.

17 septembre 1978
À 21h37, Carter, Begin et Sadate embarquent à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine 1 et s'envolent du Maryland vers la Maison Blanche. À 22h31, Begin et Sadate signent un cadre pour la paix.

27 octobre 1978
Sadate et Begin reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix.

26 mars 1979
Sadate et Begin signent le traité de paix égypto israélien à Washington.

6 octobre 1981
Sadate est assassiné au Caire par des extrémistes islamiques opposés au traité de paix.

Si l'on examine les cinq fondements de l'accord, seuls deux ont franchi le cap de la concrétisation. L'Égypte a récupéré le Sinaï, sous conditions de démilitarisation, et la normalisation diplomatique formelle entre Le Caire et Tel-Aviv, mettant officiellement un terme à l'état de belligérance.
 
Les trois autres engagements sont restés lettre morte: les négociations pour résoudre la question palestinienne, avec la participation jordanienne, ont stagné; l'introduction de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et à Gaza dans un délai de cinq ans a échoué; et la fin des colonies israéliennes n'a même jamais été amorcée.

Les accords n'ont jamais été autorisés à entraver les plans visant à renforcer l'emprise d'Israël sur les territoires occupés. Lorsque le président américain Jimmy Carter a perdu sa réélection le 4 novembre 1980, et que Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire le 6 octobre 1981, Begin a reçu carte blanche pour enterrer définitivement le "rêve" de Sadate.

Malgré leurs divergences politiques, le président américain Ronald Reagan tenta de poursuivre la vision de paix au Moyen-Orient portée par Carter et proposa, en août 1982, un "gel" des colonies, exhortant Israël à accorder aux Palestiniens une "autonomie" comme étape vers un État. 

Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP
Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP

La réaction de Begin fut immédiate. Le 2 septembre 1982, avec Carter et Sadate hors-jeu, il conduisit une initiative à la Knesset pour consolider l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et le plateau du Golan, augmentant la population de colons juifs. Israël, déclara le Cabinet, "se réserve le droit d'appliquer sa souveraineté sur les territoires à l'issue de la période de transition de cinq ans" vers "l'autonomie" palestinienne explicitement envisagée dans les Accords de Camp David.

En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies ou "avant-postes" en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette année, le 20 janvier, premier jour de son second mandat, le président américain Donald Trump a levé les sanctions imposées par l'administration Biden sur des groupes de colons d'extrême droite accusés de violences contre les Palestiniens.

Ironie du sort, alors que les accords de Camp David devaient créer un climat d'espoir et d'optimisme, leur progression limitée au seul retour du Sinaï a engendré un sentiment de fatalisme nourrissant l'extrémisme, comme en témoignent de façon dramatique les attaques meurtrières du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Si le cessez-le-feu entre Le Caire et Tel-Aviv tient toujours, l'incapacité chronique à résoudre la question palestinienne a considérablement affaibli la portée historique des accords. Ce qui devait incarner une paix globale s'est progressivement dégradé en un simple pacte de non-agression formalisé. Aujourd'hui, les relations égypto-israéliennes se résument essentiellement à une collaboration sécuritaire.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique primé de la mairie de Chicago. Il est chroniqueur pour Arab News et anime l'émission de radio Ray Hanania. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com