La Turquie commémore le «séisme du siècle» avec chagrin et colère

Cette photographie montre la porte du marché de l'art et de la culture d'Antakya (Hatay Art and Culture Bazaar) à Antakya le 29 janvier 2025. Aucun endroit n'a été plus touché qu'Antakya, où 90 % des bâtiments ont été détruits et où plus de 20 000 personnes ont trouvé la mort dans la ville et sa province, Hatay.  (AFP)
Cette photographie montre la porte du marché de l'art et de la culture d'Antakya (Hatay Art and Culture Bazaar) à Antakya le 29 janvier 2025. Aucun endroit n'a été plus touché qu'Antakya, où 90 % des bâtiments ont été détruits et où plus de 20 000 personnes ont trouvé la mort dans la ville et sa province, Hatay. (AFP)
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Publié le Jeudi 06 février 2025

La Turquie commémore le «séisme du siècle» avec chagrin et colère

  • Des incidents ont éclaté dans Antakya, traditionnellement frondeuse, quand une foule qui voulait avancer vers le centre-ville a été bloquée par la police. Selon les médias locaux, trois personnes ont été arrêtées
  • "Vous nous envoyez du gaz, allez-vous aussi arroser nos morts?", a crié la foule en colère

ANTAKYA: La Turquie commémore jeudi le tremblement de terre du 6 février 2023 qui a englouti près de 60.000 vies et dévasté des villes entières dans le sud-est du pays.

Dès 04H17 (01H17 GMT), l'heure exacte du séisme de magnitude 7,8 survenu il y a deux ans, des proches de victimes et des rescapés se sont rassemblés dans plusieurs villes meurtries, dont Adiyaman et Antakya, la vieille Antioche, pour se souvenir de ces terribles minutes qui ont emporté leur vie.

Le séisme, ressenti jusqu'en Egypte, avait fait s'écrouler des milliers d'immeubles, prenant au piège leurs habitants endormis.

"Deux ans ont passé mais c'est toujours la même émotion, nous la vivons comme au premier jour", confie à l'AFP Emine Albayrak, 25 ans, qui s'est jointe au rassemblement d'Antakya.

"Ça fait deux ans mais c'est comme si c'était hier. La vie continue, mais comment?", lâche Hümeysa Bagriyanik, 18 ans. "Je me sens étrangère dans ma propre ville, elle est rasée, je ne reconnais aucune des rues que j'emprunte".

Des incidents ont éclaté dans Antakya, traditionnellement frondeuse, quand une foule qui voulait avancer vers le centre-ville a été bloquée par la police. Selon les médias locaux, trois personnes ont été arrêtées.

"Vous nous envoyez du gaz, allez-vous aussi arroser nos morts?", a crié la foule en colère.

Dans la matinée, une messe a été dite devant les ruines de l'église orthodoxe d'Antakya, l'un des berceaux du christianisme.

"En colère" 

Depuis Adiyaman, le président Recep Tayyip Erdogan, qui a qualifié le séisme de 2023 de "catastrophe du siècle", a salué les "mémoires précieuses" des plus de 53.500 victimes du séisme en Turquie -- auxquelles s'ajoutent 6.000 morts côté syrien.

Alors que le gouvernement turc s'était retrouvé sous le feu des critiques face à la lenteur des secours dans certaines régions et aux images de survivants livrés à eux-mêmes, le chef de l'Etat a promis de ne "laisser aucun citoyen sans maison" d'ici la fin de l'année.

Pour l'heure, 670.000 personnes vivent toujours dans des conteneurs, attendant pour beaucoup d'être tirées au sort pour pouvoir emménager dans des appartements construits par l'Etat.

Près de 201.500 nouveaux logements ont été livrés dans la vaste région affectée par le séisme, et plus de 220.000 autres doivent l'être encore cette année, a répété M. Erdogan.

Sema Genç, 34 ans, une rescapée de la province d'Hatay, fait partie des relogés, mais "partout où je vais, le premier endroit que je regarde est le plafond", confie-t-elle à l'AFP. "Je me demande s'il s'effondrera et si je resterai coincée sous les décombres".

Unique survivante de sa famille, elle se dit toujours "en colère" contre l'entreprise qui a construit son ancien immeuble, qui s'est écroulé sur elle et ses proches.

À ce jour, 189 personnes, reconnues pour beaucoup coupables de "négligences" dans la construction des bâtiments, ont été condamnées à des peines de prison. Et 1.342 procès impliquant 1.850 prévenus sont en cours, selon le ministère turc de la Justice.

 "Promesses non tenues" 

Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), principale formation de l'opposition turque, avait dénoncé mercredi depuis Adiyaman "les promesses non tenues" de M. Erdogan, qui s'était engagé au printemps 2023, en pleine campagne présidentielle, à reconstruire plus de 300.000 logements en un an.

M. Özel a aussi évoqué les séismes à répétition en mer Egée, près de l'île grecque de Santorin, qui font redouter depuis plusieurs jours une secousse d'ampleur qui pourrait affecter le sud-ouest de la Turquie.

Mardi, le ministre turc de l'Urbanisme, Murat Kurum, a lui mis en garde contre les conséquences d'un "Big One" à Istanbul, la plus grande ville du pays, dont les rives sud ne sont distantes que d'une quinzaine de kilomètres de la faille nord-anatolienne.

En 1999, une rupture sur cette faille avait provoqué un séisme de magnitude 7,4 qui avait tué 17.000 personnes, dont un millier à Istanbul. Vingt-six ans plus tard, nombre d'immeubles de la mégapole ne répondent toujours pas aux normes antisismiques.

"Istanbul n'aura pas la force de résister à un nouveau tremblement de terre" d'ampleur, a prévenu mardi le ministre turc, estimant que "des millions de nos frères et sœurs stambouliotes vivent dans 600.000 logements qui pourraient s'effondrer".

 


Explosion au port de Beyrouth: première comparution d'un ex-ministre

Une photo montre une vue du port de Beyrouth, site d'une énorme explosion qui a dévasté la capitale libanaise trois ans plus tôt, le 22 juillet 2023. (AFP)
Une photo montre une vue du port de Beyrouth, site d'une énorme explosion qui a dévasté la capitale libanaise trois ans plus tôt, le 22 juillet 2023. (AFP)
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  • Un ancien ministre de l'Intérieur a comparu jeudi pour la première fois devant le juge libanais chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth en 2020
  • En 2021, le juge Tarek Bitar avait été contraint de suspendre son enquête sur cette explosion qui a fait plus de 220 morts et plus de 6.500 blessés en raison de pressions politiques

BEYROUTH: Un ancien ministre de l'Intérieur a comparu jeudi pour la première fois devant le juge libanais chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth en 2020, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

En 2021, le juge Tarek Bitar avait été contraint de suspendre son enquête sur cette explosion qui a fait plus de 220 morts et plus de 6.500 blessés en raison de pressions politiques.

Une série d'actions en justice avaient en outre été intentées contre lui par des responsables politiques et fonctionnaires cités dans l'enquête, notamment l'ancien ministre de l'Intérieur, Nohad al-Machnouk, soupçonné de "négligence et manquements".

Le juge a repris en février ses investigations, après l'élection de Joseph Aoun à la présidence de la République et la nomination d'un Premier ministre réformateur, Nawaf Salam, qui se sont tous deux engagés à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Selon la source judiciaire qui a requis l'anonymat, l'interrogatoire a porté sur un rapport que M. Machnouk avait reçu le 5 avril 2014, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, concernant la "détention d’un navire dans les eaux territoriales libanaises, dont l’équipage avait demandé à être autorisé à reprendre la mer".

Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des pans entiers de la capitale libanaise.

La déflagration a été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium acheminées par navire, malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités libanaises, qui étaient au courant des dangers encourus, ont rejeté toute enquête internationale.

L'enquête avait notamment été suspendue après les accusations de partialité du juge proférées par le Hezbollah, désormais très affaibli par sa dernière guerre contre Israël fin 2024. Le parti qui dominait la vie politique libanaise avait demandé le renvoi de M. Bitar.

Deux juges de la direction des enquêtes de Paris sont attendus à Beyrouth à la fin du mois, pour présenter à M. Bitar les éléments recueillis par la justice française, trois ressortissants français figurant parmi les victimes, selon une source judiciaire.

Le 11 avril, deux anciens hauts responsables de la sécurité avaient également comparu pour la première fois devant M. Bitar.


Cellule terroriste: Amman partage les détails de l’enquête avec Beyrouth

Le roi Abdallah de Jordanie et le président libanais Joseph Aoun. (AFP)
Le roi Abdallah de Jordanie et le président libanais Joseph Aoun. (AFP)
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  • Beyrouth ne sait pas si des citoyens libanais sont impliqués dans un groupe de fabrication de missiles
  • Les services de renseignement de l'armée arrêtent deux Palestiniens pour contrebande d'armes à la frontière libano-syrienne

BEYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a été informé, mercredi, par le roi Abdallah de Jordanie des résultats de l'enquête sur une cellule de fabrication de missiles découverte en Jordanie. Deux membres de cette cellule avaient été envoyés au Liban pour y suivre une formation.

Selon son bureau de presse, M. Aoun a exprimé la «pleine disposition du Liban à la coordination et à la coopération» entre les deux pays et a chargé le ministre de la Justice Adel Nassar de travailler avec son homologue jordanien, en coopération avec les agences de sécurité et judiciaires, sur les enquêtes et l'échange d'informations.

Une source judiciaire a déclaré à Arab News que les services de renseignement de l'armée libanaise «suivaient de près l'affaire de la cellule terroriste et nous ne savons pas encore si des Libanais sont impliqués».

«Cette agence a demandé à la Jordanie de lui fournir des informations concernant les enquêtes, de s'appuyer sur les enquêtes libanaises et, dans le cas où une implication libanaise serait prouvée, l'affaire serait alors renvoyée à la justice libanaise», a déclaré cette personne.

Parallèlement, les services de renseignement de l'armée libanaise ont déclaré avoir arrêté deux Palestiniens dans la ville de Sidon, dans le sud du pays, pour «commerce et contrebande d'armes militaires à travers la frontière libano-syrienne, et ont saisi plusieurs armes et munitions militaires en leur possession».

Le commandement de l'armée a déclaré que les détenus faisaient l'objet d'une enquête sous la supervision du pouvoir judiciaire.

Les médias ont rapporté que les deux hommes étaient des membres de l'appareil de sécurité du mouvement Hamas à Sidon.

Aucune agence de sécurité officielle n'a confirmé l'existence d'un lien entre les arrestations et la cellule jordanienne.

Mardi, l'agence de presse jordanienne a cité des responsables des services de renseignement qui ont déclaré qu'«une série de complots visant la sécurité nationale du pays ont été déjoués et 16 personnes soupçonnées de préparer des actes de chaos et de sabotage ont été arrêtées».

Les plans prévoyaient la production de missiles à l'aide de matériaux locaux et de composants importés. Des explosifs et des armes à feu ont été découverts, ainsi qu'un missile dissimulé prêt à être utilisé.

Les 16 suspects sont soupçonnés d'avoir participé à la mise au point de drones, d'avoir recruté et formé des individus au niveau national et d'en avoir envoyé d'autres à l'étranger pour qu'ils y poursuivent leur formation.

Selon les déclarations des suspects, deux membres de la cellule – Abdallah Hicham et Muath al-Ghanem – ont été envoyés au Liban pour coordonner leurs activités avec une figure importante de l'organisation et recevoir une formation.

En décembre, l'armée libanaise a lancé un processus de désarmement des factions palestiniennes situées à l'extérieur des camps de réfugiés palestiniens. Ces factions, fidèles à l'ancien régime syrien, étaient principalement basées dans la région de la Békaa, le long de la frontière avec la Syrie, et dans la région méridionale.

Le Premier ministre Nawaf Salam a exprimé «l'entière solidarité du Liban avec la Jordanie dans la lutte contre les complots qui menacent sa sécurité et sa stabilité» et sa «volonté de coopérer avec les autorités jordaniennes en cas de besoin concernant les informations selon lesquelles certaines personnes impliquées dans ces complots ont reçu une formation au Liban», selon son bureau de presse.

Lors du lancement du projet de réhabilitation de la route de l'aéroport de Beyrouth, M. Salam a déclaré que les questions de sécurité sur la route de l'aéroport étaient «en cours d'examen avec le ministre de la Défense Michel Menassa et le ministre de l'Intérieur Ahmed Hajjar».

Au cours des dernières 48 heures, la municipalité de Beyrouth a entrepris des efforts pour retirer des rues de la capitale les drapeaux des partis et les images des politiciens et des chefs de partis, en particulier ceux qui sont associés au Hezbollah.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Liban: deux morts dans de nouvelles frappes israéliennes sur le sud

Le Liban a fait état de deux morts dans des frappes israéliennes distinctes sur le sud du pays mercredi, alors que l'armée israélienne a déclaré avoir tué un agent du Hezbollah, malgré le cessez-le-feu entre les deux parties. (X/@MajaletAzhar_)
Le Liban a fait état de deux morts dans des frappes israéliennes distinctes sur le sud du pays mercredi, alors que l'armée israélienne a déclaré avoir tué un agent du Hezbollah, malgré le cessez-le-feu entre les deux parties. (X/@MajaletAzhar_)
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  • Deux personnes ont été tuées dans deux nouvelles frappes israéliennes sur le sud du Liban mercredi
  • Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre, Israël continue de mener régulièrement des attaques au Liban

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées dans deux nouvelles frappes israéliennes sur le sud du Liban mercredi, a indiqué le ministère libanais de la Santé, l'armée israélienne disant avoir visé deux combattants du Hezbollah.

Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre, Israël continue de mener régulièrement des attaques au Liban, affirmant viser le Hezbollah pro-iranien.

"La frappe menée par l'ennemi israélien à l'aide d'un drone sur une voiture (...) a fait un mort" dans la région de Wadi al-Hujair, a indiqué le ministère de la Santé, "un terroriste de la force al-Radwan du Hezbollah", selon l'armée israélienne.

Une deuxième frappe israélienne sur la localité de Hanine a "coûté la vie à un civil et en a blessé un autre", selon le ministère de la Santé libanais. D'après l'agence nationale d’information officielle Ani, la frappe visait une "moto".

L'armée israélienne a indiqué avoir visé "un terroriste du Hezbollah" dans ce secteur, sans préciser s'il avait été tué ou non.

Mardi, une attaque de drone israélien sur une voiture dans le secteur de Aïtaroun a fait deux morts, selon un nouveau bilan du ministère de la Santé, l'un des trois blessés, un adolescent âgé de 17 ans, étant décédé.

L'armée israélienne avait affirmé mardi avoir éliminé "un commandant appartenant à la division des opérations spéciales du Hezbollah" dans cette région du sud du Liban.

Le même jour, l'ONU a indiqué que 71 civils, y compris plusieurs femmes et enfants, avaient été tués par l'armée israélienne au Liban depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu ayant mis fin le 27 novembre à une guerre meurtrière entre Israël et le Hezbollah.

L'accord de cessez-le-feu prévoit que seuls les Casques bleus de l'ONU et l'armée libanaise soient déployés dans le sud du Liban, frontalier d'Israël.

Le Hezbollah, très affaibli par la guerre, doit pour sa part se retirer au nord du fleuve Litani, à quelque 30 km de la frontière israélienne, et démanteler ses infrastructures militaires restantes dans le sud.

L'armée israélienne devait se retirer entièrement du sud du Liban mais elle s'est maintenue dans cinq points stratégiques.

Déclenchée en octobre 2023, la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza a poussé le Hezbollah à ouvrir un front depuis le sud du Liban en soutien au mouvement palestinien.

En septembre 2024, le conflit a dégénéré en guerre ouverte: les bombardements israéliens ont décimé la direction du Hezbollah et fait plus de 4.000 morts.