La guerre qui a éclaté au Soudan en avril entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) continue de faire rage sans qu'aucune solution ne soit en vue.
Ce type de conflit prolongé a souvent des conséquences à long terme qui peuvent être catastrophiques et provoquer une crise existentielle non seulement pour le pays touché, mais aussi pour d'autres pays de la région. C'est pourquoi il est essentiel que les médias, les universitaires, les hommes politiques et les analystes politiques sensibilisent à la gravité du problème.
Le conflit armé a provoqué le déplacement de plus de cinq millions d’individus dans les dix-huit États du Soudan, qui tentent de fuir la violence. Selon les dernières statistiques, plus de quatre millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays, tandis que plus d'un million ont fui le pays. Les plus fortes concentrations d’individus qui quittent leur foyer se trouvent dans les États suivants: Nil fluvial (15%), Nord (11%), Darfour du Nord (9%) et Nil blanc (9%).
Mais il est également important de souligner que, avant le début du conflit actuel, le Soudan figurait parmi les dix premiers pays du monde en termes d'accueil de réfugiés. Ces derniers provenaient de pays tels que l'Éthiopie, la Syrie et l'Érythrée. Par conséquent, non seulement le conflit armé oblige les Soudanais à quitter leur foyer, mais il est fort probable qu'il contraigne également les demandeurs d'asile et les réfugiés d'autres pays à partir. La crise des réfugiés dans la région n'en sera que plus aiguë.
Le Tchad est l'un des pays qui a abrité un grand nombre de réfugiés soudanais. Les autres pays d'accueil sont le Soudan du Sud, l'Égypte, l'Éthiopie, la République centrafricaine et la Libye. Ceux qui parviennent à se rendre dans l'un des pays voisins du Soudan font un voyage harassant et difficile. En juillet, Pierre Honnorat, directeur du Programme alimentaire mondial au Tchad, a décrit la situation en s'adressant à des journalistes via Zoom du camp de réfugiés de Zabout, à Goz Beïdas. Il a confié: «Nous voyons bien que les gens ont souffert, beaucoup ont perdu des membres de leur famille, et nous n'osons même pas leur demander: “Où sont les hommes?” Les mères répondent souvent qu'ils ont été tués. On voit donc beaucoup de femmes et beaucoup d'enfants.»
Dans une crise de réfugiés et de déplacements de grande ampleur, les femmes, les enfants et les blessés font partie des groupes les plus vulnérables. Ils ont besoin de soins médicaux et de services de base tels que de la nourriture, de l'eau et un abri. Selon le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés, près de 90% des Soudanais qui arrivent au Tchad sont des femmes et des enfants. Une analyse réalisée au mois d'août par l'Integrated Food Security Phase Classification a montré que plus de 6 millions de Soudanais sont actuellement à deux doigts de la famine.
Cela signifie que si la communauté internationale ne fournit pas les fonds nécessaires pour répondre aux besoins de base, une catastrophe humanitaire pourrait se produire et avoir des répercussions sur les sociétés et les pays pour les générations à venir.
Les pays vers lesquels les réfugiés soudanais fuient sont aux prises avec leurs propres crises socio-économiques.
Majid Rafizadeh
L'aide mondiale dans les domaines de l'alimentation, de la nutrition, des soins de santé primaires, de la santé mentale et des services de santé des enfants est essentielle pour éviter les décès, les souffrances et la multiplication des cas de maladies infectieuses, entre autres. «Chaque semaine, des enfants meurent dans les centres de nutrition; c'est une réalité. Le taux de malnutrition chez les enfants est aujourd'hui trop élevé et nous devons être extrêmement rapides dans la prévention pour nous assurer que ceux qui souffrent de ce que nous appelons la “malnutrition modérée à aiguë” puissent recevoir d'urgence ce dont ils ont besoin pour ne pas tomber dans la malnutrition grave», a souligné M. Honnorat.
En d'autres termes, pour les réfugiés soudanais, fuir le conflit et se rendre dans un pays voisin ne signifie pas que leurs problèmes sont terminés.
Les pays vers lesquels les réfugiés soudanais fuient sont aux prises avec leurs propres crises socio-économiques. Par exemple, bien que le Tchad accueille des réfugiés soudanais, dont beaucoup viennent du Darfour, il est confronté à une crise multidimensionnelle et à des problèmes financiers. C’est l'un des pays les plus pauvres du monde et il accueillait déjà plus d'un demi-million de réfugiés soudanais avant que le conflit n'éclate, au mois d’avril.
La plupart des réfugiés soudanais au Tchad vivent dans des camps de réfugiés et des communautés d'accueil. Le niveau de sous-développement du pays est alarmant, ce qui aggrave encore la situation. Comme l'a souligné l'Agence américaine pour le développement international, «seulement 6% de la population a accès à l'électricité et 8% à des installations sanitaires de base. Le taux d'alphabétisation des adultes est de 22%. L'espérance de vie n'est que de cinquante-trois ans. Environ trois quarts des naissances ont lieu sans l'assistance d'un professionnel de santé qualifié».
Des pays comme le Tchad et l'Égypte devront probablement faire face à des pressions politiques et économiques accrues s'ils ne sont pas préparés à cette crise, car les réfugiés peuvent sérieusement affecter non seulement l'économie du pays d'accueil, mais aussi ses structures sociales, politiques et même environnementales.
C'est pourquoi il est essentiel que les Nations unies, en coopération avec l'Union africaine, aident les réfugiés soudanais en leur fournissant des services alimentaires, de soins de santé primaires et de santé mentale. Il est également primordial d'aider les pays d'accueil qui manquent de ressources pour faire face à l'afflux de réfugiés.
En résumé, il incombe à la communauté internationale de faire de l'aide aux réfugiés soudanais et à leurs pays d'accueil une priorité.
Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
X: @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com