Le Hamas n’est pas une organisation qui sort de l’ordinaire dans l’Histoire du conflit palestino-israélien. Si le Hamas se vante de ses opérations, d’autres organisations palestiniennes l’ont précédé avec des opérations tout aussi significatives. La différence était, qu’à cette époque, les moyens photographiques étaient limités et les médias verrouillés.
Le Fatah-Conseil révolutionnaire, connu sous le nom de son chef «Abou Nidal», a tué près de deux mille personnes dans vingt pays, détourné des avions et des navires et assassiné des hommes politiques. Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), un autre groupe de gauche dirigé par Georges Habache, a mené des opérations massives, notamment l’enlèvement de ministres du Pétrole lors d’une réunion de l’Opep à Vienne et leur envoi dans un avion qui a atterri en Algérie. Il a également fait sauter trois avions de ligne à la fois à l’aéroport d’Amman.
«Abou Nidal» et le FPLP ont disparu en Syrie et en Irak, tandis que le mouvement Fatah a persisté, s’implantant en territoire palestinien. Son mouvement et son activité armée s’inscrivent dans un projet politique national.
Le Hamas ne survivra peut-être pas aux attaques majeures du 7 octobre. Je suppose que les dirigeants du mouvement en étaient conscients lorsqu’ils ont décidé d’exécuter cette opération, et ce parce que le conflit est généralement régi par l’équilibre des pertes. Dans le passé, le Hamas ne manquait pas de volontaires entraînés au combat; pourtant, les individus impliqués dans l’opération se comptaient sur les doigts des deux mains. L’équilibre faisait partie des calculs du conflit que les deux parties devaient supporter et avec lequel elles devaient vivre. De même, Israël, malgré de nombreuses escarmouches mineures, attaque rarement le Hezbollah, peut-être seulement une fois tous les dix ans, lorsqu’il constate que ses capacités humaines et militaires ont atteint ce qu’il considère comme une menace.
Les milices armées ne règlent pas le conflit et, quels que soient leurs échos dans le monde, elles sont vite oubliées. L’Autorité palestinienne (AP), lorsqu’elle était «l’Organisation de libération de la Palestine» (OLP), dirigée par le «Fatah», vivait en exil et elle gérait les affaires palestiniennes politiquement, militairement et socialement. Après avoir été exilée de Beyrouth, elle y est revenue grâce à la Conférence de Madrid, puis s’est transformée en autorité légitime grâce aux accords d’Oslo, sur sa terre promise, la Cisjordanie. Aujourd’hui, elle constitue peut-être l’espoir du Palestinien qui souhaite à la fois améliorer sa situation quotidienne difficile et établir un État palestinien indépendant.
Les Israéliens refusent toujours cette option, affirmant que l’AP est incapable d’assumer ses responsabilités et que ses dirigeants – soit Mahmoud Abbas et ses collègues – ont vieilli et ne sont pas aussi compétents que les précédents dirigeants de l’organisation.
D’autre part, on peut observer qu’il n’y a plus en Israël de dirigeants historiques comme Yitzhak Rabin. Benjamin Netanyahou, l’actuel Premier ministre, est considéré par de nombreux Israéliens comme étant corrompu et opportuniste. Par ailleurs, ils lui reprochent de n’avoir été un partenaire de paix dans aucun des efforts précédents. En effet, pour échapper à la prison, il est engagé dans une lutte avec ses rivaux et collègues au sein du parti.
«Le Hamas ne libérera pas la Palestine avec ses parapentes et M. Netanyahou n’étouffera pas la détermination des Palestiniens à établir leur État.»
Abdulrahman al-Rashed
La région est actuellement confrontée à une crise très dangereuse qui pourrait s’amplifier et s’étendre. Outre Gaza, les destructions pourraient s’étendre à la Cisjordanie; une guerre pourrait éclater au Liban et les incendies pourraient se propager plus loin géographiquement, pour une durée indéterminée.
Je vois une ressemblance entre cette guerre et la guerre de Beyrouth de 1982, quand Ariel Sharon a envahi la capitale libanaise après une tentative d’assassinat de l’ambassadeur israélien à Londres. L’ironie est que l’auteur était issu du groupe «Abou Nidal» et qu’on accusait Damas d’avoir participé à l’opération. Cependant, c’est l’OLP qui en a payé le prix; les Israéliens ont forcé le groupe à partir vers la Tunisie, le Soudan et le Yémen. En pratique, cela a marqué la fin du Fatah en tant que mouvement de lutte armée.
Les opérations et les déclarations d’Israël indiquent qu’il a l’intention de se débarrasser du Hamas et de la plupart de ses militants, notamment en les expulsant de la bande de Gaza via l’Égypte.
Au nord, il est peu probable que le Hezbollah soit impliqué dans la guerre, car cela signifierait le retour de l’armée israélienne au Liban-Sud. Le groupe est conscient que la destruction de ses capacités l’affaiblirait en Syrie, qui est devenue plus importante pour la milice sur les plans militaire et politique. Il pourrait même perdre sa domination totale sur le Liban.
Mais revenons à la question: pourquoi le Hamas a-t-il mené cette attaque massive, ou comme certains l’appellent, le «11-Septembre israélien»? Est-ce un suicide collectif ou une manière de résoudre le dilemme de l’équilibre des pouvoirs? Après ses attaques, le groupe Al-Qaïda est passé d’une organisation dirigeant l’État d’Afghanistan à une vie dans des grottes. Oussama ben Laden a été retrouvé caché au Pakistan et ses enfants en Iran. Mais Al-Qaïda diffère du Hamas dans la mesure où son projet était le califat, un fantasme historique qui n’a pas sa place dans l’ère moderne, alors que le projet palestinien est réel et porteur de grands espoirs.
Néanmoins, nous sommes désormais devant une occasion et, comme l’a dit Winston Churchill à l’ONU après les ravages de la Seconde Guerre mondiale: «Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise.»
Le Hamas a choisi cette voie et Israël a décidé de changer la réalité à Gaza par la force et de mettre fin au Hamas. Aucune des deux parties ne réglera le conflit comme elle le souhaite. Le Hamas ne libérera pas la Palestine avec ses parapentes et M. Netanyahou n’étouffera pas la détermination des Palestiniens à établir leur État.
Abdulrahman al-Rashed est un journaliste et intellectuel saoudien. Il est l’ancien directeur général de la chaîne d’information Al-Arabiya et l’ancien rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat, où cet article a d’abord paru.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com