Les échecs d'Assad sont à l'origine de l'effondrement de la Syrie

Le président syrien Bachar el-Assad à Damas en 2017. (Reuters)
Le président syrien Bachar el-Assad à Damas en 2017. (Reuters)
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Publié le Lundi 06 janvier 2025

Les échecs d'Assad sont à l'origine de l'effondrement de la Syrie

Les échecs d'Assad sont à l'origine de l'effondrement de la Syrie
  • La révolution syrienne contre Bachar n'a donc pas été une surprise, même si elle a éclaté trois mois après le soulèvement tunisien
  • Ayant échoué sur le plan économique, Assad a eu recours au trafic de drogue et à l'accueil de groupes armés pendant la guerre d'Irak

Lorsque Bachar el-Assad a perdu le contrôle des zones riches en pétrole de l'est de la Syrie, dont la plupart sont désormais sous la houlette des Forces démocratiques syriennes, il s'est tourné vers l'Iran pour obtenir du pétrole et ses dérivés afin de permettre à ses forces de poursuivre les combats et de maintenir les services dans les zones sous son autorité.

Son économie faible est en train de s'effondrer et le gouvernement est en état de faillite, car il mène une guerre sans aucun revenu. Il s'est appuyé sur la drogue et le terrorisme, qui sont devenus les principaux produits d'exportation du régime.

Certains pourraient penser qu'il s'agit d'une exagération ou d'une propagande contre un régime déchu incapable de se défendre. Cependant, le régime lui-même n'a pas caché cette réalité et l'a même utilisée comme levier dans les négociations en matière de relations régionales et internationales.

Aucun ambassadeur saoudien ne s'est rendu à Damas malgré l'accord conclu en mai 2023. La représentation diplomatique a été limitée à l'hôtel Four Seasons et l'Arabie saoudite n'a envoyé son ambassadeur dans la capitale syrienne qu'une fois que la nouvelle équipe dirigeante et ses forces sont entrées.

Les relations se sont estompées puisque le régime n'a pas tenu ses promesses, notamment celle de mettre fin à la contrebande de Captagon. Assad, comme à son habitude, a tardé à concrétiser la réconciliation promise et a attendu des milliards de dollars de compensation pour mettre fin aux opérations de contrebande. Riyad n'a pas apprécié, d'autant plus que le fait de récompenser les trafiquants de drogue pour l'arrêt de leurs activités encouragerait d'autres extorsions. Assad s'est comporté comme le célèbre baron de la drogue colombien Pablo Escobar, gagnant, selon les estimations occidentales, plus de 5 milliards de dollars (1 dollar = 0,97 euro) par an grâce aux ventes de Captagon –  plus que ses revenus pétroliers avant la guerre.

J'ai rencontré le président déchu au moins cinq fois lors de séances directes, où nous avons discuté pendant des heures. Malgré cela, je ne peux pas prétendre le connaître vraiment. J'ai publié la plupart des discussions de ces réunions dans Asharq Al-Awsat à l'époque, mais j'ai arrêté après les opérations d'assassinat au Liban, car ses menaces ont commencé à viser les journalistes. J'ai également été interdit d'entrée au Liban. Je l'ai rencontré à nouveau peu avant la révolution contre lui, lors d'une séance de groupe, où il semblait confiant et assuré de sa sécurité.

La leçon importante que l'on peut tirer est que les risques d'un échec économique sont plus grands que ceux d'un échec sécuritaire.

- Abdulrahman Al-Rashed

Quoi qu'il en soit, malgré les révélations horribles faites à son sujet après sa chute – qui sont venues s'ajouter à ce que nous savions déjà sur son régime terrifiant –, il a toujours semblé poli en personne, prêt à écouter et à répondre. Il perdait rarement son calme. C'est ainsi qu'il se comportait avec tous ses invités.

Nombreux étaient perplexes quant à sa véritable nature. Un groupe maléfique se cachait-il donc derrière les atrocités commises en Syrie et au Liban? Était-ce son frère Maher, son officier Ali Mamlouk, sa femme Asma ou l'Iranien Qassem Soleimani?

La vérité est que lui-même orchestrait et gérait tout cela, ce qui n'est pas l'image qu'il a projetée. Il a compensé son incapacité à gouverner l'État par la force brute. Le pays appauvri est devenu encore plus pauvre, contrairement à ce qu'il prétendait, à savoir qu'il était la cible de nations hostiles.

En réalité, Assad a bénéficié d'un large soutien régional et international après son arrivée au pouvoir. On espérait qu'il ferait évoluer la Syrie au-delà de l'héritage de Hafez el-Assad vers l'ouverture et la modernisation. Au lieu de cela, il a augmenté le nombre de prisons, a dépassé son père en termes d'assassinats et d'attentats à la bombe, accueillant par ailleurs des organisations terroristes.

La révolution syrienne contre Bachar n'a donc pas été une surprise, même si elle a éclaté trois mois après le soulèvement tunisien. Ayant échoué sur le plan économique, Assad a eu recours au trafic de drogue et à l'accueil de groupes armés pendant la guerre d'Irak, en coordination avec l'Iran, et a répété la même approche pendant la guerre qui a duré dix ans. Je suis certain qu'il n'avait jamais parlé de développement économique, de modernisation ou d'amélioration des moyens de subsistance des citoyens avant la révolution.

Aujourd'hui, la Syrie et ses nouveaux dirigeants doivent s'attarder sur l'histoire du régime Assad. Il n'est pas surprenant qu'un régime s'effondre lorsqu'un soldat qui en est le gardien ou un professeur d'université, qui représente l'élite de la société, gagne environ 20 dollars par mois. La leçon importante que l'on peut tirer est que les risques d'un échec économique sont plus grands que ceux d'un échec sécuritaire.

L'échec économique a précédé la guerre de plusieurs années, de même que les sanctions américaines de la loi César, le gel des avoirs de l'État à l'étranger et l'effondrement de la monnaie. Il est le résultat de la mauvaise gestion d'Assad, de la corruption endémique, de la faible gouvernance et de la dépendance du régime à l'égard d'une économie parallèle alimentée par la drogue et les guerres étrangères.

Malgré les graves difficultés rencontrées dans les pays où ils ont trouvé refuge, les Syriens ont réussi dans tous les domaines. Aujourd'hui, une grande opportunité s'offre à eux. Le gouvernement d'Ahmad al-Charaa doit d'abord rassembler tous les Syriens dans leur diversité pour qu'ils fassent partie de l'État et s'ouvrir au monde pour attirer les investissements.

Abdulrahman al-Rashed est un journaliste et intellectuel saoudien. Il est l’ancien directeur général de la chaîne d’information Al-Arabiya et l’ancien rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat, où cet article a d’abord paru.

 X: @aalrashed

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com