Liban: début d'une nouvelle ère

Joseph Aoun a été élu président à l'issue d'une «césarienne» réussie, facilitée par les forces arabes et internationales. (AFP)
Joseph Aoun a été élu président à l'issue d'une «césarienne» réussie, facilitée par les forces arabes et internationales. (AFP)
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Publié le Mercredi 15 janvier 2025

Liban: début d'une nouvelle ère

Liban: début d'une nouvelle ère
  • Cette nouvelle phase au Liban met fin à 50 ans d'exploitation régionale de ce petit pays, le deuxième plus petit État arabe en termes de superficie
  • Pendant des décennies, le Liban a été au centre des conflits régionaux impliquant le nassérisme, le saddamisme, le régime Assad et l'influence iranienne

Après Damas, Beyrouth célèbre une nouvelle ère avec l'élection d'un président, un poste vacant depuis octobre 2022 que le Hezbollah avait sans cesse entravé. Cette nouvelle phase au Liban met fin à 50 ans d'exploitation régionale de ce petit pays, le deuxième plus petit État arabe en termes de superficie.

Pendant des décennies, le Liban a été au centre des conflits régionaux impliquant le nassérisme, le saddamisme, le régime Assad et l'influence iranienne. Il a été contraint d'être le seul front face à Israël après la fermeture des fronts égyptien, jordanien et syrien. La situation est en train de se rééquilibrer après que l'influence de l'Iran a été éliminée et que le régime Assad a été démantelé.

Ainsi, les exigences internationales ont finalement été satisfaites, ouvrant la voie à des relations politiques et commerciales avec Beyrouth. Les batailles locales entre factions libanaises persisteront, mais tant qu'elles se dérouleront sans coups de feu, elles ne concerneront pas les autres pays et feront l'objet de règlements internes dans le cadre complexe de la gouvernance libanaise.

Une série de changements est attendue à la suite du succès de l'élection présidentielle. Joseph Aoun a été élu président à l'issue d'une "césarienne" réussie, facilitée par les forces arabes et internationales. Les Américains ont menacé de mettre fin à toute aide économique et les drones israéliens ont continué à survoler le pays, tirant parti du contexte de guerre et de vide politique.

Il n'est plus ni possible ni admissible de contraindre les députés à voter contre leur gré, comme le Hezbollah et le régime d'Assad l'ont fait par le passé.

                                     Abdulrahman Al-Rashed

Pendant les délibérations, les bagages d'un diplomate iranien ont été fouillés à l'aéroport de Beyrouth et le contenu interdit a été confisqué et exposé publiquement. À la frontière terrestre, les services de sécurité libanais ont remis au nouveau régime de Damas des dizaines d'officiers syriens recherchés. Au sein du Parlement, il n'est plus possible ni autorisé de contraindre les députés à voter contre leur gré, comme le faisaient autrefois le Hezbollah et le régime d'Assad.

Quoi qu'il en soit, l'Iran fait désormais partie du passé. Si le Hezbollah subsiste, les efforts visant à démanteler une grande partie de son arsenal se poursuivront dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu conclu avec Israël.

La dernière guerre sera le dernier conflit avec Israël mené via le Liban. Dans ce contexte évolutif, nous assisterons à de nouveaux développements et à de nouveaux espoirs. L'activité commerciale du Liban, perturbée par la guerre en Syrie et limitée par le Hezbollah et les opérations de contrebande de drogue de Bachar el-Assad, retrouvera des marchés libres.

Le pays pourra également activer l'accord de production d'énergie relatif à sa frontière maritime avec Israël et mettre fin aux derniers différends frontaliers terrestres inventés par le régime Assad après le retrait israélien du sud en 2000. Cela a été utilisé pour justifier la «résistance irano-syrienne» sous prétexte de libérer les «fermes de Chebaa occupées par Israël». Les États souverains de la région ont compris que la fin de l'état de guerre avec Israël servait leurs intérêts en matière de sécurité nationale.

Anouar el-Sadate a signé les accords de Camp David, fermant le front égyptien, suivi par le roi Hussein de Jordanie avec l'accord de Wadi Araba. Même Hafez el-Assad les a précédés en signant l'accord de désengagement en 1974, qui est devenu un traité de paix d'une durée de 50 ans.

Les États souverains de la région ont compris que la fin de l'état de guerre avec Israël servait leurs intérêts en matière de sécurité nationale.

                                                    Abdulrahman Al-Rashed

Certains Libanais estiment qu'il faut aller au-delà d'un cessez-le-feu – un accord permanent garanti par la communauté internationale pour empêcher le retour de la guerre au nom de la résistance. Dans son discours d'investiture, le nouveau président l'a laissé entendre: «Nous discuterons d'une stratégie de défense globale sur les plans diplomatique, économique et militaire.»

Le Liban ne s'est peut-être pas encore suffisamment remis pour prendre une mesure aussi audacieuse et cesser de servir de champ de bataille à la Syrie, aux organisations palestiniennes ou à l'Iran. Toutefois, le Liban peut s'appuyer sur l'accord de Naqoura qu'il a signé avec Israël en 1949. Sur cette base, les deux pays ont reconnu leurs frontières respectives et se sont engagés à s'abstenir de toute action militaire par des «forces régulières et irrégulières». En réalité, les accords de paix protègent les États arabes, et non Israël, qui leur est toujours supérieur sur le plan militaire.

Ces accords protègent également les droits des États arabes sur leurs terres et leurs ressources dans le cadre de la dynamique changeante du conflit avec Israël et d'autres puissances régionales. Il est préférable de laisser cette question aux Libanais au moment opportun. Il est probable que la dernière guerre ait convaincu même les factions restantes – comme la base populaire du Hezbollah, qui a payé le prix fort – qu'il est dans leur intérêt de mettre fin aux guerres.

Qu'attendent les autres du Liban? Dans son discours d'investiture, le président Aoun a déclaré que le Liban ne dépendrait pas des forces extérieures, qu'il n'exporterait que ses meilleurs produits et qu'il se concentrerait sur son économie.

Abdulrahman Al-Rashed est un journaliste et un intellectuel saoudien. Il est l'ancien directeur général de la chaîne d'information Al-Arabiya et l'ancien rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat, où cet article a été initialement publié.

X: @aalrashed

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com