Les nouvelles autorités syriennes sont-elles contre l'axe iranien?

Ahmed al-Charaa, également connu sous le nom de guerre d'Abou Mohammed al-Golani, s'exprime à la mosquée des Omeyyades à Damas. (AP)
Ahmed al-Charaa, également connu sous le nom de guerre d'Abou Mohammed al-Golani, s'exprime à la mosquée des Omeyyades à Damas. (AP)
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Publié le Dimanche 22 décembre 2024

Les nouvelles autorités syriennes sont-elles contre l'axe iranien?

Les nouvelles autorités syriennes sont-elles contre l'axe iranien?
  • Téhéran, hanté depuis 40 ans par la théorie selon laquelle Washington projette de renverser son leadership, vit la plus grande angoisse de son histoire
  • Il croit et répète que ce qui s'est passé à Damas a été orchestré par des dispositifs israéliens et américains, avec l'Iran pour cible

Tout le monde cherche des indices sur la politique étrangère possible du nouveau régime de Damas, en particulier en ce qui concerne l'Iran. S'il s'avère qu'il s'oppose à Téhéran, il s'agira d'une évolution importante qui pourrait refléter un changement important au niveau de la région.

Les premières impressions suggèrent des possibilités qui pourraient être trompeuses et les jours à venir révéleront les réponses.

En théorie, le nouveau régime syrien, sous la direction de Hayat Tahrir al-Cham et de son chef Ahmad al-Charaa, devrait adopter une politique différente de celle du régime déchu d'Assad. En conséquence, beaucoup parient sur son opposition à Téhéran et à ses milices, qui l'ont combattu en Syrie, y compris l'hostilité envers les parties de l'axe, telles que les milices en Irak et le Hezbollah libanais.

Si Al-Charaa suit cette voie, nous pourrions assister à la fin du projet expansionniste de l'Iran, surtout après qu'Israël a réussi à détruire la plupart de ses capacités extérieures.

Toutefois, la dynamique politique régionale pourrait entraîner Damas dans des directions différentes. Au début des années 2000, par exemple, le Hamas était considéré comme l'adversaire de l'Iran, avant qu'il ne devienne évident qu'il s'agissait d'un mandataire de Téhéran, tout comme l'organisation sunnite Al-Jamaa al-Islamiyah à Tripoli, au Liban. De même, les Frères musulmans ont joué le rôle de cheval de Troie pour Téhéran sous la bannière de la solidarité sectaire et de l'hostilité à l'égard d'Israël.

Si Israël continue d'exploiter l'effondrement de la Syrie pour y renforcer sa présence, nous pourrions être surpris par une nouvelle alliance de Damas avec Téhéran et Bagdad et par un retour des Iraniens auprès de Sayyidah Zaynab. Tout dépendra de la vision d'Al-Charaa et de la position de son gouvernement sur le conflit avec Israël.

Sur le plan géopolitique, la Turquie est un acteur régional important. La question est maintenant de savoir si elle exerce une influence significative sur le nouveau régime de Damas, notamment en ce qui concerne le conflit avec l'Iran.

Tout dépendra de la vision d'Al-Charaa et de la position de son gouvernement sur le conflit avec Israël.

                                              Abdulrahman al-Rashed

Actuellement, le rôle de la Turquie pourrait être bénéfique en empêchant Damas de glisser vers l'extrémisme religieux et politique et en l'aidant à échapper aux sanctions américaines. En ce qui concerne la gestion par Damas de ses affaires étrangères, il existe deux récits: le premier suggère que HTC est étroitement lié à Ankara et lui doit beaucoup en raison de son soutien depuis 2018 et lors de sa récente victoire, ce qui indique une alliance probable. Le second récit suggère que les deux partis ont une bonne relation, mais que leurs politiques ne sont pas identiques. Sinan Ulgen, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, soutient ce dernier point de vue, en déclarant: «Il est faux de penser que la Turquie contrôle Hayat Tahrir al-Cham.»

Si les relations s'approfondissent, la politique de Damas reflétera probablement celle de la Turquie, ce qui la rendra peu susceptible d'adopter une position hostile à l'égard de l'Iran. Toutefois, les tensions avec l'Irak devraient persister pour diverses raisons.

La région mésopotamienne possède sa propre dynamique, avec une concurrence politique et sectaire entre Damas et Bagdad. Après la chute des régimes de Saddam Hussein et de Bachar el-Assad, et alors que des factions religieuses dirigent désormais les deux capitales, le gouvernement irakien est théoriquement chiite, tandis que celui de la Syrie est sunnite. Après la prise de contrôle de Damas par le HTC, la colère s'est répandue à Bagdad et des vendettas historiques entre factions extrémistes des deux sectes ont commencé à circuler sur les médias sociaux.

Politiquement et militairement, Téhéran, Bagdad et le Hezbollah représentent une menace sérieuse pour le remplacement du régime Assad. L'Irak a accueilli des milliers de dirigeants et de soldats du régime en fuite après la chute de la capitale syrienne.

On s'attend à ce que l'axe réorganise ses priorités après les échecs massifs qu'il a subis cette année, notamment la destruction du Hamas, l'élimination des dirigeants et des forces du Hezbollah, et maintenant la fin du régime d'Assad.

Selon moi, Téhéran poursuivra deux voies: un rapprochement politique avec Al-Charaa et son équipe sous la bannière de l'hostilité à l'égard d'Israël et un tissage d'alliances au sein de la Syrie et de ses environs pour faire pression sur Damas.

Téhéran, hanté depuis 40 ans par la théorie selon laquelle Washington projette de renverser son leadership, vit la plus grande angoisse de son histoire. Il croit et répète que ce qui s'est passé à Damas a été orchestré par des dispositifs israéliens et américains, avec l'Iran pour cible. Aujourd'hui, il peut être justifié qu'il se sente réellement menacé dans son existence.

Abdulrahman al-Rashed est un journaliste et intellectuel saoudien. Il est l’ancien directeur général de la chaîne d’information Al-Arabiya et l’ancien rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat, où cet article a d’abord paru.

 X: @aalrashed

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com