L’escalade massive du conflit israélo-palestinien envoie de nombreux messages en même temps. La première chose à noter est qu’une attaque du Hamas de cette ampleur n’a pu être possible qu’après des mois de planification. En fait, il s’agit exactement du type d’«explosion» que l’on prévoyait comme conséquence de la poursuite de l’occupation et de la privation des Palestiniens de leurs droits. Ceux qui prétendent que l’attaque n’a pas été provoquée ont tort : c’est précisément la réaction que suscite l’intimidation délibérée et systématique de l’actuel gouvernement israélien lorsque de l’huile est jetée sur le feu.
Cela justifie-t-il le meurtre et l’enlèvement de civils ? Absolument pas, et cela est vrai quelle que soit l’identité des méchants ou des victimes.
Alors, que va-t-il se passer maintenant ?
Au vu de l’histoire récente, le résultat est assez prévisible : Israël dira qu’il a le droit de se défendre, déclarera une guerre totale et infligera la plus grande douleur possible en guise de représailles. Le Hamas, quant à lui, annoncera que le résultat, quel qu’il soit, est une victoire. De nombreux Palestiniens se réjouiront de ce premier succès sans précédent, illustré par des images d’Israéliens en fuite et de soldats détenus. Peu de temps après, ces mêmes Palestiniens subiront les conséquences dévastatrices causées par les chars et les avions de l’armée israélienne.
Cette escalade changera-t-elle quoi que ce soit à l’équilibre des forces ? Étant donné le nombre de soldats enlevés, le Hamas dispose de quelques atouts supplémentaires pour négocier. Elle remonte également le moral des partisans du groupe, puisque c’est la première fois qu’une telle opération est aussi largement partagée sur les réseaux sociaux. Toutefois, il est peu probable que cela change la réalité sur le terrain, car le Hamas n’a tout simplement pas les moyens de tenir tête à la 18e armée la plus puissante du monde, qui vient de recevoir le soutien total des États-Unis.
«On peut reprocher à Israël la poursuite de l’occupation et de l’intimidation. Toutefois, pour les Palestiniens, les inconvénients semblent plus nombreux que les avantages.»
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
S’agit-il donc d’une manœuvre stratégique du Hamas visant à dire à la communauté internationale qu’ils sont «les seuls à décider pour la Palestine» ? C’est une possibilité. En fin de compte, s’il est vrai que l’Autorité palestinienne est le représentant légitime du peuple palestinien, son influence a toujours été limitée par rapport à celle du Hamas. Malheureusement, dans les États en déliquescence de cette partie du monde, les représentants illégitimes et armés, tels que le Hamas, le Hezbollah au Liban ou les Houthis au Yémen, auront toujours le dessus. En attendant, l’Autorité palestinienne n’a d’autre choix que de soutenir le Hamas afin que les Palestiniens ne soient confrontés à de nouvelles frictions internes. En conséquence, elle sera perçue comme encore plus faible à l’échelle mondiale.
Cependant, voici les inconvénients de la dernière aventure du Hamas : elle permet au Premier ministre Benjamin Netanyahou de sortir de ses troubles politiques internes à un moment rare où même des membres de sa propre armée israélienne s’opposent à lui. Il s’agit maintenant d’une guerre à grande échelle pour protéger Israël et sauver les soldats et les civils kidnappés, ce qui signifie que tout le monde va y participer. Cela renforce aussi sa coalition de droite à un moment où le monde essaye de la convaincre de faire marche arrière et de la tenter par des propositions de paix.
Le Hamas en sortira-t-il plus fort ou plus faible ? Cette fois, ils ont franchi le Rubicon et Israël a déjà fait savoir que tous les coups sont permis. Compte tenu du niveau d’escalade, même les opposants au gouvernement de droite de Netanyahou aux États-Unis et en Europe hésiteront à appeler à la retenue. En d’autres termes, le Hamas doit s’attendre à une période difficile et, malheureusement, c’est le Palestinien moyen qui finira par en payer le prix.
Quel effet les derniers événements auront-ils sur les perspectives d’une proposition de paix régionale plus large ? La réponse est simple : l’avenir nous le dira. Toutefois, à mon avis, il est temps que le monde redouble d’efforts. Comme l’indique clairement le communiqué du ministère saoudien des Affaires étrangères, la communauté internationale doit agir maintenant pour mettre en place un plan de paix crédible qui aboutirait à une solution à deux États, ce qui constitue le meilleur moyen de protéger les civils. Plus facile à dire qu’à faire ? Peut-être, mais au moins l’Arabie saoudite peut-elle dire qu’elle a fait de son mieux, et continue de le faire depuis des décennies.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.
X : @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com