Quelle idée d’associer les deux plus célèbres Z de France! À priori, il n’y aurait aucune raison de le faire. Et pour cause! Mais voyons de plus près, tout de même…
Déjà, première curiosité, si l’on interroge Google, sur le nombre d’occurrences attribuées à chacun, nous obtenons Zemmour: 7 750 000, Zidane: 51 100 000. Autrement dit, le footballeur engrange près de sept fois plus d’occurrences que le président de Reconquête!(1) Ce qui, certes, n’est pas forcément déterminant, sachant que les deux hommes ne jouent pas dans la même catégorie, pour ainsi dire. Mais allons plus loin…
Zinedine Zidane, l’image d’une France triomphante
Le 5 octobre, à la Philharmonie de Paris (Parc de la Villette), sera inaugurée une exposition magistrale consacrée entièrement à Zinedine Zidane. Un an plus tôt, du 22 septembre 2022 au 15 janvier 2023, il y eut à Bercy-Village (75012) l’exposition «Complètement foot» consacrée, celle-là, à trente-deux stars mondiales du ballon rond, autour d’autant de portraits réalisés dans un style «néo vintage», parmi lesquelles: David Beckham, Thierry Henry, Diego Maradona, Lionel Messi, Kylian Mbappé, Cristiano Ronaldo et Zinedine Zidane.
Et ce n’est pas tout: en 2015, les écrans de France accueilleront un film: Zidane, un portrait du XXIe siècle, qui sera tourné en temps réel lors du match Madrid-Villarreal, avec dix-sept caméras braqués sur Zidane. «L'objectif des réalisateurs étant de se focaliser sur le corps de Zinedine Zidane, capturant ainsi son regard concentré ainsi que la précision extrême de sa frappe. Cette approche se distingue considérablement des captations télévisuelles habituelles.»(2)
Cette fois, donc, à partir du 5 octobre, c’est exclusivement autour de Zizou que la planète-foot va tourner, durant trois mois! Autant dire que l’enfant de La Castellane (quartier Nord de Marseille), fils d’immigrés algériens, sera honoré comme jamais une star du sport français ne l’aura été! L’humilité notoire de Zizou l’empêchera sûrement de crier «Cocorico!», comme tout bon citoyen de France, mais on peut imaginer que ses fans ne s’en priveront pas.
Déjà, le 12 juillet 1998, à la fin de la Coupe du monde, l’homme de la victoire qui, avec deux buts, permit de terrasser la légendaire équipe du Brésil, eut son portrait et son nom sur le fronton de l’Arc de Triomphe! Ce soir-là, Zidane était, avec ses coéquipiers, l’image d’une France triomphante: plus d’un million de citoyens de toutes origines avaient déferlé sur les Champs-Élysées.
C’est précisément de cette victoire que s’imposera la formule:
«Génération Z»(3). Et on peut bien dire que la dernière lettre de l’alphabet français n’aura jamais été aussi prégnante: «Z», comme Zidane, pour les médias ; «Z», comme Zinedine, pour les familiers ; «Z», comme Zizou pour les groupies.
Zemmour versus Zidane, le déficit et la plus-value
Voilà qui, soit dit en passant, ajoute au burlesque de la posture du polémiste qui s’est permis un lamentable «copier-coller» en baptisant son mouvement «Génération Z». Et quand il ne fait pas dans le «copiage», l’auteur de Destin français, qui passe pour un féru d’histoire, fait dire aux autres ce qu’ils n’ont pas dit, juste pour s’offrir des référents de valeur: «Zemmour me cite souvent en accentuant mon propos et en m’attribuant des conclusions qui sont siennes et non pas miennes. Il brandit un “comme l’écrit l’historien Simon Apstein”, pour énoncer quelque chose que je n’ai pas écrit du tout!»(4).
Un autre historien, Laurent Joly, ne va pas par quatre chemins: «Depuis Barrès et Maurras, aucun autre intellectuel, journaliste ou écrivain, n’avait ce statut de passeur des idées d’extrême-droite auprès d’un très large lectorat»(5).
C’est dire le sens de démarquage chez le polémiste qui avait aventureusement «candidaté» au poste de chef de l’État, en comptant sur une armée de militants, dont l’une des têtes d’affiche, responsable des adhésions, porte fièrement la Vierge Marie en médaillon. Sur les réseaux sociaux, la couleur politique de cette caricature de «Génération Z» est celle d’une extrême-droite décomplexée: xénophobe, anti-immigrés, appelant à la «re-migration», selon le mot d’ordre du chef. Pour cette «tête d’affiche», et quoique je demeure un laïc invétéré, je prends le risque d’une extrapolation, en posant cette question: sait-elle que la Vierge Marie a donné son nom à une sourate du Coran? Et qu’elle est même surnommée, en arabe, «Oum en-Nour»: «Mère de la Lumière»? (6). Mais c’est trop demander, certes.
En 2006, Zemmour commençait sa carrière de polémiste, alors que, la même année, l’enfant de La Castellane était capitaine de l’équipe de France. Plus tard, pour un meeting de campagne, le polémiste autopromu candidat à l’élection présidentielle, avait loué un complexe sportif à Aix-en-Provence. Les propriétaires, découvrant à qui ils avaient affaire, expulsèrent manu militari toute l’équipe du candidat, non sans avoir remboursé le prix de la location: les propriétaires n’étaient autres que les frères Zidane. Il faut préciser que la star a toujours gardé ses distances avec les sirènes de la politique, de gauche comme de droite...
En 2012 et 2017, sous la menace d’une extrême-droite aux portes du pouvoir, il avait juste eu ces mots: «Le Front national ne représente pas les valeurs de la France». Bottant en touche au premier appel du pied, ne réservant ses «suffrages» qu’aux engagements respectueux de la devise républicaine (Liberté, égalité, fraternité), il évitait en même temps tout racolage communautariste sans pour autant renier ses origines kabyles. Berbère de souche, en effet, tout comme… Éric Zemmour! S’il y a conjonction des origines, on ne saurait dire qu’il y ait confusion des genres: le premier apporte une plus-value effective à la renommée de son pays; le second, lui, promet un déficit latent de démocratie.
Quant aux patronymes, Zidane, en arabe, est dérivé d’un mot qui signifie «abondance»; Zemmour, en berbère, désigne l’olivier. Juif, Éric Zemmour doit bien savoir ce que l’olivier symbolise dans l’Ancien Testament. C’est après le Déluge, quand Noé libère la Colombe, celle-ci revient vers lui, tenant dans son bec un rameau d’olivier, pour l’avertir que les flots se sont retirés… Et c’est depuis cet épisode que l’olivier symbolise la paix, la réconciliation et même la bienveillance. Trois attributs que l’on a du mal à retrouver dans le programme de Zemmour, encore moins dans ses écrits ou ses envolées médiatiques… Cherchez l’erreur!
(1) Un an et demi avant la création du parti de Zemmour (Reconquête), l’auteur de ces lignes avait publié, en France, un ouvrage couvrant les six premiers mois du Hirak en Algérie, sous le même titre: La Reconquête (Orients-Éditions, 2019).
(2) Tourisme 93
(3) En fait, «Génération Z» fut une expression de marketing désignant le groupe de la population française née entre 1995 et 2015, avec les communications électroniques, et qui commençait à intégrer le monde du travail.
(4) Huffington Post
(5) Laurent Joly, historien, auteur notamment de Naissance de l’Action française, Grasset 2015.
(6) تمجيد القديسة العذراء مريم ام النور: «Glorification de la Sainte Vierge Marie, Mère de la Lumière».
Salah Guemriche, essayiste et romancier algérien, est l’auteur de quatorze ouvrages, parmi lesquels Algérie 2019, la Reconquête (Orients-éditions, 2019); Israël et son prochain, d’après la Bible (L’Aube, 2018) et Le Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou, enquête sur les conversions en terre d’islam (Denoël, 2011).
Twitter: @SGuemriche
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