Les réformes judiciaires de Netanyahou mettent en péril l’avenir d’Israël

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou présidant une réunion gouvernementale à Jérusalem, le 27 août 2023 (Photo, Reuters).
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou présidant une réunion gouvernementale à Jérusalem, le 27 août 2023 (Photo, Reuters).
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Publié le Mercredi 06 septembre 2023

Les réformes judiciaires de Netanyahou mettent en péril l’avenir d’Israël

Les réformes judiciaires de Netanyahou mettent en péril l’avenir d’Israël
  • La nouvelle réforme judiciaire de Netanyahou restreint notamment le pouvoir de la Cour suprême de se prononcer contre les pouvoirs législatif et exécutif
  • L’American Jewish Committee (AJC) a publié une déclaration ferme contre l’adoption des réformes judiciaires controversées

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a présenté une législation restreignant les droits civils, certains membres de la coalition au pouvoir ayant fait pression pour modifier la loi afin de restreindre les pouvoirs de la Cour suprême israélienne, avec une majorité simple de 61 voix sur 120.

Au fil des ans, la Cour suprême israélienne a étendu son pouvoir et annulé 22 lois adoptées par la Knesset, affirmant ainsi sa prépondérance sur le Parlement. Aujourd’hui, la Knesset semble tenter de se venger de cette pratique.

La loi introduite par le gouvernement Netanyahou comporte trois volets: le premier restreint le pouvoir de la Cour suprême de se prononcer contre les pouvoirs législatif et exécutif. Le Premier ministre semble fatigué des restrictions imposées par le pouvoir judiciaire. Dans les démocraties plus avancées, une majorité qualifiée est requise sur les questions sensibles. Cependant, à la Knesset, une majorité simple est considérée comme suffisante pour adopter une loi sur des questions aussi délicates.

Le second volet prévoit une réforme visant à supprimer le pouvoir de la Cour suprême de contrôler la légalité des lois fondamentales d’Israël qui représentent la Constitution du pays.

La troisième vise à donner à la coalition gouvernementale des pouvoirs étendus en matière de nomination des juges. Ce pouvoir final peut avoir des conséquences à plus long terme, car une fois nommé, un juge rendra le verdict final qui aura des effets durables.

En Israël, le concept de «loi du caractère raisonnable» signifie que la décision finale appartient au tribunal et non au pouvoir exécutif. La Haute Cour israélienne a de larges compétences. Elle applique la norme du «raisonnable» que certains parlementaires de droite considèrent comme étant large. Dans certains cas, elle contrôle également les nominations judiciaires. Le gouvernement Netanyahou ambitionne de rétablir l’équilibre qui existait jusque dans les années 1970 et 1980, c’est-à-dire d’affaiblir les tribunaux.

L’une des raisons de cette situation précaire est qu’Israël n’a pas de Constitution. Le manque de protection des droits des minorités et des libertés civiles est couvert par la déclaration d’indépendance d’Israël. Les freins et contrepoids ne sont pas rigoureusement élaborés comme c’est le cas dans de nombreux pays, notamment les États-Unis.

À la suite des nombreuses manifestations contre la tentative de Netanyahou de mettre en œuvre les réformes législatives, le Premier ministre a décidé de suspendre les amendements jusqu’au mois de mai. Mais ces tentatives ont été renouvelées après la reprise des travaux du Parlement.

Les dirigeants de l’opposition ont demandé à Netanyahou et au président Isaac Herzog d’entamer immédiatement des négociations sous les auspices du bureau présidentiel.

Une autre réaction est venue le 24 juillet de la part de l’American Jewish Committee (AJC), qui a publié une déclaration ferme contre l’adoption de ce qui est appelé en Israël «la loi sur la norme du caractère raisonnable». L’AJC suit de près chaque mesure politique prise en Israël. Son rôle est pris au sérieux en Israël car il s’inspire de la façon de penser américaine. Les traditions séculaires des freins et contrepoids américains comptent parmi les meilleurs exemples de procédures législatives au monde. De plus, l’AJC ne passerait pas facilement à côté de tout ce qui serait en faveur du peuple juif, que ce soit en Israël ou ailleurs dans le monde.

«L’une des raisons de cette situation précaire est qu’Israël n’a pas de Constitution»

Yasar Yakis

Des centaines de Juifs américains influents se sont prononcés contre l’occupation des Territoires palestiniens, une question qu’ils considèrent comme «une épine dans le pied» d’Israël, tandis que plus de 1 500 Juifs américains influents ont signé un document exprimant leur opposition à la politique de Netanyahou. Ils ont déclaré que les Palestiniens vivaient sous un régime d’apartheid, et affirmé que les initiatives du dirigeant israélien visaient à le sauver des poursuites judiciaires.

Deux milliardaires américains, Arthur Dantchik et Jeffrey Yass, ont été les principaux bailleurs de fonds du think tank Kohelet Policy Forum. Dantchik a décidé d’arrêter de faire des dons, affirmant que la société israélienne était devenue dangereusement fragmentée.

L’attitude de l’électorat israélien à l’égard des droits des citoyens palestiniens varie d’une personne à l’autre. Heureusement, certaines personnalités politiques influentes, dont Isaac Herzog, ont admis que cet équilibre était fragile.

Le gouvernement israélien, en particulier l’extrême droite, fait parfois la sourde oreille à ce que dit la communauté internationale, ou la communauté juive américaine. Des centaines de milliers d’Israéliens sont descendus dans la rue pour s’opposer aux réformes judiciaires de Netanyahou.

Les Juifs américains ont adopté une attitude différente par rapport aux autres sections de l’opposition sur la question des Forces de défense israéliennes. Une partie de l’armée israélienne estime que les réformes de Netanyahou doivent être poussées en avant, tandis qu’une autre est encline à accepter un compromis en raison de la menace croissante qui pèse sur la patrie.

Les partisans des réformes législatives de l’AJC estiment que les amendements pourraient être nécessaires en Israël, mais qu’ils devraient être mis en œuvre sur la base du consensus le plus large possible.

Un autre chapitre s’ajoute désormais aux protestations des Juifs américains, à savoir l’occupation des Territoires palestiniens par Israël. Les Juifs américains se souviennent de temps en temps qu’Israël va trop loin en restreignant les libertés et droits fondamentaux du peuple palestinien dans les Territoires occupés. Cela devient encore plus évident lorsque les partis de droite sont au pouvoir en Israël.

Si la droite israélienne venait à comprendre plus clairement qu’elle mettait en danger l’avenir du pays, alors seulement Israël sera sur la bonne voie.

 

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie, et membre fondateur du parti AK au pouvoir.
Twitter: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com