PARIS: Deux des principaux syndicats de police ont entamé mardi un bras de fer avec Emmanuel Macron en annonçant qu'ils ne participeraient pas à sa conférence baptisée « Beauvau de la sécurité » prévue en janvier, tout en apportant leur soutien au ministre de l'Intérieur qu'ils rencontreront vendredi.
Habituellement, dans ces jeux de rôles, le schéma est plutôt inverse : les syndicats mettent la pression sur le ministre et en appellent au chef de l'Etat pour apaiser les tensions. C'est ce qu'il s'était passé en juin avec Christophe Castaner, le prédécesseur de Gérald Darmanin à Beauvau.
Là, dans un courrier au président Macron, Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d'Alliance, fait valoir qu'un « énième séminaire sans mesure concrète au préalable serait jugé indécent » et pose des préalables à sa participation.
« C'est une sorte de chantage inédit. Il y a un risque que cela bloque la machine du dialogue social », s'inquiète un connaisseur des arcanes du ministère de l'Intérieur. Un autre s'étonne du « pouvoir de dingue » donné aux syndicats, sous prétexte que le gouvernement aurait « besoin des policiers » en cette période de tension générale dans la société. « On a besoin de tout le monde », ajoute-t-il.
En pleine polémique sur les violences policières, Emmanuel Macron avait annoncé le 8 décembre un « Beauvau de la sécurité » à partir de janvier afin d' « améliorer les conditions d'exercice » des forces de l'ordre et « consolider » leurs liens avec les Français.
Au menu, les chantiers avancés une semaine plus tôt par Gérald Darmanin pour s'attaquer aux « 7 pêchés capitaux » de la police.
Il s'agissait avant tout pour le chef de l'Etat de tenter de désamorcer la grogne des policiers, furieux qu'il leur ait reproché, dans une interview au média en ligne Brut, des contrôles au faciès et des violences et annoncé la mise en place en janvier d'une plateforme de signalement des discriminations.
Car, aussitôt, la colère était montée dans les rangs de la police et depuis un peu partout en France des actions destinées à protester contre « le lâchage présidentiel » s'organisent : opérations de contrôles sans contrôle, rassemblements avec gyrophare comme lundi au pied de l'Arc de triomphe, demandes de rupture conventionnelle....
« Totale confiance » en Darmanin
L'annonce d'un « Beauvau de la sécurité » n'a pas calmé les tensions. Unité SGP Police, qui ne met pas de condition à sa participation, reconnaît le mécontentement et la colère, mais espère que cette conférence permettra d'accélérer les réformes en termes de formation, gestion des carrières et de moyens.
« Le président ne va ni s'excuser, ni démissionner ou se désavouer mais cette conférence peut être le détonateur pour faire avancer les réformes de fond », ajoute Grégory Joron (Unité SGP). Darmanin avait en effet prévu d'inclure ces réformes dans une loi d'orientation et de programmation (LOPSI) pour 2022, soit après la présidentielle. Trop loin, pour les syndicats.
« Les policiers sont blessés dans leur honneur. Il faut que le président soit capable de soutenir la police et dise : ‘j'ai compris’, et respecte ses engagements », fait valoir Frédéric Lagache (Alliance).
Alliance, suivi par Unsa Police, cite parmi les préalables à sa participation une « peine minimale incompressible pour les agresseurs de policiers », le « floutage » des policiers filmés et des « mesures sociales ». Des demandes déjà formulées par le syndicat le 15 octobre, lors d'une rencontre des organisations syndicales avec le chef de l'Etat qui les avaient, selon Alliance, acceptées.
Patrice Ribeiro (Synergie officiers), lui, « attend de voir le ministre de l'Intérieur » vendredi. Ce jour-là, Darmanin reçoit tour à tour les syndicats. « C'est le seul en qui on a totalement confiance », ajoute-t-il. Un avis partagé par Alliance et Unsa. « Pour l'étage au-dessus (l'Elysée), on verra », renchérit un autre syndicaliste.