En moins de quelques heures, le Hezbollah, milice pro-iranienne, a été sérieusement mis en difficulté à la suite de deux incidents graves. C’est à l’aube de mercredi dernier que l’on découvre le cadavre d’Elias Hasrouni, ancien activiste du parti chrétien des « Forces Libanaises », dans un petit bois, près du village chrétien de Ain Ebel, situé à la frontière-sud du Liban avec Israël. Cet activiste avait été kidnappé, étranglé, et jeté dans la nature. Des vidéos de surveillance, appartenant à des habitations près du lieu où a été kidnappé la victime, démontreront par la suite que trois voitures de type 4x4 aux vitres teintées ont été utilisées par des hommes armés dans l’enlèvement. Le village ainsi que le pays sont sous le choc.
Mais personne ne tente de lancer des accusations. Et pour cause, le village chrétien de Ain Ebel se situe dans une région à majorité chiite, où le Hezbollah règne en maître. Tous les regards se braquent sur la milice pro-iranienne, car cet enlèvement doublé d’un assassinat ressemble étrangement à celui de Lokman Slim, célèbre intellectuel et activiste chiite, opposant farouche au Hezbollah. Lokman Slim avait été assassiné en février 2021 de la même manière.
Le point commun serait l’absence totale de toute enquête crédible menée par les autorités libanaises qui semblent être aux abonnés absents, quant aux demandes répétées des familles des victimes pour connaitre la vérité. L’enquête sur l’assassinat de Lokman Slim restera au point mort. Celle d’ Elias Hasrouni semble subir le même sort. Mais tout le village, voire tout le pays chrétien, est convaincu de la responsabilité de la milice pro-iranienne. Les réactions resteront contenues au vu de la positon géographique délicate de Ain Ebel, village chrétien de taille moyenne entouré par une mer de villages chiites loyaux au Hezbollah. L’évènement est 0grave, car il signale un retour aux assassinats.
Plus tard, un poids lourd se renverse au cœur de Kahalé, village chrétien situé sur la route internationale reliant Beyrouth à Damas. Très vite, les habitants se ruent vers le camion afin de secourir le chauffeur. Ils sont pris à partie par des éléments armés qui accompagnent le camion. Une altercation suivie d’une fusillade se solderont par deux morts, dont un habitant du village, et l’autre, un milicien essayant de sécuriser le périmètre autour du camion. Très vite, il s’avère que le camion appartient à la milice pro-iranienne, et que les hommes armés ont pour mission de sécuriser le camion et sa cargaison. Cette dernière sera révélée quand des caisses tombées du camion dévoileront des armes ainsi que des munitions.
La route est coupée. Un détachement de l’armée libanaise sera dépêché sur le terrain pour contenir la situation et se dresser entre la population en colère et les éléments armés, prêts à tirer sur la foule qui s’insurge contre le Hezbollah et ses armes qualifiées d’illégales. Il faudra à l’armée libanaise, qui joue ici le rôle de « Casques bleus », de longues heures pour réussir à séparer les deux camps, charger la cargaison dans ses camions et sortir le camion du Hezbollah du village. Mais le chapitre n’est pas clos. Les critiques virulentes pleuvent à l’encontre de la milice, de ses armes et de son rôle guerrier.
La classe politique chrétienne s’enflamme et emporte avec elle la foule chrétienne chauffée à fond. C’est bien la question des armes de la milice qui est de nouveau sur la table. Manque de bol pour la milice pro-iranienne, l’affaire du camion bourré d’armes et la fusillade s’ajouteront à l’affaire de l’assassinat de l’activiste des « Forces Libanaises » et finiront par remonter l’opinion publique chrétienne libanaise contre le Hezbollah, accusé de faire main basse sur le pays du cèdre et de s’en prendre à ses opposants. C’est peut-être une nouvelle phase qui s’ouvre au Liban, surtout avec la reprise de la polémique sur le fédéralisme qui se répand à grande vitesse dans l’opinion publique chrétienne, convaincue que la vie sous un même toit avec le Hezbollah est devenue impossible !
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
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