Les relations de la France en Afrique sont tendues. Le revers au Niger met en péril tout le positionnement du pays en Afrique de l'Ouest, tant sur le plan militaire que politique. Malheureusement, pour le président français, Emmanuel Macron, ce n'est pas le seul endroit où son administration est confrontée à un échec. Nous pourrions même oser poser la question suivante: la France est-elle sur le point de perdre également l'Afrique du Nord? En effet, les relations entre la France et le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Libye ont été extrêmement tendues.
L'une des priorités de M. Macron a été de rétablir les relations avec l'Algérie. La prochaine visite officielle du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, en France, devrait marquer un nouveau départ. Malheureusement, Emmanuel Macron n'a pas été en mesure d'y parvenir jusqu'à présent. Ces initiatives se sont faites au détriment des excellentes relations avec le Maroc. Dans ses efforts pour améliorer les liens avec Alger, le dirigeant français a modifié sa position historique sur le Sahara occidental, ce qui a tendu ses relations avec le Maroc. Pour beaucoup, il a fini par perdre le Maroc sans gagner l'Algérie.
Cette situation pourrait mettre en évidence le problème exact de la politique étrangère française. Bien qu'elle cherche à se réinitialiser complètement et à s'éloigner de l'ancienne perception colonialiste de la France, cette politique n'a pas été formulée de manière adéquate en termes de stratégie militaire, économique et de sécurité. Par conséquent, pour la plupart des pays africains situés dans la sphère d'influence de la France, elle apparaît comme une offre faible et peu attrayante. Le principal problème est qu'en dépit de ses regrets pour le colonialisme, la France continue de donner des leçons plutôt que de s'engager dans des relations significatives. En outre, l'équilibre des pouvoirs s'est modifié, en grande partie en raison des besoins non satisfaits de l'Europe en matière d'énergie et de matières premières.
Ce constat peut être tiré de la déclaration de M. Tebboune qui affirme que sa visite d'État en France est «toujours maintenue», mais qu’elle dépend du calendrier du palais de l'Élysée, soulignant qu'une «visite d'État est soumise à des conditions» et «n'est pas une visite touristique». Initialement prévue pour le début du mois de mai, elle a été reportée au mois de juin, les Algériens craignant qu'elle ne soit éclipsée par les manifestations du 1er mai concernant les réformes très contestées des retraites en France.
Toutefois, le dirigeant algérien n'a toujours pas effectué cette visite, qui vise à consolider l'amélioration des relations entre les deux pays après de nombreuses crises diplomatiques. Au lieu de cela, il s'est rendu en Russie en juin, où il a été reçu en grande pompe par le président russe, Vladimir Poutine. Alger et Moscou entretiennent des relations privilégiées depuis longtemps. Abdelmadjid Tebboune a déclaré: «Notre visite en Russie a donné lieu à des résultats concrets», ajoutant que les visites d'État en Chine, en Italie et au Portugal ont également été couronnées de succès.
Ce contexte indique que la méthode consistant à donner des leçons aurait pu fonctionner dans le passé, lorsque la France était peu concurrencée en Afrique et en Afrique du Nord. Cependant, aujourd'hui, elle doit faire face à la Chine et à la Russie. Il ne faut pas s'y tromper, les deux pays ont fait des progrès considérables ces dernières années. Tout en étant aux prises avec le conflit ukrainien, la Russie a pu renforcer ses relations et conclure des accords militaires avec de nombreux pays africains. De son côté, la Chine a présenté des solutions pragmatiques et constructives pour le développement d’infrastructures et de partenariats commerciaux. En réalité, elle propose un meilleur accord.
Ce n'est pas non plus une coïncidence si une solide campagne de communication et d'activisme a vu le jour tant en Afrique qu'en France, dans le but de rompre avec le rôle colonialiste antérieur de la France. La pression sur M. Macron n’en est que plus forte. Les déclarations d'un nouveau chapitre ou d’un nouveau départ ne peuvent pas être simplement superficielles, mais elles doivent être tangibles.
Personne ne nie l'atroce impact du colonialisme français, en particulier en Algérie, qui a reçu le surnom de «pays du million de martyrs» en raison des pertes humaines et des immenses sacrifices consentis par les Algériens au cours de leur lutte pour l'indépendance contre la domination française. Ce terme reconnaît les innombrables personnes qui sont mortes ou ont souffert des conséquences de la violence, de la répression et des conflits qui ont caractérisé la lutte de l'Algérie pour la liberté. Dans ce contexte, les forces politiques algériennes sont déterminées à affirmer leur nouvelle position au sud de la Méditerranée et à rééquilibrer les relations avec la France et l'Occident en général.
Toutefois, un facteur précis explique cette propagation du sentiment anticolonial: la France et l'Occident s'affaiblissent sur la scène internationale. Cet affaiblissement se traduit également par un discours différent à l'intérieur du pays, comme en témoignent les récentes manifestations. Les initiatives de la gauche progressiste intensifient la pression en prônant une rupture avec les aspects institutionnels de l'ancien ordre mondial.
Bien qu'elle regrette le colonialisme, la France continue de donner des leçons au lieu de nouer des relations sérieuses.
Khaled Abou Zahr
En effet, la France, comme l'Occident, est confrontée à l'incertitude. Il s’agit probablement de la question la plus urgente, car le débat tourne autour de l'identité du pays. Cet agenda est défendu par la gauche progressiste, qui s'appuie sur le passé colonial de la France pour établir des parallèles avec ce qu'elle perçoit comme une oppression persistante. Tout cela se produit à un moment où l'Europe et l'Occident ont moins d'influence sur le destin du monde et sont même menacés par un nouvel ordre mondial.
Les relations tendues entre la France et l'Italie sur la Libye révèlent cet état de doute. L'enjeu principal n'est pas une relation bilatérale positive avec leurs homologues africains, mais une lutte pour l'accès à l'énergie. Une situation qui met en évidence les faiblesses européennes à un moment où il existe des alternatives pour les partenariats commerciaux et sécuritaires. En effet, la Chine offre un bien meilleur partenariat à long terme que l'Europe.
Emmanuel Macron peut-il inverser la tendance? Peut-il restaurer les liens avec l'Algérie? Cela repose sur sa capacité à apporter des solutions, ce qui souligne la nécessité d'une refonte complète d'une politique étrangère stratégique globale qui devrait être inscrite dans le cadre de l'Union européenne.
Khaled Abou Zahr est le fondateur de Barbicane, une plate-forme de financement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan Al-Arabi.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.