Le Niger sous l'emprise militaire

Les partisans du putsch ont pris le contrôle de plusieurs ronds-points centraux dans la capitale nigérienne (Photo, AFP).
Les partisans du putsch ont pris le contrôle de plusieurs ronds-points centraux dans la capitale nigérienne (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 08 août 2023

Le Niger sous l'emprise militaire

Le Niger sous l'emprise militaire
  • Le Niger, malgré ses crises et problèmes structurels, donnait l'image d'une démocratie apaisée, qui a réussi le defi d'alternance pacifique au pouvoir en 2021
  • Il serait hasardeux de prévoir l'issue du dernier coup d'état nigérien, qui affronte une vaste dynamique de contestation et de rejet sur le plan régional et international

Le dernier coup d'État militaire, survenu au Niger le 26 juillet dernier, a placé la région du Sahel dans l'œil du cyclone. Cette région, qui a connu depuis 2020 des prises de pouvoir par l'armée dans trois pays ( le Mali ,Burkina Faso et la Guinée) est aujourd'hui la plaie ouverte de l'Afrique.
Trois enjeux majeurs sont perceptibles actuellement dans le contexte sahélien :

- Le retour des armées dans l'arène politique, après des expériences démocratiques chaotiques, qui ont échoué dans le but de pacification et de stabilisation de l'échiquier politique. Il y'a lieu de remarquer ici que les échéances électorales était souvent les catalyseurs des crises internes les plus graves, ce qui explique l'accueil enthousiaste des régimes militaires au sein de la classe politique. C'est ainsi que la question cruciale posée aujourd'hui dans les pays sahéliens consiste au choix difficile à opérer entre des démocraties frêles et corrompues et les autocraties prétoriennes souverainistes. Cette problématique complexe est généralisable à l'espace africain dans sa globalité.

- le repositionnement géopolitique au détriment des intérêts français dans une région qui était auparavant le pré carré de l'ancienne puissance coloniale, investie dans la lutte contre le péril terroriste qui sévit depuis quelques années dans le Sahel. Après le retrait de l'armée française du Mali et du Burkina Faso, la junte au pouvoir à Niamey vient de rompre les accords de défense qui liaient le Niger à la France. Dans toute la région ouest africaine, les sentiments de défiance vis-à-vis de la France se sont accrus ,au moment même où la Russie gagne du terrain en faveur du rôle recrudescent du groupe armé privé Wagner sous la tutelle du Kremlin.

- l'échec palpitant des organismes régionaux africains engagés dans les questions de paix ,de sécurité, et d'intégration économique. Ces organismes, telle La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) l 'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) , et le groupe G5 Sahel , ont affiché des positions fermes vis-à-vis des changements anticonstitutionnels intervenus dans les pays sahéliens, sans pouvoir infléchir la tendance des événements.
Bien que le dernier putsch survenu au Niger réponde au même schéma sahélien (coup de force mené par la garde présidentielle, mise en place d'un conseil de transition militaire, dissolution des institutions issues des élections...) ,le propre du contexte nigérien relève de la spécificité de la conjoncture politique et sociale locale qui ne souffrait nullement de tensions aiguës.

Le Niger, malgré ses crises et problèmes structurels, donnait l'image d'une démocratie apaisée, qui a réussi le defi d'alternance pacifique au pouvoir en 2021. L'armée qui a déjà pris le pouvoir à trois reprises dans l'histoire contemporaine du pays , était réputée comme une armée républicaine et légaliste, sans velléité politique.

Le président déchu Mohamed Bazoum, issu d'une petite minorité arabe, a hérité le pouvoir de son prédécesseur Mahamadou Issoufou qui était son vieil compagnon de route et son proche collaborateur durant tout son règne.
Pour des analystes politiques avisés ,le modèle nigérien servirait de modèle pour les démocraties africaines naissantes, par le sens de continuité et consensus qui le distinguait.

Malgré la tentative avortée de renversement du pouvoir élu à deux jours avant l'investiture du président Bazoum en avril 2021, le regime du chef d'état déchu ne paraissait pas menacé. Le Niger, quoique constamment ciblé par des attaques terroristes centrées sur la zone frontalière avec le Mali et le Burkina Faso, ne courait pas le risque de l'effondrement de son dispositif militaire et sécuritaire largement soutenu par la France ,les Etats unis et les pays européens.
On ne pourrait pas cependant réduire les causes du dernier coup d'état militaire nigérien à un effet d'humeur du à l'éviction du général Abdourahamane Tchiani ancien chef de la garde présidentielle qui vient de prendre le pouvoir.

Il serait hasardeux de prévoir l'issue du dernier coup d'état nigérien, qui affronte une vaste dynamique de contestation et de rejet sur le plan régional et international. Ce qui paraît sûr est que son impact sur toute l'Afrique sera décisive et cruciale.

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.