Après des hauts et des bas, les relations turco-arabes se sont stabilisées. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a dernièrement effectué une visite de reconnaissance en Arabie saoudite. Il s'est entretenu chaleureusement avec le prince héritier, Mohammed ben Salmane. Le communiqué conjoint publié à l'issue de la rencontre contenait quasiment tous les domaines relatifs à la coopération. La sécurité et la défense y ont fait l'objet d'un chapitre distinct. Un contrat d'acquisition a été signé entre l'entreprise de défense qui appartient au gendre d'Erdogan et le ministère saoudien de la Défense.
Les relations entre la Turquie et les Émirats arabes (EAU) unis ont également connu des fluctuations. Ankara avait notamment sévèrement critiqué Abu Dhabi et l’avait accusé d'avoir contribué au coup d'État militaire de 2016 monté en Turquie par le religieux musulman Fethullah Gülen, qui vit actuellement en exil aux États-Unis.
En outre, ces deux pays se sont retrouvés dans des camps opposés dans la crise libyenne. En effet, les Frères musulmans soutenaient le gouvernement d'entente nationale en place à Tripoli alors que les EAU défendaient les forces du maréchal Khalifa Haftar en Libye.
Les deux pays ont désormais mis de côté ces accusations réciproques. Dans la mesure où leur coopération économique recèle un énorme potentiel, ils entendent l'exploiter.
Les EAU considèrent l'islam politique comme une menace pour les administrations traditionnelles des pays du Golfe, tandis que la Turquie le soutient parce que le parti politique d'Erdogan, le Parti de la justice et du développement (AKP), entretient des liens idéologiques avec les Frères musulmans. Les relations entre la Turquie et les EAU se sont donc refroidies au cours de cette période. Toutefois, une visite effectuée l'année dernière en Turquie par le président émirati, cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane, a contribué à dégeler ces relations glaciales. Erdogan a répondu à cette visite en envoyant une importante délégation.
La visite de la délégation turque aux EAU a changé la donne. Elle s'est soldée par la signature de treize accords pour un montant de 51 milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro). Environ 8,5 milliards de dollars seront utilisés pour émettre des obligations au profit des victimes du séisme qui a secoué la Turquie en février dernier. Les deux pays sont également convenus de la mise en place d'un conseil stratégique conjoint de haut niveau. Ce mécanisme devrait faciliter la structuration des relations entre les deux pays. Par ailleurs, la Turquie dispose de tels conseils avec plusieurs autres pays avec lesquels elle entretient de solides relations économiques. La plupart des documents signés lors de ces visites sont des protocoles d'accord. Leur mise en œuvre dépendra donc de la détermination des deux parties.
La Turquie entretient aussi de bonnes relations avec le Koweït. Leurs relations bilatérales ne sont pas devenues aussi chancelantes que celles d'Ankara avec les EAU. Ce pays coopère de plus avec la Turquie dans le domaine de la défense. Il n'a pas rencontré de difficultés avec Ankara comme l'Arabie saoudite et les EAU.
Les relations bilatérales turco-qataries se portaient bien jusqu'à présent. Néanmoins, lorsque sont apparues des tensions entre le Qatar et les autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), la Turquie a pris une mauvaise décision en se rangeant du côté de Doha. Cette fois encore, cette décision a été prise dans l'intérêt des Frères musulmans. Nous ne savons pas si la Turquie va maintenant réduire son soutien à cette organisation. Les tensions entre le Qatar et les autres membres du CCG sont une affaire intra-arabe. La Turquie devait donc éviter de prendre part à ce conflit. Aujourd'hui, la tension qui divisait les pays du CCG s'est largement apaisée. La Turquie doit donc éviter de se trouver dans l'un ou l'autre camp.
Le Moyen-Orient a besoin de paix et de stabilité. L'atmosphère actuelle semble propice à une paix durable dans la région.
Yasar Yakis
Les relations entre la Turquie et l'Égypte sont particulièrement marquantes. Les deux pays ont commencé par s'échanger des propos virulents et par retirer leurs ambassadeurs respectifs. Cela s'explique principalement par l'arrivée au pouvoir du président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. La Turquie avait auparavant apporté son soutien au gouvernement démocratiquement élu de Mohamed Morsi. Malgré ces tensions, les solides relations historiques entre les peuples de ces deux pays ont maintenu le volume des échanges et les entreprises turques qui opèrent en Égypte n'ont pas été confrontées à de graves difficultés.
La Turquie n'avait pas à s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Égypte. Elle aurait pu publier un communiqué exposant ses préoccupations comme l'ont fait de nombreux autres pays, et en rester là. Cependant, après la poignée de main entre Erdogan et Al-Sissi, la situation a évolué de manière positive, car la base des relations entre la Turquie et l'Égypte était déjà solide.
Il faut espérer que ces deux pays mettront de côté toutes les erreurs du passé et aspireront à de meilleures relations. L'amélioration des liens entre la Turquie et l'Égypte peut également contribuer à la résolution des problèmes liés à la délimitation des zones de juridiction maritime en Méditerranée orientale, étant donné que Le Caire est l'un des principaux acteurs de la région. Ayant contribué aux relations turco-égyptiennes pendant quatre ans en tant qu'ambassadeur de Turquie en Égypte, je me réjouis de voir ces deux pays amis renforcer davantage leurs liens.
Les deux pays ont à nouveau échangé des ambassadeurs au cours de ce mois. La Turquie a nommé au Caire un chargé d'affaires qui avait déjà le titre d'ambassadeur. Il s'agit d'un membre éminent du ministère turc des Affaires étrangères, ce qui a facilité les procédures.
La Turquie, l'Arabie saoudite, l'Égypte et l'Iran sont les principaux piliers du Moyen-Orient. S'ils établissent de bonnes communications entre eux, ces quatre pays pourront grandement contribuer à la stabilité de la région.
Le Moyen-Orient a besoin de paix et de stabilité. L'atmosphère actuelle semble propice à une paix durable dans la région. Outre l'apaisement des tensions dans l'ensemble de la région, Erdogan a rencontré le président palestinien, Mahmoud Abbas, la semaine dernière en Turquie. Il a également Benjamin Netanyahou à lui rendre visite trois jours plus tard, mais ce déplacement a été reporté en raison de l'état de santé du Premier ministre israélien. Il n'en reste pas moins que les relations passées d'Erdogan n'ont pas été concluantes. Voyons si la Turquie fera mieux cette fois.
Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti au pouvoir, l’AKP.
Twitter: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com