Au lendemain du sommet Golfe-Asie centrale qui s’est tenu cette semaine à Djeddah, il est évident que le corridor entre le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et l’Asie centrale recèle un immense potentiel de transformation, tant sur le plan politique qu’économique. Il peut ouvrir la voie à une stabilité, une prospérité et une coopération accrues dans ce qui pourrait être une région intégrée unique.
Face à la complexité de l’évolution du paysage mondial et à la montée de la concurrence entre les grandes puissances, ce corridor constitue une occasion historique pour les puissances régionales d’affirmer leur rôle dans la détermination de leur propre destinée. Le CCG et les pays d’Asie centrale devraient mettre en place un nouveau conseil international pour mettre en œuvre cette stratégie globale.
Au cœur de ce projet de conseil ou de corridor se trouve une synergie commerciale et économique transformatrice. La place prépondérante qu’occupe le CCG dans la chaîne d’approvisionnement énergétique mondiale et dans l’industrialisation est complémentaire des ressources naturelles abondantes de l’Asie centrale, notamment le pétrole, le gaz, les minerais et les produits agricoles. Le rapprochement de ces régions permettrait de débloquer de nombreux avantages, de diversifier leurs économies et d’accroître le volume de leurs échanges commerciaux afin de favoriser la prospérité dans l’ensemble du corridor. C’est là que tout commence, comme dans le cas de l’UE.
Il ne fait aucun doute que la pierre angulaire du développement du corridor nécessiterait un investissement substantiel dans les infrastructures, permettant le transport continu des personnes, des biens, des services et des idées. Cet investissement générerait une croissance économique et, par conséquent, une plus grande prospérité pour les populations de ces régions. Selon le ministre saoudien de l’Investissement, Khaled al-Faleh, il existe plusieurs possibilités d’investissement inexploitées dans des secteurs vitaux de la région d’Asie centrale, tels que le tourisme, les énergies renouvelables et l’hydroélectricité, l’agriculture, le tourisme et les services de santé, qui peuvent tous être explorés par des entités saoudiennes.
Les relations constructives entre le Kazakhstan et l’Arabie saoudite sont un bon exemple des possibilités qui s’offrent à nous. Tout d’abord, le Royaume était l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance du Kazakhstan, établissant des relations diplomatiques et stratégiques alors que le pays d’Asie centrale faisait face aux nombreux défis de l’ère post-soviétique. Leur relation s’est rapidement transformée en une relation multidimensionnelle et diversifiée grâce à l’engagement mutuel et à la forte volonté politique des deux pays.
Ces dernières années, les perspectives de coopération entre les deux pays se sont renforcées. Depuis l’établissement des relations bilatérales, 85 visites mutuelles ont eu lieu à différents niveaux. Au cours de ces visites, les deux parties sont convenues d’étudier les possibilités d’investissements de l’Arabie saoudite dans le secteur pétrolier du Kazakhstan, en particulier dans le domaine de l’exploration géologique. En outre, le Kazakhstan a la possibilité d’exporter des produits agricoles, y compris des produits halal, vers le Royaume.
Alors que les émissions de CO2 font l’objet d’une attention accrue au niveau mondial, il existe également un fort potentiel de collaboration dans le domaine de l’énergie nucléaire, allant de la fourniture d’uranium par le Kazakhstan à la fourniture de technologies nucléaires. En outre, les deux pays développent conjointement des projets dans l’industrie spatiale, qui constitue un facteur clé pour la croissance et la souveraineté futures.
Par ailleurs, le développement des relations commerciales et économiques bilatérales entre Astana et Riyad aura un impact positif sur l’expansion des possibilités dans le secteur de la logistique stratégique. Le corridor de la mer Caspienne revêt une importance considérable, car le Kazakhstan joue un rôle majeur dans la liaison entre la Chine, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Iran et la Turquie. Ces liens commerciaux favorisent une plus grande stabilité et une meilleure intégration entre tous les membres et permettent d’instaurer une coopération et des échanges plutôt que des perturbations et des conflits.
Cela prouve que la vision d’un corridor ou d’un conseil plus étroit entre le CCG et l’Asie centrale va au-delà de la simple économie. Cette intégration promet un alignement politique et stratégique, encourageant la collaboration sur des défis communs, comme les menaces à la sécurité et les incertitudes géopolitiques. Ensemble, ils peuvent renforcer la stabilité régionale et contribuer aux efforts mondiaux de consolidation de la paix.
Face à la concurrence croissante des grandes puissances, l’importance géopolitique du corridor CCG-Asie centrale ne peut être négligée. Il apporte une stabilité et une sécurité réelles en donnant à l’ensemble de la région sa propre voix. Le renforcement des liens économiques et politiques par la création d’un corridor ou d’un nouveau conseil de pays constitue également un formidable bouclier contre les menaces potentielles à la sécurité. Il permet aussi à tous les pays de la région de s’unir pour faire face à la complexité de l’évolution de l’ordre mondial. En établissant un sentiment de responsabilité collectif, le corridor décourage les interférences internes et externes, augmentant ainsi la capacité de la région à faire face aux incertitudes géopolitiques.
De surcroît, le corridor joue un rôle encore plus crucial en tant que plate-forme destinée à empêcher les conflits de se propager à l’intérieur de la région. L’encouragement de la coopération et du dialogue entre les nations participantes instaure un environnement de confiance et de compréhension mutuelle, dissuadant efficacement les forces déstabilisatrices externes ou internes. Cette approche permet de former un front uni et de doter la région d’une voix forte, renforçant ainsi sa capacité à relever les défis géopolitiques. Elle trace une voie claire vers la stabilité et la sécurité, la protégeant ainsi des répercussions potentielles d’un conflit mondial.
Il ne fait aucun doute que le sommet Golfe-Asie centrale aura un impact positif dans des domaines tels que l’investissement, l’économie et le commerce. Par conséquent, un corridor CCG-Asie centrale représente une voie vers la prospérité et la coopération, promettant des avantages multiples pour tous les pays concernés. À l’avenir, le corridor CCG-Asie centrale peut tracer la voie d’un progrès uni et d’une croissance mutuelle. Alors que la dynamique mondiale subit des transformations rapides, des corridors stratégiques comme celui-ci ont le potentiel de rééquilibrer la dynamique du pouvoir dans le monde et de bâtir un meilleur avenir.
En somme, le conseil CCG-Asie centrale propose une approche ciblée et pragmatique, contrairement au concept vague et moins attrayant de «pays du Sud», qui peut être manipulé. Il encourage la coopération entre des régions ayant une compréhension et une culture communes, ce qui leur permet de relever les défis mondiaux avec résilience et de favoriser la croissance pour l’ensemble de leurs populations.
Khaled Abou Zahr est le fondateur de Barbicane, une plate-forme de syndication d’investissements axée sur l’espace. Il est PDG d’EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan al-Arabi.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com