Voilà plus de huit mois et demi que le Liban est sans président de la République, et sans gouvernement en pleine fonction. C’est une situation inédite depuis la fin de guerre civile. Pire encore, dès la fin du mois de juillet le poste de gouverneur de la Banque Centrale sera vacant faute de ne pas pouvoir nommer un nouveau gouverneur par le gouvernement démissionnaire actuel. Celui-ci se contente d’expédier les affaires courantes. Mais le pire reste à venir avec le départ fin décembre du chef de l’armée le général Joseph Aoun à la retraite. Tout comme la nomination du gouverneur de la Banque centrale. L’actuel gouvernent démissionnaire et selon la constitution n’a pas le pouvoir de nommer un remplaçant. C’est un tableau très sombre qui se profile à l’horizon. L’état libanais est en train de se désintégrer faute de vacances à sa tête. Il faut rappeler que sans l’élection d’un nouveau président, il est impossible de convoquer des consultations parlementaires afin de désigner un nouveau premier ministre chargé de former le nouveau gouvernement. En d’autres termes, pas de président équivaut à dire pas de premier ministre, ni de gouvernement. Et par conséquence pas de nominations à la tête des postes clés de l’appareil de l’état.
Or les élections présidentielles sont au point mort. Le président de la chambre M. Nabih Berri refuse de convoquer le parlement pour élire un président. Et se trouvant avec ses alliés du Hezbollah dans l’incapacité de faire élire leur candidat de choix M. Soleiman Frangié, il invoque la condition de passer par une table de dialogue qui réunirai les groupes parlementaires afin de se mettre d’accord sur un candidat. En contrepartie les forces de l’opposition rassemblées autour d’un noyau dur de trois grands partis à majorité chrétienne déclinent toujours l’invitation de M. Berri. Ils insistent sur la nécessité de s’en remettre au verdict des urnes.
Il va sans dire que le principal obstacle qui se dresse en traves l’élection d’un nouveau président n’est tout autre que le Hezbollah, dont le chef réaffirmait il y a deux jours que son parti exigeait que le nouveau président ait pour mission de « protéger les arrières » de la milice pro iranienne, de ses armes et ses missions au Liban et à l’étranger. Avec des dizaines de milliers de missiles, et une milice forte de quelques cinquante mille hommes, le Hezbollah reste en quelque sorte vulnérable tant qu’il ne repose sur une légitimité que seul un état reconnu pourrait lui procurer. C’est là que réside toute la question de la bataille pour la présidence de la république.
Dans ce contexte, la France se dresse en tant que médiateur entre les Libanais. Et après de nombreux échecs ces derniers mois, on parle aujourd’hui d’une nouvelle initiative que Paris serait sur le point de lancer à travers l’émissaire du président Macron, l’ancien ministre des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian. Cette initiative consisterait à organiser un dialogue entre les principaux partis représentés à la chambre sous l’égide de l’émissaire du président français, avec un seul point à l’ordre du jour : Trouver un consensus et choisir le prochain président qui serait par la suite élu au parlement.
C’est une tâche difficile voir presque impossible. Et pour cause elle rejoins la proposition du Tandem chiite Amal et le Hezbollah, qui ne parvenant pas à se fier aux urnes, bloquent le parlement en appelant à un dialogue afin de contourner une simple élection démocratique.
Paris ferait mieux dans ce cas d’éviter le piège d’un dialogue qui n’est qu’un moyen de déformer le peu de démocratie qui reste au Liban.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. Twitter: @AliNahar
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