Les pays du Maghreb doivent profiter de la pandémie pour s’unir

Les représentants de l’Union du Maghreb arabe, à Rabat, le 18 février 2012. (Photo, Reuters)
Les représentants de l’Union du Maghreb arabe, à Rabat, le 18 février 2012. (Photo, Reuters)
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Publié le Mercredi 16 décembre 2020

Les pays du Maghreb doivent profiter de la pandémie pour s’unir

Les pays du Maghreb doivent profiter de la pandémie pour s’unir
  • L’Union du Maghreb arabe (UMA), fondée en 1989, a vu son décès prononcé par le roi Mohammed VI du Maroc en 2017
  • Les fruits marocains sont importés en l’Algérie via la France, alors que le pétrole libyen arrive au Maroc en bateau au lieu d’être acheminé à travers un oléoduc

Outre les dénominateurs communs du patrimoine, de la religion et de la langue entre les pays du Maghreb, le taux de croissance insuffisant à la réduction du chômage chez les jeunes les continue de les unir.

L’Union du Maghreb arabe (UMA), fondée en 1989, a vu son décès prononcé par le roi Mohammed VI du Maroc en 2017. A défaut d’être entièrement condamnée, l’organisation, autrefois ambitieuse, et qui espérait unir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie et la Mauritanie, est pour le moins dire plongée dans un état de paralysie. Toutefois, étant donné les effets dévastateurs de la pandémie sur les économies régionales, il existe nettement une opportunité de développer une région qui est, à l’heure actuelle, la moins intégrée économiquement au monde.

L’unité au Maghreb est dans un état déplorable. Le commerce entre les pays régionaux ne représente que 2% du produit intérieur brut de la région du Maghreb. Il est moins cher pour les pays du Maghreb d’importer de la Chine que de leurs voisins immédiats. Les fruits marocains sont importés en l’Algérie via la France, alors que le pétrole libyen arrive au Maroc en bateau au lieu d’être acheminé à travers un oléoduc. Les investissements marocains ont créé plus de 60 000 emplois au Nigéria, alors que les jeunes tunisiens vivent dans les mêmes conditions de misère qui les ont poussés à se révolter en 2011. Ce sombre tableau est dû aux droits de douane élevés, imposés mutuellement par les pays du Maghreb, ainsi qu’à des frictions politiques qui ont favorisé la désunion. Ces obstacles commerciaux, qualifiés de «politique de protection commerciale en Afrique du Nord» par Adeel Malik de l’Université d’Oxford, premier expert mondial en la matière, entraînent une perte de près de 530 milliards de dollars par an dans la région.

Les intérêts diplomatiques divergents, notamment entre les deux puissances régionales, le Maroc et l’Algérie, minent la stabilité de l’ensemble du système sous-régional maghrébin. Cette situation n’est cependant pas sans espoir. Bien que le Maghreb ne soit pas caractérisé par une collaboration intra-régionale solide, certaines initiatives qui ont émergé de la pandémie, en particulier dans le domaine du numérique, laissent entrevoir un avenir plus uni.

Le commerce international étant durement touché par les évènements récents, la nécessité et la logique économique devraient faire en sorte que l’UMA, longtemps laissée en plan, soit ravivée pour maintenir les économies de la région à flot. La précarité qui guette des millions de personnes employées dans les économies informelles de la région s’est bien fait sentir lors des mesures de confinement. Une croissance modeste n’est tout simplement plus une option pour les pays du Maghreb, qui doivent créer des emplois ou risquer de la reprise des conflits sociaux de la dernière décennie. Des projets tels que le Réseau des startups du Maghreb et Maghtech révèlent la disposition des jeunes de la région à faire fi des problèmes politiques qui préoccupent l’ancienne génération et à créer des possibilités de collaboration.

Ce n'est qu'une question de temps avant que les appels à une croissance économique propulsée par l'intégration régionale ne deviennent plus forts que les tambours de guerre.

Zaid M. Belbagi

De plus, l’organisation des pourparlers de paix de la Libye au Maroc rappelle l’attitude plus encourageante des mouvements historiques qui soutenaient la coopération régionale. L’Étoile Nord-Africaine des années 1920 et le Comité de libération du Maghreb arabe de la fin des années 1940, présidé par l’émir marocain Abdelkrim El-Khattabi, étaient centrés sur l’idée d’unir le Maghreb. Un tel esprit est nécessaire pour répondre aux défis d’aujourd’hui. Le plus grand partenaire commercial de la région est l’UE, alors les pays du Maghreb feraient bien d’agir en bloc uni lors des négociations plutôt que d’accepter des accords injustes en raison de leurs tailles économiques réduites respectives. Les diplomates américains ont longtemps insisté sur la nécessité d’élargir le marchés du Maghreb afin d’augmenter les investissements directs étrangers ; seules des réformes fondamentales dans plusieurs juridictions permettront aux mégaprojets de transformer les modèles commerciaux de la région.

Les évènements récents ont également souligné la nécessité de s’attaquer aux problèmes historiques pour permettre la création de liens économiques solides. Les conflits au Sahara occidental ont mis en évidence l’engagement du Maroc à développer les régions les plus au sud, et le rôle de ses voisins dans la perpétuation de conflits qui auraient dû prendre fin depuis longtemps. La situation régionale s'est enflammée avec le blocage du camionnage civil du Maroc vers la Mauritanie, soulignant la fragilité du commerce régional. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que les appels à la croissance économique via l’intégration régionale ne deviennent plus forts que les tambours de guerre.

L’atmosphère de résignation est de plus en plus palpable au Maghreb, tout comme la frustration croissante face à l’hypocrisie des efforts d’intégration régionale. Étant donné que l’impact de l’économie de marché améliore considérablement le niveau de vie au Maroc, alors que ses frères dans les États riches en ressources luttent pour s’approvisionner en denrées alimentaires de base, il est clair que l’amélioration du commerce régional est une nécessité urgente. Il y aura des concessions politiques à faire et il sera nécessaire d’atténuer l’impact du commerce régional dans un premier temps, mais la vision du roi marocain Hassan II lors de la création de l’UMA, «faire du Maghreb arabe un pays avec un seul passeport … une seule identité et une monnaie unique» peut certainement être atteinte si l’intégrité territoriale de ses membres demeure intacte.

Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le CCG.

Twitter: @Moulay_Zaid

Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com