ISTANBUL: A son 880ᵉ jour de protestation, l'Université du Bosphore à Istanbul, l'une des plus prestigieuses de Turquie, a bravé une interdiction de manifester pour poursuivre son rassemblement quotidien contre son recteur honnis, a constaté l'AFP.
Moins d'une semaine après la réélection de Recep Tayyip Erdogan et comme chaque jour de semaine depuis janvier 2021, les professeurs en toge, rejoints par certains de leurs étudiants, se sont réunis en silence à 12H15 tapantes.
Sur la pelouse de l'établissement, tournant symboliquement le dos au rectorat, certains arboraient des pancartes reprenant en anglais leur mot d'ordre depuis deux ans et cinq mois: "WeDoNotAcceptWeDoNotGiveUp":"Nous n'acceptons pas, nous ne renonçons pas".
En janvier 2021, un décret du président Recep Tayyip Erdogan, reconduit dimanche à la tête du pays et qui prêtera serment samedi, a installé un inconnu, Melih Bulu, à la tête de la "B ogaziçi".
Dans cette université qui dispense son enseignement en anglais et livre au pays une bonne partie de son élite, ce parachutage ne passe pas.
Poursuites judiciaires
Ce vendredi, interdiction avait été faite aux professeurs comme aux étudiants, via une circulaire, de manifester "sous peine de poursuites judiciaires et administratives".
"Dès l'élection, ils se manifestent" a indiqué le professeur associé Ahmet Ersoy à l'AFP. "Mais cela n'a pas d'importance, cette interdiction n'a aucun fondement légal", a-t-il estimé.
Mais toute visite, y compris à l'invitation des professeurs, ayant été interdite, en particulier à la presse, les contrevenants ont été privés d'accès ou reconduits à la sortie.
"Je ne sais pas comment notre veille continuera désormais", s'interroge le Pr Ersoy. "Si nécessaire, nous trouverons d'autres moyens: nous sommes confiants de nous tenir du bon côté de l'histoire".
"Surtout, maintenant que nous faisons cette veillée depuis plus de 2 ans en continu, les gens ont commencé à respecter notre résistance et je pense que c'est ce qui les dérange le plus", ajoute-t-il.
«Tu ne seras jamais notre recteur»
La mobilisation avait commencé dès la nomination de M. Bulu avec des manifestations d'étudiants clamant "Tu ne seras jamais notre recteur".
Elle s'inscrivait dans une série de nominations de recteurs aux qualifications contestées, suite au putsch manqué de juillet 2016 et à la reprise en main des établissements universitaires.
Bastion traditionnel d'une forte communauté d'étudiants de gauche, Bogaziçi a été régulièrement ciblée par le gouvernement AKP de M. Erdogan au pouvoir depuis vingt ans.
En 2018, plusieurs étudiants avaient été arrêtés pour avoir manifesté contre une opération militaire turque en Syrie: M. Erdogan les avait alors qualifiés de "traîtres" et de "terroristes".