De manière générale, mes compatriotes anglais se réjouissent lorsque le mercure dépasse les 15°C. Les Européens du Nord passent leurs étés à chercher le soleil et vident leurs comptes bancaires pour des spectacles d'adoration du soleil dans la quête éternelle d'un bronzage, même léger, et de rayons d’or. Lorsque la température au Royaume-Uni a dépassé 40°C l'été dernier pour la première fois dans l'histoire des températures enregistrées, la chaleur a été perçue comme une véritable fournaise.
Mais pour ceux qui vivent dans des régions comme le Moyen-Orient, les gens commencent peut-être à se diriger dans la direction opposée. Au lieu de rechercher le soleil, ils essaieront de l'éviter pendant plusieurs mois de l'année.
En effet, les luttes actuelles du monde contre la chaleur extrême et les événements météorologiques sont la conséquence d'un changement de 1°C des températures mondiales par rapport aux niveaux préindustriels. Les scientifiques s'efforcent d'expliquer ce que pourrait signifier une augmentation de 1,5°C, tout en mettant en garde sur le fait que, sur la trajectoire actuelle, l'augmentation pourrait atteindre 2,5°C. Les huit dernières années ont été globalement les plus chaudes jamais enregistrées. L'Asie du Sud-Est établit actuellement des records de chaleur. Les scientifiques ont rapporté que la sécheresse dans la Corne de l'Afrique est 100 fois plus probable en raison du changement climatique.
La chaleur extrême causée par le changement climatique menace le mode de vie de millions de personnes. Il s’agit de l'un des phénomènes météorologiques exceptionnels qui menacent de modifier la planète de façon permanente. Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Sustainability réaffirme la gravité du danger. Dans l'ensemble, l'étude établit le fait que 419 millions de personnes dans 57 pays sont exposées à 1,5°C de réchauffement climatique au cours des prochaines années. Les personnes âgées seraient particulièrement en danger.
La chaleur extrême est l'un des phénomènes météorologiques exceptionnels qui menacent de modifier la planète de façon permanente
Chris Doyle
La région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord est l'une des plus chaudes de la planète, comprenant environ 70% des pays du monde les plus soumis au stress hydrique. Les températures pourront même bientôt atteindre 60°C. À titre d’exemple, 80% de la population des Émirats arabes unis sera vulnérable après une augmentation de la température planétaire de 1,5°C. Les températures augmenteront et les vagues de chaleur dureront également beaucoup plus longtemps.
La péninsule arabique et le sud de l'Irak pourraient être les plus durement touchés, mais le Levant souffrira lui aussi. Ces pays devront se préparer à une baisse de 25% des précipitations et à tout ce que cela implique. La vallée du Jourdain a déjà connu d’importantes hausses de température. Il serait surprenant que les colons israéliens, qui ont déployé tant d'énergie pour coloniser cette zone actuellement d’une très grande fertilité, soient bientôt contraints de quitter la région parce qu'elle est devenue inhabitable.
Les populations des pays les plus pauvres seront encore plus vulnérables. Elles n'ont pas les ressources pour les investissements nécessaires capables d’atténuer les températures extrêmes. Même l'Irak, qui a vu les températures dépasser les 50°C, n'en a pas les moyens, et le réseau électrique ne peut pas y faire face. Une enquête a révélé que seulement 8% des 2,8 milliards de personnes habitant les régions les plus chaudes du monde ont des climatiseurs. Mais encore une fois, à moins que les climatiseurs ne fonctionnent à l'énergie renouvelable, en augmenter le nombre ne sera pas la solution.
La chaleur extrême touchera de nombreux aspects de la vie. Les décès liés à la chaleur ne feront qu'augmenter encore et encore. Travailler à l'extérieur deviendra de plus en plus dangereux, notamment dans l'agriculture et le secteur de la construction. La qualité de l'air va continuer à se dégrader. En Irak, les difficultés respiratoires dues aux tempêtes de poussière sont en augmentation. Les rendements des cultures risquent de diminuer à mesure que les saisons agricoles raccourcissent. L'insécurité alimentaire va augmenter. Comment alors organiser des événements sportifs ?
La santé mentale devient également un problème. Il n’est pas surprenant que les études montrent qu’en cas de chaleur extrême, le crime, la violence et la haine augmentent. La chaleur favorise également la dépression et l'anxiété. Des millions de personnes vivront dans le stress.
Ce ne sont pas seulement les humains et les animaux qui sont en danger. Les infrastructures telles que les canalisations, les réseaux électriques, les bâtiments et l'acier vont tous capituler sous cette agression solaire. Le bilan se fera aussi sentir dans les systèmes de santé. L'agriculture est déjà touchée, tout comme l'approvisionnement en eau.
Le rythme des actions à l’heure actuelle semble bien trop froid, trop timide, trop ponctuel, pour faire face à l'ampleur du défi
Chris Doyle
L'eau de mer va se réchauffer et s’étendre. Ici, la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est aussi vulnérable. Le delta du Nil serait gravement touché, tout comme le sud de l'Irak, autour du Chatt al-Arab. Dans le Golfe arabique, Abu Dhabi, Doha, Manama et Dubaï se trouvent tous sur des zones côtières basses ou des îles.
La migration va également s'intensifier. Qui peut en vouloir aux personnes concernées ? Les scientifiques estiment qu'un milliard de personnes pourraient migrer vers des climats plus frais. C'est là qu'intervient le coût humain, par opposition au coût économique, du changement climatique. Où iront ces personnes ?
Alors que le monde se rassemblera au courant de cette année aux Émirats arabes unis pour le sommet de la COP28, les dangers de la chaleur extrême seront de plus en plus abordés. Ce qu'il faut, cependant, c'est explorer les solutions et être prêt à prendre les mesures drastiques qui pourraient repousser les phénomènes extrêmes les plus cauchemardesques du changement climatique. Le rythme des actions à l’heure actuelle semble bien trop froid, trop timide, trop ponctuel pour faire face à l'ampleur du défi. On se demande jusqu’à quel point cela devra se produire.
Tout cela part, bien sûr, du principe que la communauté mondiale ne réussisse pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à arrêter la forte augmentation de la température mondiale. Nous ne pouvons pas parier uniquement sur les scientifiques qui proposent des solutions innovantes – les dirigeants et les peuples devront supporter et assumer les coûts et les difficultés qui seront nécessaires pour aller de l'avant et éviter un cataclysme.
De nombreux engagements et promesses ont été faits de manière solennelle, mais trop souvent, ils n'ont pas été tenus. Cela nécessite un financement pour les pays les plus pauvres, mais aussi d’importantes réductions des émissions de dioxyde de carbone. Faut-il attendre d'autres catastrophes pour agir sérieusement ? Espérons que non. Plus la véritable action est retardée, plus elle sera difficile, pénible et coûteuse.
Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding (CAABU) basé à Londres. Il a travaillé auprès de ce conseil depuis 1993 après avoir obtenu un diplôme spécialisé en études arabes et islamiques avec distinction honorifique à l'université d'Exeter. Il a organisé et accompagné les visites de nombreuses délégations parlementaires britanniques dans les pays arabes.
Twitter: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com