Accès refusé: comment Israël échappe à la surveillance de ses actes

La semaine dernière, l'interdiction d'entrée sur le territoire israélien et l'expulsion, pour la première fois, de deux députés britanniques ont suscité une vive polémique. Un flot d'absurdités a été déversé au sujet d'une délégation que le Conseil pour la compréhension arabo-britannique a aidé à organiser. Il s'agissait d'une délégation en Cisjordanie, pas en Israël. Il n'a jamais été question d'Israël, mais d'évaluer les projets humanitaires et les défis auxquels sont confrontées les communautés palestiniennes sous l'occupation. Les députés n'étaient pas là pour répandre la haine contre Israël.

Pourtant, la véritable histoire n'est pas celle de ces deux députés travaillistes, qui ont tous deux été accueillis favorablement par le gouvernement britannique et ont reçu le soutien du Parlement. Il s'agit du fait qu'eux et d'autres ne sont pas autorisés à témoigner de la réalité de la vie dans les territoires palestiniens occupés.

Les refus d'accès de la part d'Israël sont de plus en plus fréquents. En février, deux membres européens du Parlement européen se sont également vu refuser l'entrée et ont été renvoyés.

En Cisjordanie, des hommes politiques internationaux de premier plan ont vu leur accès limité par Israël. James Cleverly, ministre britannique des Affaires étrangères, ainsi que ses homologues irlandais et norvégien, ont été informés par les autorités israéliennes qu'ils ne pourraient pas se rendre dans le village d'Ein Samiya en Cisjordanie en septembre 2023. Le village avait été vidé de ses habitants palestiniens. Même un ministre allemand du Développement, l'un des plus proches alliés et collaborateurs d'Israël, s'est vu refuser l'accès à Gaza en 2010.  

Gaza fait l'objet de restrictions depuis des années. Les hommes politiques britanniques n'ont pas été autorisés à entrer dans l'enclave par le point de contrôle d'Erez depuis 2009. Même à cette époque, notre délégation a dû attendre avant d'être autorisée à entrer. Une députée a réussi à passer depuis, mais elle y est allée en tant que chirurgienne spécialiste du cancer du sein.

Les agences de l'ONU sont toutes soumises à des restrictions.

                                             Chris Doyle

Cependant, toutes les catégories de personnes susceptibles de témoigner des activités israéliennes ont été soumises à des restrictions plus sévères.

Les groupes de défense des droits de l'homme sont une cible privilégiée. Depuis le 7 octobre 2023, le Comité international de la Croix-Rouge n'est plus autorisé à rendre visite aux prisonniers et détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. L'exception concerne la supervision de la libération de détenus palestiniens pendant la période de l'accord récent. En 2019, Israël a expulsé Omar Shakir, directeur de Human Rights Watch pour Israël et la Palestine.

Les journalistes internationaux, à l'exception de quelques ambassades, ne sont plus autorisés à entrer dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. Même lors de la récente pause dans les opérations militaires, ils n'ont toujours pas été autorisés à pénétrer dans la bande de Gaza, comme l'a souligné avec force Jeremy Bowen, rédacteur en chef international de la BBC. Leurs collègues palestiniens ont manifestement été pris pour cible afin d'empêcher la diffusion de l'histoire dans le monde extérieur. Et qui peut oublier l'assassinat de la journaliste d'Al Jazeera Shireen Abu Akleh à Jénine en 2022?

Les diplomates se sont également vu refuser l'accès. Aucun ne peut entrer à Gaza. J'ai vu un commandant israélien local produire un ordre déclarant un village des collines du sud d'Hébron zone militaire fermée alors qu'une importante délégation diplomatique européenne arrivait pour visiter le site, qui avait été attaqué par des colons israéliens. La date de l'ordre n'était même pas exacte. Les diplomates ont dû partir.

Les agences des Nations unies ont toutes été soumises à des restrictions. Le personnel international a de plus en plus de mal à obtenir des visas, en particulier depuis 2018. La Knesset a interdit à l'agence des Nations unies pour les réfugiés (Unrwa) d'opérer dans toutes les zones sous contrôle israélien. Elle a notamment ordonné la fermeture de six écoles de l'Unrwa dans Jérusalem occupée. Israël n'accepte aucune entrée des commissions d'enquête de l'ONU ou, depuis 2008, des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur les territoires palestiniens occupés.

Gaza est sur le point d'être totalement isolée.

                                            Chris Doyle

Les agences humanitaires ont également vu leurs restrictions s'intensifier. Depuis 2023, les travailleurs internationaux ne peuvent demander que des visas de courte durée. Ils sont maintenant confrontés à une nouvelle série de restrictions draconiennes, notamment en ce qui concerne le nouveau système d'enregistrement des ONG israéliennes. Le projet de législation accordera aux autorités israéliennes des pouvoirs étendus pour interdire et restreindre l'enregistrement des ONG et pour refuser l'entrée du personnel. Toutes les ONG existantes devront déposer une nouvelle demande de permis. Cela crée un climat d'anxiété quant à la possibilité de poursuivre des projets qui sauvent des vies.

Le personnel de santé a également été pris pour cible. Selon les Nations unies, plus de 400 travailleurs humanitaires, dont 280 membres du personnel de l'ONU, ont été tués à Gaza au cours des 18 derniers mois. Il est également plus difficile de faire venir des médecins et des professionnels de la santé.

Gaza est sur le point d'être complètement coupée du monde. L'accès à Internet a été interrompu à plusieurs reprises par Israël, mais reste très réduit. Cependant, l'histoire, les images et les séquences vidéo continuent d'être diffusées. Même si l'ampleur de l'horreur n'est pas documentée de manière exhaustive, les preuves de crimes contre l'humanité et de génocide s'accumulent chaque jour.

En Cisjordanie, le décor est planté pour un scénario similaire. Tous les outils sont là pour y parvenir, notamment des dizaines de nouveaux points de contrôle. Israël contrôle toutes les entrées et tous les accès.

Les acteurs internationaux doivent s'y opposer. Israël voudrait poursuivre son processus de nettoyage ethnique et de génocide à l'abri des regards indiscrets. L'antidote consiste à ouvrir l'ensemble des territoires palestiniens afin de permettre un examen approfondi de ce qui se passe.

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding à Londres. 

X: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com