Quelles sont les scénarios possibles d'un cessez-le-feu durable à Gaza ?

De la fumée s'élève au-dessus des tentes d'un camp de déplacés palestiniens lors d'une attaque israélienne à Khan Younis. 19 avril 2025. (AFP)
De la fumée s'élève au-dessus des tentes d'un camp de déplacés palestiniens lors d'une attaque israélienne à Khan Younis. 19 avril 2025. (AFP)
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Publié le Mardi 22 avril 2025

Quelles sont les scénarios possibles d'un cessez-le-feu durable à Gaza ?

Quelles sont les scénarios possibles d'un cessez-le-feu durable à Gaza ?
  • Les Palestiniens de la bande de Gaza approchent du point de rupture
  • Pour tout accord à long terme, Israël exige une reddition complète du Hamas. Ce n’est, à l’évidence, pas une base de négociation sérieuse

Alors que le monde entier semble avoir accepté la stratégie amère d’Israël affamant toute une population sous son contrôle, punie collectivement dans le cadre d’un génocide à Gaza, il devient de plus en plus difficile d’entrevoir une lueur au bout du tunnel. Pourtant, à la recherche de miettes de répit, certains s’accrochent à l’espoir ténu d’un cessez-le-feu, même si temporaire. D’autres osent même croire à la possibilité d’un accord durable. Mais, quelles sont, au fond, les vrais scenarios d’un tel accord ?

Pour l'opinion publique israélienne, l'accent est naturellement mis sur la libération des 58 otages qui seraient restés à Gaza, dont 24 seraient encore en vie. Ils savent que la détermination fébrile du Premier ministre Benjamin Netanyahou à intensifier l'offensive militaire israélienne sur Gaza fait peser un risque sérieux sur la vie des otages.

Malheureusement, cette mesure ne semble pas être prioritisé par le gouvernement israélien. Netanyahou a violé l'accord de janvier le 15 mars, mettant ainsi fin à six semaines d'hostilités de moindre intensité. Israël a tout de même tué 170 Palestiniens durant cette période.

C’est dans ce contexte que l’on comprend la virulence des manifestations en Israël. Les sondages d’opinion révèlent que Benjamin Netanyahou ne représente plus une priorité dans la quête de libération des otages.

Entre-temps, le Hamas subit des pressions. Des manifestations contre lui continuent d’avoir lieu à Gaza. Certains Palestiniens affirment qu’elles sont inspirées et organisées par le parti Fatah. Même si cette affirmation semble plus ou moins vraie, le régime du Hamas et sa stratégie suscitent un profond mécontentement. Nombreux sont ceux qui estiment que le Hamas n’a ni fait progresser les droits des Palestiniens, ni leur libération, tout en offrant à Israël, à travers ses actions, l’occasion de décimer Gaza.

Le Hamas rejette tout accord partiel et n’acceptera qu’un accord stipulant clairement la fin des hostilités.

                                                             Chris Doyle

Les Palestiniens de la bande de Gaza approchent du point de rupture. Ils ont déjà enduré l’insoutenable, mais le siège israélien, réimposé le 2 mars, dure désormais depuis plus de 50 jours — le plus long de ce type en dix-huit mois. L’impact est dévastateur, bien qu’aucune évaluation scientifique complète de l’ampleur du risque de famine n’ait encore été menée.

Alors, où en sont les négociations ? Le chef du bureau politique du Hamas, Khalil al-Hayya, a présenté la semaine dernière un accord global prévoyant la libération de tous les otages en échange de la fin de la guerre, de la libération d'un nombre convenu de détenus palestiniens, de la levée du siège et du début du projet de reconstruction. Cet accord est sur la table depuis juillet dernier.

Israël a proposé un cessez-le-feu de 45 jours en échange de la libération de dix otages. Le Hamas, de son côté, rejette tout accord partiel et n’acceptera qu’un accord stipulant clairement la fin des hostilités.

Pour tout accord à long terme, Israël exige une reddition complète du Hamas. Ce n’est, à l’évidence, pas une base de négociation sérieuse. Une autre exigence, dans le même esprit, est que le Hamas remette l’ensemble de ses armes restantes. Cela pourrait éventuellement être envisagé dans le cadre d’un accord, mais comment garantir que toutes les armes ont bien été déposées ? L’hypothèse reste hautement improbable. Le Hamas, qui prétend défendre les Palestiniens, n’y verrait qu’une remise déguisée.

Si Israël et le Hamas sont loin de conclure un accord, qu'en est-il des médiateurs ? Le problème est que Steve Witkoff, l'homme proche du président américain Donald Trump sur ce sujet, est également impliqué dans les négociations russo-ukrainiennes et sur l'Iran. Il est trop tôt pour dire si cet ancien homme d'affaires possède un quelconque talent pour négocier de tels accords internationaux visant à mettre fin aux conflits, mais l'idée de régler trois des problèmes les plus graves de la planète en quelques semaines serait insurmontable.

Trump reste inflexible dans ses positions. Il ne cesse de marteler son plan, comme il l’a encore fait lors de sa deuxième rencontre avec Netanyahou au début du mois : selon lui, Gaza est un « patrimoine immobilier d'une importance capitale » qui devrait être placé sous contrôle américain.

Les Palestiniens craignent toujours que le véritable objectif soit de les expulser de Gaza ou de tuer ceux qui refusent – en bref, un nettoyage ethnique ou un génocide.

                                                          Chris Doyle

Cette position rend toute avancée pratiquement impossible pour les négociateurs arabes. Bien que l’Égypte et le Qatar plaident tous deux en faveur d’un cessez-le-feu durable, les déclarations incendiaires de la Maison Blanche ne font qu’alimenter les tendances les plus militaristes et génocidaires au sein du cabinet de Netanyahou. Elles découragent la confiance requise pour la conclusion d’un accord durable. Côté palestinien, la peur demeure que l’objectif réel soit leur expulsion de Gaza ou l’élimination de ceux qui résistent, autrement dit, un nettoyage ethnique, voire un génocide.

Les puissances européennes restent inactives, à l'exception peut-être de la France. Le président Emmanuel Macron a déclaré que la France organiserait une conférence internationale en juin aux côtés de l'Arabie saoudite. Il a indiqué que Paris pourrait reconnaître un État palestinien. « Nous devons progresser vers la reconnaissance de l’État et nous le ferons dans les prochains mois », a-t-il déclaré. S’il passe à l’acte, d’autres puissances européennes, comme le Royaume-Uni, lui emboîteront-elles le pas ? Seul un front uni pourra réellement peser.

Les Palestiniens de Gaza ne peuvent plus attendre. La famine fait rage, et la crise humanitaire atteint un niveau de gravité inédit depuis 18 mois. Plus des deux tiers du territoire sont visés par des ordres d’évacuation, tandis qu’Israël transforme environ 30% de la bande de Gaza en zones tampons qu’il affirme ne pas vouloir restituer.

Une brève pause humanitaire reste hypothétiquement envisageable. Mais ce qu’il faut réellement, c’est un cessez-le-feu durable, et celui-ci paraît chaque jour un peu plus lointain. 


Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding à Londres. X: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com