BEYROUTH: Les multiples crises qui secouent le Liban l’ont laissé exsangue, mais le pays n’est jamais à court de ressources culturelles et artistiques, comme le prouvent le foisonnement d’activités du genre et l’ouverture de nombreuses galeries d’art. Cette dynamique intéresse de près certaines ambassades au Liban, dont celle d’Italie, qui soutient activement la scène locale dans plusieurs disciplines. C’est le cas de l’exposition Rotating Art, qui, comme son nom l’indique, fait «tourner l’art».
L’idée a germé en mai 2022 à l’initiative de la Banque européenne du Moyen-Orient (Bemo) en collaboration avec Gabriel Rizkallah, conférencier, marchand d’art et commissaire de cette exposition au sein de l’ambassade italienne. Le principe est de permettre aux œuvres de passer d’un lieu à un autre et d’un amateur à un autre puisqu’elles sont prêtées pendant un mois, voire plus, grâce à un tirage au sort qui les attribue à des amateurs d’art.
La démarche vise à sensibiliser à l’art et donne l’occasion d’admirer une œuvre chez soi. Ce sont les «amis» de l’initiative qui contribuent à prêter des œuvres à titre gracieux. Aujourd’hui, Rotating Art prend la forme d’une exposition qui a pour objectif de rendre l’art accessible à chacun, de le démocratiser et de faire connaître du grand public des artistes confirmés ou émergents.
Rotating Art se veut une exposition itinérante qui participe également de l’essor du marché de l’art et contribue à la découverte de talents. Elle est appelée à investir plusieurs lieux dans le pays, mais ambitionne aussi de s’exporter selon les artistes, les collectionneurs et les galeristes.
Cinquante artistes ont signé quelque soixante-huit œuvres de peinture, de sculpture et de photographie. On trouve notamment les peintres Hussein Madi, Elie Kanaan, Jamil Molaeb, Hassan Jouni, Hanibal Srouji, Youssef Abdelké, Mazen Rifaï, Nevine Matar, Oussama Baalbaki.
Dans le domaine de la sculpture, on peut découvrir les œuvres de Katya Traboulsi, Hady Sy, Alfred Basbous et Randa Nehmé, pour ne citer qu’eux. Et ce sont deux femmes, Marie-Noëlle Fattal et Anna Ward, qui occupent l’espace de la photographie. Trois galeries phares du Liban sont parties prenantes de ce projet: Saleh Barakat, Tanit et la Galerie Janine Rubeiz. Elles ont dû se limiter à quinze œuvres, faute de place.
Pour Gabriel Rizkallah, il est primordial de faire connaître les artistes libanais des services consulaires et culturels pour qu’ils rayonnent dans le monde entier. Il s’agit de conquérir des marchés étrangers, avec l’art local pour commencer – mais pourquoi pas, à l’avenir, l’art moyen-oriental. Son choix s’est porté sur l’ambassade d’Italie, un pays dont il affectionne particulièrement l’architecture, la culture et l’art. «Grâce à cette exposition, nous allons tenter de nous rapprocher d’autres ambassades afin d’organiser avec elles des manifestations similaires et de transmettre une autre image du Liban que celle qui est relayée par les médias», souligne-t-il.
L’ambassadrice d’Italie au Liban, Nicoletta Bombardiere, a déclaré pour sa part à Arab News que «son ambassade, pour qui le soutien à la culture est primordial, tient à mettre davantage en lumière ces artistes ainsi qu’à ouvrir ses portes aux événements culturels et sociaux afin d’inviter un public plus grand à le visiter et à prendre connaissance du travail de l’ambassade à Beyrouth».
Rotating Art n’est pas une simple exposition: l’association avec l’ambassade d’Italie permet de proposer des activités annexes, parmi lesquelles un concert de Pasquale Porciello, une conférence conjointe d’ONG italiennes et libanaises sur la coopération durable et la présentation du livre du journaliste italien Lorenzo Trombetta.
Par ailleurs, selon le commissaire de Rotating Art, le marché de l’art se porte bien, voire très bien depuis 2020, et il a connu un pic en 2021. «Au départ, avec le déclenchement de la crise financière, les gens voulaient sortir leur argent des banques et ils ont donc eu recours aux chèques bancaires pour investir et diversifier les placements. Comme le chèque bancaire a disparu par la suite, on s’attendait à une chute du marché, ce n’a pas été le cas», explique-t-il. Il y a eu un réajustement des prix, qui étaient excessifs, et les gens se sont découvert des âmes de collectionneurs par la même occasion. En outre, il s’agit d’un investissement plus simple, plus “liquide” et plus sûr étant donné les nombreuses crises qui secouent le monde. C’est aussi un investissement qui offre une plus-value intéressante», souligne Gabriel Rizkallah.
L’exposition a été inaugurée le 26 avril et elle se poursuivra à l’ambassade d’Italie jusqu’au 4 mai.