Plus que jamais, la France est au cœur du débat. Malgré les enjeux domestiques de taille, entre une économie bousculée par la pandémie et la nécessité d’entreprendre des réformes pour redresser les finances chancelantes de l'État, les priorités de l’Hexagone de Macron connaissent un revirement radical à la suite des événements qui ont tristement fait la une des journaux au cours des deux derniers mois.
Trois attentats majeurs ont récemment secoué la France et, avec elle, la communauté internationale, alors que le procès des attentats de 2015 se joue en arrière-plan. Les attentats, qui ne sont pas reliés, ont eu lieu en l’espace de trente-cinq jours avec pour dénominateur commun la réédition des caricatures diffamatoires par le magazine satirique très controversé, Charlie Hebdo. La décapitation du professeur Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine et les assassinats de Nice partagent quant à eux le même style monstrueux.
Dans ce contexte social et politique enflammé et polarisé, nous avons vu les vagues de solidarité d’usage déferler sur la nation le lendemain de ces événements qui ont touché la France dans son humanité. Mais l’automne 2020, qui a laissé l’Hexagone gravement meurtri, témoigne du retour de l’éternel débat, souvent ajourné, sur le sujet des minorités et de leur intégration.
Depuis son lancement en juillet 2020, Arab News en français participe à l’entreprise pilotée par Arab News qui consiste à repousser les limites du journalisme pour créer une meilleure compréhension de l’actualité. Nous cultivons l’art d’explorer toutes les pistes pour nous rapprocher de notre public, en fournissant à nos lecteurs les nouvelles les plus fiables et les recherches les plus crédibles.
Quelques semaines avant la dernière vague d'attentats, nous avions décidé de nous attaquer à la question de l'intégration en réalisant une enquête sur la perception qu’ont les Français d'origine arabe de leur vie en France. La suite des événements confirme encore une fois que nos regards sont tournés dans la bonne direction, et que nous déterminons les véritables enjeux avec une précision chirurgicale. Forts de données réelles obtenues sur le terrain, nous espérons contribuer avec une touche de rationnel au débat qui gagne en émotion sur les minorités, la religion et l'intégration.
Les résultats de l'enquête menée pour Arab News en français par YouGov montrent sans équivoque que la majorité des Français d'origine arabe et musulmane se considèrent intégrés. Ils se décrivent comme des citoyens français qui adhérent aux valeurs de la République. L’étude conclut cependant qu’en termes de perception une certaine stigmatisation subsiste au sein de cette communauté, la plus grande en France aujourd’hui. Ces résultats nous mettent devant une interrogation critique: l'intégration en France est-elle un problème systémique ou une histoire de perception?
Quelles que soient les réponses et les opinions liées à cette question complexe, elle reste pertinente dans le contexte actuel jusqu’à nouvel ordre.
La religion est le catalyseur principal, mais ce n’est pas une préoccupation exclusive à l'islam; d’après notre enquête, les juifs d'origine arabe croient aussi que leur religion constitue un obstacle à l’intégration sociale. Les chrétiens d'origine arabe ne partagent pas quant à eux le même sentiment.
Vieux de plusieurs décennies, le débat sur l'intégration est loin d’être tranché, son impact varie selon où l’on se place sur l’arbre généalogique, et, selon notre étude, il ajoute visiblement à l’écart générationnel.
On a tendance à croire que les jeunes français d'origine arabe nés en France sont mieux intégrés que leurs aînés. Notre enquête révèle le contraire: les jeunes générations ont un besoin viscéral de se brancher à leurs racines ancestrales, tandis que les individus plus âgés sont davantage attachés aux valeurs de la république française.
Les sondages exposent un problème d'exclusion sociale endémique qu'aucun gouvernement français n'a encore réussi à résoudre.
Tant que les jeunes ne seront pas entendus, ils n'écouteront pas. Les résultats nous amènent à penser que le fossé générationnel s'accompagne d'un manque de communication entre les institutions françaises et une grande partie des jeunes générations françaises. Dans le paysage médiatique (social) qui se profile aujourd’hui, les campagnes de recrutement de Daech comme les décapitations de Nice prouvent que l’establishment ne peut se permettre de voir s’installer les conséquences d’un détournement de l’attention des jeunes. En France, il est temps de rétablir le contact.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.
Twitter : @FaisalJAbbas
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com