Il est clair que l’accord conclu à Pékin le 10 mars entre l’Arabie saoudite et l’Iran a changé de manière dramatique la donne géopolitique dans la région, et pour cause: la majorité des acteurs dans la région du Moyen-Orient n’en était pas au courant. En effet, cet accord est venu rebattre les cartes sur la scène libanaise qui stagnait à la suite du blocage du processus de l’élection présidentielle.
Or, quelques jours avant que ne tombe la nouvelle parvenue de la capitale chinoise, le chef de la milice du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé officiellement son soutien à la candidature de l’ancien député Sleiman Frangié pour la présidence de la République, emboîtant le pas à son allié au sein du «duo chiite», le chef du Parlement Nabih Berri, qui avait annoncé que M. Frangié était le candidat du mouvement Amal. M. Berri avait présenté son candidat comme une figure consensuelle capable d’établir de bonnes relations avec l’Arabie saoudite, la Syrie et l’Iran, tout en insistant sur la volonté de son candidat de se lancer dans un dialogue national avec toutes les composantes politiques libanaises.
Au moment où l’accord de Pékin est révélé au monde entier, c’est une douche froide qui s’abat sur le camp pro-iranien, d’où les réactions mitigées et froides à l’encontre de l’accord.
M. Berri est allé plus loin dans sa campagne de soutien à M. Frangié, laissant entendre dans son cercle rapproché que ce dernier serait le plus en mesure de soutirer des concessions au Hezbollah et à la Syrie pour le compte de l’État libanais – à sous-entendre l’organisation d’une table ronde sur la stratégie de défense nationale pour débattre de la question du statut de la milice pro-iranienne et, parallèlement, le lancement de pourparlers avec le régime syrien sur la question des frontières poreuses, voire perméables entre les deux pays.
Néanmoins, au moment où l’accord de Pékin est révélé au monde entier, c’est une douche froide qui s’abat sur le camp pro-iranien, d’où les réactions mitigées et froides à l’encontre de l’accord. Le «duo chiite», composé du Hezbollah et du mouvement Amal, perd l’initiative, car l’accord entre les deux grandes puissances régionales change l’équation. Il n’est plus question de maintenir le rapport de force établi au Liban en faveur du Hezbollah depuis quelques années à force d’assassinats, de violences collectives et de terreur. Ce rapport de force tombe en désuétude. C’est le tour aux grands de la région de se réunir autour de la table pour essayer de sauver ce qui peut encore être sauvé au Liban.
Téhéran n’a jamais été conviée aux réunions parisiennes sur le Liban. Néanmoins, elle reste très influente dans la mesure où elle est responsable des agissements de sa milice libanaise.
Tout le monde dans le pays est désormais dans l’attente d’un certain dénouement qui viendrait de l’étranger, et pour cause: les principaux acteurs politiques et sécuritaires sur la scène libanaise, le Hezbollah en tête, devront se soumettre à la volonté de leurs parrains régionaux et internationaux respectifs. D’où l’importance des réunions qui se tiennent à Paris depuis quelques mois – la dernière en date s’est tenue entre les Français et les Saoudiens pour discuter de la marche à suivre au Liban afin de faire avancer les choses, à commencer par l’élection d’un nouveau président qui soit à la hauteur des défis du pays qui fait face à une multitude de crises d’une violence inouïe.
Il convient de noter que Téhéran n’a jamais été conviée aux réunions parisiennes sur le Liban. Néanmoins, elle reste très influente dans la mesure où elle est responsable des agissements de sa milice libanaise. Cette dernière ne pourra en aucun cas s’opposer à un deal régional en faveur d’un candidat consensuel que les puissances régionales – soutenues par les grandes puissances impliquées dans le dossier libanais – viendraient à désigner comme le prochain président de la République. Reste à savoir comment les forces politiques libanaises se comporteront à la suite d’une pareille entente. Vraisemblablement, tous se rangeront derrière un deal bien ficelé, qui comprendrait l’élection d’un président, la désignation d’un Premier ministre ayant pour mission de former le nouveau gouvernement, la définition des contours du gouvernement en question, de sa politique et de son programme, sur la base d’une feuille de route compréhensive déterminant la marche à suivre quant au sauvetage du pays sur les plans économique, financier et social.
La balle n’est désormais plus dans le camp des Libanais, qui manquent toujours de maturité politique. Place donc à une tentative de sauvetage venue d’ailleurs!
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.