France: derrière la colère contre la réforme des retraites, une profonde crise du travail

Des manifestants défilent dans une rue de Lyon, dans le centre-est de la France, le 8e jour de grèves et de manifestations à travers le pays contre le projet de refonte des retraites proposé par le gouvernement le 15 mars 2023. (AFP)
Des manifestants défilent dans une rue de Lyon, dans le centre-est de la France, le 8e jour de grèves et de manifestations à travers le pays contre le projet de refonte des retraites proposé par le gouvernement le 15 mars 2023. (AFP)
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Publié le Jeudi 16 mars 2023

France: derrière la colère contre la réforme des retraites, une profonde crise du travail

  • C'est la relation au travail qui singularise la société française, estiment des chercheurs
  • Le travail demeure «"important" pour plus de 80% des actifs, mais il n'est plus central, ce n'est plus forcément un espace de réalisation de soi», décrypte un chercheur

PARIS:Vue de Rome ou Berlin, la colère française contre la réforme des retraites est déroutante, dans un pays où l'âge légal de départ est l'un des plus bas d'Europe. Mais la crise révèle un profond questionnement en France sur le sens et la place du travail.

"En Italie, où l'âge légal de départ à la retraite est de 67 ans, le débat français semble un peu lunaire", expliquait récemment au Figaro Anaïs Ginori, la correspondante du quotidien Repubblica.

Idem pour les Allemands ou les Britanniques, qui ne partent pas avant au minimum 65 ans.

Le magazine britannique The Economist évoque "le coût de l'art de vivre" à la française en défendant la mesure au coeur de la réforme d'Emmanuel Macron, le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans, massivement rejetée par les Français.

Mais au-delà des clichés qui perdurent sur les Français fainéants ou accrochés à un modèle social dépassé, c'est la relation au travail qui singularise la société française, estiment des chercheurs.

"Dans d'autres pays européens, on est dans l'efficacité, et le rapport au travail est beaucoup moins passionnel", analyse ainsi Romain Bendavid, directeur du pole Work Experience à l'institut IFOP.

"Les cultures managériales sont très différentes, et la notion de bien être au travail, très importante par exemple dans les pays nordiques, n'est apparue que récemment en France", ajoute-t-il.

"Les Français sont plus nombreux que beaucoup de leurs voisins à accorder une grande importance au travail", abonde la sociologue Dominique Méda, et leurs attentes, quels que soient l'âge, le statut ou le genre sont "sans doute plus fortes qu'ailleurs, mais se fracassent sur la réalité des conditions d'exercice du travail", qui sont plus dures en France, insiste-t-elle.

La professeure de sociologie à l'Université Paris-Dauphine s'appuie sur l'enquête européenne Eurofound 2021: "les résultats mettent en évidence qu'il y a plus de contraintes physiques et psychiques en France qu'ailleurs, moins de consultation, moins d'autonomie, moins de reconnaissance (pas seulement salariale), plus de discriminations et de violence", énumère-t-elle.

«injuste et brutale»

"La retraite avant l'arthrite! " "On a bossé, c'est pas pour en crever!" les slogans qui ont fleuri dans les manifestations (huit journées d'action depuis le 19 janvier) ont mis en lumière la colère, voire le désespoir contre une réforme des retraites jugée "injuste et brutale".

"J'ai été caissière pendant 34 ans. Mes bras, je ne peux plus les bouger", racontait Monique Bourely, 60 ans, lors d'une manifestation fin janvier à Mende (sud), en qualifiant de "honte" le projet du gouvernement.

Pour Dominique Méda, il y a "une crise du travail qui a été complètement occultée jusqu'ici mais qui est révélée par la réforme des retraites, et qui explose à la figure du gouvernement".

Quête de sens, interrogations sur ses priorités... La crise sanitaire de 2020 et le grand confinement ont bien sûr joué un grand rôle, conduisant de nombreux actifs à réfléchir sur leur rapport au travail.

Les "premières lignes", personnels de santé, caissières, éboueurs... élevés au rang de "héros" pendant le confinement avant de retomber dans le plus parfait anonymat, sont parmi les premiers concernés, comme les ouvriers et employés, relève Mme Méda.

Mais la crise du travail touche aussi les cadres.

Débat philosophique 

"Le Covid a renforcé mes interrogations sur mon utilité sociale, et relativisé l'importance de mon travail", raconte Juliette Hamon, une secrétaire de rédaction de 50 ans.

"Ce qui me met en rage dans la réforme des retraites c'est qu'elle va affecter justement ceux qui n'ont pas le luxe de se poser ces questions, parce que le travail est une question de survie. Et on leur recule l'âge de départ à la retraite, qui est le seul moment où ils pourront donner de la place au reste", s'indigne-t-elle.

"Derrière la contestation de la réforme des retraites, il y a comme une psychanalyse générale, un débat philosophique", juge Romain Bendavid, en soulignant "l'effondrement de la place du travail dans la vie des Français".

Celle-ci, jugée "très importante" par 60% d'entre eux en 1990, ne l'est plus que pour 21% en 2022, selon les résultats d'une enquête pour la Fondation Jean Jaurès.

"Attention, il n'est pas question de dire que les Français sont paresseux. Le travail demeure "important" pour plus de 80% des actifs, mais il n'est plus central, ce n'est plus forcément un espace de réalisation de soi", décrypte le chercheur, pour qui le monde politique, que ce soit à droite ou à gauche, n'a pas appréhendé cette nouvelle réalité.


À Mayotte, après le cyclone Chido, fruits et légumes désertent les assiettes

Cette photographie montre un bâtiment détruit après le passage du cyclone Chido sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 14 décembre 2024 dans la capitale Mamoudzou. (AFP)
Cette photographie montre un bâtiment détruit après le passage du cyclone Chido sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 14 décembre 2024 dans la capitale Mamoudzou. (AFP)
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  • Le modèle agricole dominant est le "jardin mahorais", une forme de polyculture qui assure une certaine autonomie alimentaire à cet archipel de l'océan Indien

Mtsangamouji, France: Bananes et maniocs à terre, c'est le garde-manger d'Abdou Abdillah qui s'est envolé le 14 décembre. Le cyclone Chido a ravagé sa petite parcelle située à Mtsangamouji, dans l'archipel français de Mayotte, ne lui laissant que des débris d'arbres et de plantes à déblayer.

"C'était pour nourrir mes enfants, ma mère", regrette le cultivateur de 58 ans en tronçonnant un cocotier tombé il y a un mois. Depuis Chido, les légumes et les fruits ont quitté son assiette. A la place, "on mange du riz et des frites", déplore-t-il.

La situation l'inquiète d'autant plus que le ramadan approche. Son début est prévu vers la fin du mois de février et il ne sait toujours pas ce que sa famille aura pour le foutari, le repas de rupture du jeûne.

Ousseni Aboubacar, qui cultive la parcelle voisine, partage la même inquiétude car la nourriture n'aura pas repoussé d'ici là. "Si nous avons de la pluie, il faudra attendre sept, huit mois", prévoit l'habitant de 54 ans.

Le modèle agricole dominant est le "jardin mahorais", une forme de polyculture qui assure une certaine autonomie alimentaire à cet archipel de l'océan Indien. Essentiellement vivrière, cette agriculture disséminée sur des milliers de petites parcelles familiales a été dévastée par le cyclone, qui a aussi ravagé de nombreuses habitations.

Sur une pente au bord d'un bidonville, Issouf Combo, 72 ans, porte des coups de chombo (machette) au sol. "Je replante du maïs", indique-t-il tout en mettant deux graines dans un trou.

Là où il y avait auparavant du manioc et des bananes, il n'y a plus que de la terre rouge semée de débris. Cette parcelle était la principale source de fruits et légumes de cet habitant de Mangajou.

Depuis Chido, Issouf Combo et sa famille font leurs courses au marché "mais ça coûte cher", précise son petit-fils de 17 ans, Nassem Madi.

- Prix en hausse -

Car sur les étals des marchés, les prix ont augmenté. Celui de Nini Irene, à Chirongui (sud), affiche le kilo d'oignons ou de clémentines à cinq euros, le kilo de pommes ou de poires à quatre: c'est un euro de plus qu'avant le cyclone.

La vendeuse de 27 ans, qui achète ses fruits et légumes à "des Africains" les faisant venir de l'extérieur de l'archipel, explique la hausse par la rareté nouvelle des cultures.

"On nous a donné des sacs de 20 kilos d'oignons. Avant Chido, c'était à 35 euros, et maintenant à 70 euros", explique-t-elle. Dans ses bacs, plus rien ne vient de Mayotte. Elle voit seulement de temps en temps des brèdes mafanes et des concombres locaux sur les stands de ses voisins.

Venu acheter des oignons, Archidine Velou arrive encore à trouver ce qu'il lui faut, sauf les bananes. "Nos aliments de base, c'est le manioc et les bananes, ça va être compliqué", dit l'homme de 32 ans en évoquant l'approche du ramadan, qui revient sur toutes les lèvres.

Un peu plus loin, Rouchoudata Boina s'inquiète surtout de ne plus trouver de brèdes mafanes, une plante très populaire dans la région.

Celles qui avaient survécu à Chido ont été éprouvées par la tempête tropicale Dikeledi, la semaine dernière, dit-elle. "Comment je vais faire avec mes enfants ?", questionne cette mère d'une fratrie de cinq dont l'alimentation, faute d'argent, se base désormais sur les féculents: pâtes le matin, pain l'après-midi, riz le soir.

Prévoyant la pénurie, la préfecture de Mayotte a pris le 23 décembre un arrêté assouplissant les règles d'importation de végétaux.

"Il y a un besoin important d'approvisionner Mayotte en produits frais", justifie auprès de l'AFP Patrick Garcia, chef du service alimentation à la Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF). L'arrêté a engendré le renouvellement automatique pour six mois des permis d'importation de fruits et légumes.


Après la non-censure du PS, le gouvernement confiant pour le budget

Le Premier ministre français François Bayrou prononce un discours lors du débat précédant le vote de défiance à l'égard de son gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 16 janvier 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou prononce un discours lors du débat précédant le vote de défiance à l'égard de son gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 16 janvier 2025. (AFP)
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  • Grâce aux concessions accordées aux socialistes sur des points-clés des textes financiers, le gouvernement estime désormais qu'il survivra à l'épreuve du budget
  • "Grâce à la décision d'hier, nous aurons un budget", a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Éric Lombard

PARIS: Trêve hivernale pour François Bayrou ? Grâce aux concessions accordées aux socialistes sur des points-clés des textes financiers, le gouvernement estime désormais qu'il survivra à l'épreuve du budget. Mais le PS réfute tout accord et martèle que la censure reste sur la table.

"Grâce à la décision d'hier, nous aurons un budget", a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Éric Lombard sur BFMTV-RMC, au lendemain du vote contre la censure du gouvernement d'une grande majorité du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

Cette décision longuement mûrie par le PS "est basée sur des engagements que le Premier ministre a pris, qui calent les éléments les plus importants du budget", a analysé le ministre. "Donc sur le budget, je pense, mais c'est au Parti socialiste d'exprimer son point de vue, que nous avons un accord", a détaillé Éric Lombard.

Bercy trop confiant ? La réponse n'a pas tardé: "Non, il n'y a évidemment aucun accord avec les socialistes sur le budget", a martelé sur X le chef des députés PS Boris Vallaud.

"Notre décision d'hier est une mise à l'épreuve de la négociation et consolide nos premières avancées. Le chemin est encore long jusqu'au budget, la censure est toujours sur la table", a-t-il ajouté.

La veille, dans l'hémicycle, le patron du PS Olivier Faure, qui a pris un risque en assumant la mue réformiste d'un parti allié avec La France insoumise depuis 2022, avait déjà prévenu que son parti restait "dans l'opposition", prêt à dégainer une motion de censure si les engagements n'étaient pas tenus.

Dans une interview à Libération, le secrétaire général du PS Pierre Jouvet a précisé la ligne: "Le chemin est encore long jusqu’au budget" et le gouvernement sera "à chaque instant sous surveillance".

- "Relancer l'économie" -

En plus de la non-suppression de 4.000 postes dans l'Éducation, et de l'abandon du passage à trois jours de carence pour les fonctionnaires, les socialistes ont obtenu une négociation des partenaires sociaux sur la très controversée réforme des retraites de 2023.

Dans un cadre financier restreint, ils ont même arraché à la dernière minute l'engagement que le Parlement ait le dernier mot, même si l'accord trouvé entre les partenaires sociaux n'était que "partiel".

"Le fait qu'il y ait un budget qui soit en plus un budget où il n'y a pas de nouveaux impôts, va rassurer les entrepreneurs, va rassurer les chefs d'entreprise, va rassurer les artisans", d'autant plus que la BCE prévoit de poursuivre la baisse des taux, a souligné Eric Lombard.

Issu des rangs de la gauche, ce haut fonctionnaire est un ami personnel d'Olivier Faure. Et s'il a rencontré l'ensemble des groupes de gauche, sauf les Insoumis qui ont refusé, c'est bien avec les socialistes qu'il a été en contact permanent depuis dix jours.

Mais "si la copie finale n’est pas à la hauteur de nos attentes, qu’elle ne consacre pas plus de justice sociale, fiscale et écologique, affaiblit nos services publics (...) alors nous voterons contre ce budget sans état d’âme", a prévenu Pierre Jouvet.

- Examen au Sénat -

Dans le camp du Premier ministre, on se frotte tout de même les mains.

"Ça va apporter énormément aux socialistes dans leurs circonscriptions parce qu'ils ont quand même obtenu des trucs pour la gauche", veut croire un proche de François Bayrou.

Ne pas voter la censure donne "un signal très clair", assure un ministre et évite de laisser le gouvernement "de facto en tête à tête avec le RN".

Reste à savoir si l'examen du budget au Parlement ne fera pas hésiter un peu plus le PS.

En effet, la reprise du projet de loi de finances au Sénat depuis mercredi a fait grincer plus d'une voix à gauche. Le gouvernement, en quête d'économies, multiplie les coupes budgétaires de dernière minute, comme sur le budget des Sports, de la Culture ou sur l'aide publique au développement. Autant de coups de rabot rejetés par les sénateurs socialistes...

Sans compter que le gouvernement envisage, après l'examen au Sénat, de convoquer une commission mixte paritaire réunissant des élus des deux chambres pour forger un texte de compromis. Donc, en omettant la case Assemblée.


Faux Brad Pitt: une enquête pour escroquerie ouverte en France

Une enquête a été ouverte sur l'île de La Réunion pour tenter d'identifier les auteurs d'une escroquerie qui a permis de soutirer 830.000 euros à une Française convaincue d'aider financièrement l'acteur américain Brad Pitt, a-t-on appris vendredi de source policière. (AFP)
Une enquête a été ouverte sur l'île de La Réunion pour tenter d'identifier les auteurs d'une escroquerie qui a permis de soutirer 830.000 euros à une Française convaincue d'aider financièrement l'acteur américain Brad Pitt, a-t-on appris vendredi de source policière. (AFP)
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  • A ce stade, aucun suspect n'est identifié et les policiers de la brigade financière, chargée de l'enquête, cherchent à localiser les comptes ayant reçu les virements de cette femme qui a porté plainte à La Réunion, département français de l'océan Indien
  • Dans l'émission Sept à huit diffusée dimanche sur la chaîne privée TF1, une femme, prénommée Anne et âgée d'une cinquantaine d'années, a raconté avoir versé 830.000 euros à des escrocs se faisant passer pour la star américaine

SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION: Une enquête a été ouverte sur l'île de La Réunion pour tenter d'identifier les auteurs d'une escroquerie qui a permis de soutirer 830.000 euros à une Française convaincue d'aider financièrement l'acteur américain Brad Pitt, a-t-on appris vendredi de source policière.

A ce stade, aucun suspect n'est identifié et les policiers de la brigade financière, chargée de l'enquête, cherchent à localiser les comptes ayant reçu les virements de cette femme qui a porté plainte à La Réunion, département français de l'océan Indien.

Dans l'émission Sept à huit diffusée dimanche sur la chaîne privée TF1, une femme, prénommée Anne et âgée d'une cinquantaine d'années, a raconté avoir versé 830.000 euros à des escrocs se faisant passer pour la star américaine en lui envoyant de faux selfies, des documents d'identité falsifiés et en recourant à l'intelligence artificielle pour dissiper ses doutes.

Prétextant avoir besoin d'argent pour payer une opération pour un cancer du rein, le faux Brad Pitt a réussi à soutirer cette somme importante à cette femme, qui est aujourd'hui ruinée et a fait trois tentatives de suicide.

Depuis la diffusion de l'émission, elle fait l'objet de railleries de la part d'internautes moquant sa supposée crédulité. Le reportage a depuis été retiré de toutes les plateformes par TF1, après une "vague de harcèlement à l'encontre d'un témoin".

L'affaire est parvenue jusqu'à l'entourage de l'acteur, qui a mis en garde ses fans contre les escrocs utilisant son image.

"C'est terrible que des escrocs profitent de la forte connexion des fans avec des célébrités", a déclaré mardi un porte-parole de l'acteur au média Entertainment Weekly.

De escroqueries jouant sur les sentiments existent depuis le début des courriers électroniques, mais l'arrivée de l'intelligence artificielle a augmenté le risque de vol d'identité, canulars et fraude en ligne, selon les experts.