CHEVILLY- LARUE: "Le doute est chez nous mais aussi chez eux" : Jean-Luc Mélenchon et les députées LFI Rachel Keke et Mathilde Panot ont tenté, mercredi en meeting dans le Val-de-Marne, de requinquer les militants à la veille d'une possible adoption de la réforme des retraites.
Céline Jiquelle occupe l'une des 200 chaises en plastique disposées dans la salle Joséphine Baker de Chevilly-Larue, l'un des plus petits théâtres de meeting pour Jean-Luc Mélenchon et ses trois campagnes présidentielles.
La bataille des retraites, "on pense que c'est un peu perdu", "avec ce qui a été voté en commission paritaire mixte", soupire cette fonctionnaire territoriale de 41 ans, très attentive à la procédure parlementaire.
Céline Jiquelle suivra bien sûr le vote final au Parlement, jeudi. "Mais bon", souffle-t-elle, "il y a le 49.3", "et le contexte économique" car l'inflation dissuade de faire grève, synonyme de perte de salaire.
Pour contrer la résignation face à un gouvernement susceptible de faire adopter dès jeudi le report de l'âge de départ en retraite à 64 ans, Jean-Luc Mélenchon a confié à la tribune qu'il fallait comme lui tenter de "donner l'image de la force".
"Nous sommes la force parce que nous sommes le grand nombre. (...) Ne vous laissez pas détrousser".
Les deux dernières journées de manifestations drainent moins de participants, le taux de grévistes baisse. "Chaque fois que commence une grève, le jour de la première manif, on vous dit le mouvement s'essouffle", encourage le tribun.
Nerfs et cacahuètes
Avant lui, l'animateur de la soirée et conseiller municipal, Hadi Issahnane, a concédé que "le doute est dans le coeur et dans les esprits". "Il est chez nous mais aussi chez eux, regardez leur fébrilité, les bras d'honneur dans l'Assemblée nationale : quand le doute s'instille, les manières s'effacent".
Et les opposants à la réforme ont un avantage sur le gouvernement, assure-t-il : "Nous on a l'habitude d'être dans le doute, c'est une seconde peau, quand nous consultons notre compte en banque, quand nous pensons à l'avenir de nos enfants".
Un éboueur en grève, Ibrahim Sidibé, a aussi sonné le rappel des troupes : "Ne nous décourageons pas, ils jouent sur nos nerfs, en disant que le mouvement s'essouffle".
Il prévient, avec le sourire : "Certes c'est dur de faire grève mais je peux encore continuer trois semaines, me nourrir de cacahuètes".
A Paris et dans plusieurs autres villes, depuis une semaine, les ordures s'amoncellent dans les rues et les éboueurs sont devenus des héros du mouvement social.
Leur grève "fait paniquer les grands bourgeois", a raillé Rachel Keke, la députée de la circonscription, ancienne leader de la lutte des femmes de chambre de l'hôtel Ibis-Batignolles.
Elle dit avoir organisé le meeting "pour nous organiser, reprendre des forces et repartir" au combat.
Dans le public, Abdelaziz Elkrout, 41 ans, gardien d'immeuble et délégué syndical d'un bailleur social de Créteil, veut croire que la lutte n'est pas finie. Il mise sur la grève et la rue : "Les gens sont là, on lâche pas l'affaire. À l'Assemblée nationale, c'est déjà plié, mais c'est à nous de nous faire entendre, le peuple est pas encore totalement sorti".
"Une loi, ça peut s'abroger", renchérit Florent, professeur des écoles qui souhaite rester anonyme. Lui qui, avec sa compagne, a fait "cinq ou six manifestations" promet : "Pas question de baisser les bras".