Sous l'avalanche de nouvelles liées à l'Arabie saoudite depuis vendredi dernier, une étrange «exclusivité» des médias américains au sujet du «prix» à payer par le Royaume pour normaliser ses relations avec Israël est passée inaperçue. Sans surprise, cette «nouvelle» – j'utilise ce terme au sens large – a été éclipsée par le pacte saoudo-iranien révolutionnaire conclu avec l’aide de la médiation chinoise.
Le soi-disant «prix» à payer n’est pas une information inédite, rien de neuf à ce sujet. Elles sont d’ailleurs qualifiées d’idées, elles sont en discussion depuis l’ère de Donald Trump. Son gendre et principal conseiller Jared Kushner a mené les efforts visant à résoudre le conflit israélo-palestinien. Un haut responsable saoudien a confirmé à Arab News que la dernière fuite de ces termes ne provenait pas du Royaume, ce qui signifie que la source était probablement un conseiller américain de haut niveau ayant des liens avec Israël ou jouant un rôle dans la sécurité nationale.
J'ai moi-même eu vent de certaines de ces «conditions» saoudiennes lors d'une réunion d'information de haut niveau l'année dernière, au cours de laquelle il a clairement été indiqué qu'elles ne pourraient être discutées qu'APRÈS avoir trouvé une solution pour les droits des Palestiniens – ce qui a toujours été la première des conditions pour Riyad.
Il s'agit pour l’Arabie saoudite de disposer des mêmes droits et privilèges que certains des pays qui ont signé des traités de paix avec Israël. Des questions telles que le droit à l'utilisation civile de l'uranium, l'adhésion partielle à l'Otan et le fait d'être considéré comme un allié stratégique des États-Unis pourraient toutes être discutées une fois qu'une solution à la question palestinienne aura été trouvée.
«Si les deux journaux américains qui ont publié cette «nouvelle» avaient fait quelques recherches, ils auraient découvert que leur "scoop" avait déjà été publié dans i24 en Israël en décembre dernier et dans le Jerusalem Post en janvier.»
Faisal J. Abbas
En outre, si les rédacteurs du Wall Street Journal et du New York Times – qui ont publié ces «nouvelles informations» – avaient fait quelques recherches, ils auraient découvert que leur «scoop» avait déjà été publié dans i24 en Israël en décembre dernier et dans le Jerusalem Post en janvier.
Pour les médias israéliens, il est compréhensible que ces informations soient remontées rapidement. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou venait d'être réélu et avait fait campagne en faisant de la normalisation avec l'Arabie saoudite une priorité. Évidemment, comme un haut responsable saoudien me l'a dit à l'époque, cet élément de la rhétorique de Netanyahou était destiné à la campagne et à la consommation internes d'Israël. Il a également soulevé la question lors d'un entretien avec la chaine saoudienne Al Arabiya en décembre de l'année dernière. Cette apparition a été présentée par certains partisans du Premier ministre israélien comme une première (à tort, puisqu'il avait également accordé une interview à Al Arabiya au mois d'août).
Alors, puisqu’il n'y a rien de nouveau, pourquoi écrirais-je sur ce sujet ? Premièrement, parce que le pacte avec l'Iran (en supposant que le régime de Téhéran s'y tienne) a mis un coup de projecteur sur les relations entre l'Arabie saoudite et Israël ; deuxièmement, parce que les conditions saoudiennes méritent d’être détaillées. Ces raisons sont étroitement liées.
Il a été suggéré que l'accord avec l'Iran nuit à une éventuelle normalisation saoudienne avec Israël, l'administration Biden étant coupable d'avoir aliéné le Royaume au point qu'il a choisi les Chinois comme médiateurs. Cela est en partie vrai, mais pas totalement. Comme je l'ai dit dans ma dernière chronique, la Chine a été choisie uniquement parce que Pékin a une influence sur l'Iran, et cela n'a rien à voir avec la relation avec les États-Unis. En outre, la Maison Blanche a déclaré qu'elle était au courant des discussions et le secrétaire d'État, Antony Blinken, a salué l'accord.
Bien sûr, on peut faire valoir que si Téhéran se comporte bien à l'avenir, Israël perd la carte importante de «l'ennemi de mon ennemi est mon ami». Mais je dirais que cette carte n'aurait jamais été viable car elle repose sur trop de variables.
Ce qui est durable, en revanche, c'est ce que l'Arabie saoudite préconise depuis longtemps: une solution juste et équitable au sort des Palestiniens. Depuis des décennies, l’Arabie saoudite affirme qu'elle considère le conflit israélo-palestinien comme un conflit territorial et non comme une guerre idéologique. Contrairement aux Iraniens et à leurs mandataires, nous ne souhaitons pas jeter les Juifs à la mer ni supprimer l'État d'Israël. Il est clair qu'une solution juste exige des dirigeants palestiniens audacieux et compétents, et la reconnaissance de leur réputation bien méritée de ne jamais manquer une occasion de rater une occasion.
«Ce qui est durable, c'est ce que l'Arabie saoudite préconise depuis des décennies: une solution juste et équitable au sort des Palestiniens.»
Faisal J. Abbas
D'autre part, le nouveau gouvernement d'extrême droite de Netanyahou est allé trop loin dans l'oppression et l'intimidation des Palestiniens. La condamnation est venue de leurs plus proches alliés à Washington, des membres de la communauté juive américaine et même des citoyens israéliens qui sont descendus dans la rue pour manifester. Les opérations militaires d'Israël ont également embarrassé les signataires des accords d'Abraham (les Émirats arabes unis ont condamné l'agression israélienne à la mosquée Al-Aqsa et au camp de réfugiés de Jénine), ce qui rend plus difficile pour d'autres pays d'envisager de suivre la même voie.
Quant aux autres conditions saoudiennes, je les considère comme le résultat naturel de la normalisation des relations avec Israël. Après tout, personne n'a rien à craindre de l'exploitation par l'Arabie saoudite de ses réserves d'uranium. Quant à l'adhésion à l'Otan à un titre ou à un autre, je pense que le problème est plus vaste et qu'il est lié à la politique américaine qui fait volte-face. D'une part, les responsables américains répètent oralement qu'ils s'engagent à assurer la sécurité de l’Arabie saoudite, mais refusent de le faire par écrit ou dans un cadre formel.
La déclassification des Houthis en tant que groupe terroriste et le retrait des batteries de missiles Patriot – alors que des civils saoudiens étaient attaqués – laissent encore un goût amer dans la bouche de Riyad.
Lorsque la Maison Blanche de Biden refuse à l'Arabie saoudite les moyens de se défendre, refuse de garantir par écrit la sécurité de l'Arabie saoudite (alors qu'elle ne sait que trop bien que c'est dans son propre intérêt) et négocie avec l'Iran sur tous les sujets, à l'exception de la sécurité de ses propres alliés, on ne peut reprocher à Riyad de chercher d'autres solutions pour défendre son peuple, par exemple en acceptant l'offre de médiation de la Chine.
Israël, quant à lui, est victime de dommages collatéraux résultant des relations tendues entre l'Arabie saoudite et les États-Unis, ainsi que des blessures qu'il s'inflige lui-même à cause de la façon dont il traite les Palestiniens. La bonne nouvelle, c'est qu'en dépit de l'accord conclu avec l'Iran, Israël peut encore espérer normaliser ses relations avec l’Arabie saoudite. Toutefois, Israël devrait d'abord s'inspirer de l'Ancien Testament: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News
Twitter: @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com