PARIS: Le président Emmanuel Macron a fait savoir mercredi soir qu'il "souhaite aller au vote" jeudi à l'Assemblée nationale sur sa réforme contestée des retraites, après une huitième journée de manifestations et de grèves en France.
M. Macron "souhaite aller au vote" jeudi à l'Assemblée nationale, a déclaré l'Elysée mercredi soir à l'issue d'une réunion du chef de l'Etat avec la Première ministre Elisabeth Borne et des ministres.
"Nous devons mobiliser tous les parlementaires dans un esprit de responsabilité", "les consultations se poursuivent demain pour continuer la mobilisation", a-t-on dit dans l'entourage du président à la veille de ce vote décisif et encore incertain quant à l'existence d'une majorité en faveur de la réforme.
Le président n'envisage pas "à ce stade" de la faire adopter par un 49.3, l'article de la constitution qui permet d'adopter un texte sans vote, a-t-on appris de sources concordantes dans le camp présidentiel.
Députés et sénateurs ont trouvé un accord mercredi sur une version commune du projet contesté, avec la mesure la plus décriée, le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite.
Jeudi, ce texte sera soumis au vote du Sénat, où la majorité de droite et centriste devrait sans surprise l'approuver, puis à l'Assemblée nationale, où le camp présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue.
Là, le vote est incertain: si le parti de droite Les Républicains dit vouloir adopter la réforme, de nombreux frondeurs dans ses rangs entretiennent le suspense.
"Je dis aux parlementaires, ne votez pas cette loi, elle est déconnectée de la réalité concrète du travail", a lancé mercredi Laurent Berger, secrétaire général du syndicat réformiste CFDT.
L'intersyndicale "appelle solennellement les parlementaires à voter contre le projet de loi". Les huit principaux syndicats français tiendront une conférence de presse devant l'Assemblée nationale jeudi pour tenter de peser une ultime fois sur le vote.
Depuis le 19 janvier, des millions de Français ont déjà manifesté pour dire leur refus de cette réforme, mercredi ayant été la 8e journée de mobilisation.
Le recul de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans cristallise la colère. Les opposants à cette réforme la juge "injuste", notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles.
Le gouvernement français a choisi de relever l'âge légal de départ à la retraite pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.
La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite ne soient complètement comparables.
Manifestants moins nombreux
Un total de 480 000 personnes ont défilé mercredi en France, dont 37 000 à Paris, contre la réforme des retraites à l'appel des syndicats, selon un comptage du ministère de l'Intérieur.
Pour cette 8e journée de mobilisation, le syndicat CGT a dénombré 1,78 million de manifestants. Samedi dernier, 368 000 personnes avaient défilé en France, selon le ministère de l'Intérieur, dont 48 000 à Paris.
Interpellation d'une femme qui avait agressé un pompier à Paris
La police a interpellé mercredi à Paris en fin de manifestation contre la réforme des retraites une femme connue pour avoir agressé un pompier lors d'un rassemblement dans la capitale le 1er mai 2022, a-t-on appris de source policière.
Le 1er mai 2022, un casque de "street médic" - ces bénévoles qui prodiguent des soins aux blessés lors de manifestations- sur la tête, elle avait agressé un sapeur-pompier en intervention.
Cette agression avait été largement diffusée sur les réseaux sociaux.
Interpellée rapidement, cette femme, présentée comme faisant partie de la mouvance d'extrême gauche, avait été condamnée le 1er juin 2022 à dix mois de prison ferme et à une interdiction de venir dans la capitale pendant un an.
Mardi 7 mars à Paris lors de la journée de mobilisation contre la réforme des retraites, elle était apparue sur des vidéos partagées sur les réseaux sociaux non loin du lieu où une voiture de SOS Médecins avait été dégradée, a-t-on rapporté de source policière.
Mercredi, les forces de l'ordre l'ont repérée de nouveau dans la capitale et l'ont interpellée en fin de manifestation place d'Italie, a-t-on ajouté de même source, en rappelant qu'elle était toujours sous le coup d'une interdiction de paraître à Paris.
Déchets amoncelés dans Paris
Au dixième jour de grèves des éboueurs opposés à cette réforme dans les rues de Paris, l'amoncellement des poubelles dans cette capitale mondiale du tourisme s'est encore aggravée, avec plus de 7 600 tonnes de déchets encombrant les trottoirs, selon la mairie.
Les éboueurs et agents de propreté de la Ville de Paris ont voté mardi soir la poursuite de la grève "au moins jusqu'au 20 mars".
En réaction, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a informé mercredi soir la maire socialiste Anne Hidalgo de sa décision de réquisitionner des agents pour évacuer les poubelles, a-t-on appris dans son entourage.
Outre le ramassage des déchets dans plusieurs villes de France, les grèves reconductibles se poursuivent dans plusieurs secteurs clés.
Les grévistes du syndicat CGT Energie ont ainsi menacé de faire baisser la pression dans les réseaux de gaz, sans quoi les grévistes s'en chargeront, ce qui pourrait priver de gaz des centrales et certains clients industriels.
Les salariés de quatre terminaux méthaniers français et de 11 sites de stockage ont reconduit leur grève jusqu'au début de la semaine prochaine.
Plusieurs raffineries étaient toujours en grève et les transports ferroviaires et aériens restaient perturbés.
Le président Macron joue une part importante de son crédit politique sur cette réforme, mesure phare de son second quinquennat et symbole de sa volonté affichée de réformer, mais qui cristallise la grogne d'une partie des Français à son encontre.