Les relations franco-africaines, le nouveau paradigme

Lors de la dernière visite africaine du président français, Emmanuel Macron, au début du mois de mars, le locataire de l'Élysée a déclaré la fin de la Françafrique. (AFP)
Lors de la dernière visite africaine du président français, Emmanuel Macron, au début du mois de mars, le locataire de l'Élysée a déclaré la fin de la Françafrique. (AFP)
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Publié le Lundi 13 mars 2023

Les relations franco-africaines, le nouveau paradigme

Les relations franco-africaines, le nouveau paradigme
  • Lors de la dernière visite africaine du président français, Emmanuel Macron, au début du mois de mars, le locataire de l'Élysée a déclaré la fin de la Françafrique
  • Deux zones monétaires liées au franc français (puis à l'euro) ont été instaurées en Afrique occidentale et centrale après la décolonisation

Lors de la dernière visite africaine du président français, Emmanuel Macron, au début du mois de mars, le locataire de l'Élysée a déclaré la fin de la Françafrique. Ce terme, à connotation souvent péjorative, remonte à la période coloniale. Il désigne les rapports spéciaux entre la France et ses anciennes colonies en Afrique. 

L'empire colonial, enterré officiellement dès 1960, aurait continué à fonctionner, par le biais d’accords exceptionnels dans différents domaines, militaires et stratégiques, économiques, financiers et culturels. 

Deux zones monétaires liées au franc français (puis à l'euro) ont été instaurées en Afrique occidentale et centrale après la décolonisation et elles continuent à fonctionner encore aujourd’hui. Des bases militaires françaises ont été maintenues dans plusieurs pays du continent. Des témoignages dignes de foi ont dévoilé à plusieurs reprises les interventions occultes des services français dans les affaires internes d’États africains sous forme de coups d'État armés, d’ingérence dans les guerres civiles et de luttes de pouvoir. 

Les pays africains constituent l'ossature de la francophonie, l'institution qui incarne la puissance et l'influence de la France sur l'échiquier mondial. 

Depuis 1989 – à l’époque, c’était le socialiste François Mitterrand qui était au pouvoir –, les différents chefs d'État français n’ont eu de cesse de déclarer la fin de la Françafrique. Mitterrand, qui a prôné l'ouverture démocratique et la libéralisation politique en Afrique après la fin de la guerre froide, a fustigé les rapports néocoloniaux entre son pays et ses anciens protégés africains. 

La France est accusée de mener en Afrique une politique de «double standard» vis-à-vis des régimes militaires et des changements anticonstitutionnels en soutenant les juntes alliées, tout en sanctionnant les pouvoirs issus de coups d'État.

- Seyid Ould Abah

Cependant, le rôle de l'armée française dans le génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994, reste controversé et constitue une page noire dans les relations franco-africaines. S'ajoute à ce rôle présumé (à la fin du second mandat de Mitterrand) l'intervention militaire française en Côte d'Ivoire en 2002, appelée «opération Licorne», dans un contexte de guerre civile sanglante. Cette opération de «maintien de paix» était une consécration de la politique de «pré carré africain» issue de l'époque gaulliste. 

François Hollande, le deuxième président socialiste de la France contemporaine, a lancé en 2013 l'«opération Serval» au nord du Mali pour éradiquer le spectre terroriste qui commençait à menacer toute la bande du Sahel. Cette opération militaire, élargie par la suite aux pays de la région, répondait aux nouveaux soucis géopolitiques de la France, désormais concurrencée sur son espace stratégique vital par plusieurs puissances internationales (Chine, Russie, Turquie…). 

Les deux dernières années ont vu dans la région du Sahel le retour des régimes militaires. Elles ont été marquées par la recrudescence des sentiments antifrançais dans un environnement sécuritaire et politique chaotique. Les dirigeants français, qui ont condamné les changements anticonstitutionnels des gouvernements en Afrique, ont été mis à l’index par de nouvelles élites qui se sont approprié le pouvoir par les armes. 

La France est accusée de mener en Afrique une politique de «double standard» vis-à-vis des régimes militaires et des changements anticonstitutionnels en soutenant les juntes alliées, comme en Guinée ou au Tchad, tout en sanctionnant les pouvoirs issus de coups d'État au Mali et au Burkina Faso. 

La perspective de la fin des programmes de coopération militaire avec la France dans plusieurs pays africains s'inscrit dans cette tendance de repositionnement géopolitique au détriment de la domination française héritée du legs colonial. 

Le président Macron a répété lors de son déplacement dans l'Afrique centrale que l'ère de «la Françafrique» était «maintenant terminée». Cette déclaration solennelle a cependant été suivie de propos jugés condescendants et paternalistes qui ont été mal accueillis par les dirigeants africains. 

Au cours des conférences de presse et des entretiens qu’il a donnés dans les pays récemment visités, Macron a gardé la même attitude hautaine et méprisante vis-à-vis des élites africaines. Lors de la visite de Macron au Congo, le président de ce pays, Félix Tshisekedi, a interpellé son hôte en ces termes: «Regardez-nous autrement en nous considérant comme des partenaires, et non avec un regard paternaliste.»

 Cette formule traduit clairement le nouveau paysage des relations franco-africaines dans un contexte qui impose le changement d’un paradigme géopolitique qui a longuement caractérisé les rapports entre la France et ses anciennes colonies.

 

Seyid ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l'université de Nouakchott,Mauritanie et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l'auteur de plusieurs livres en philosophie et pensée politique et stratégique. 
 

Twitter: @seyidbah
 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.