KAYSERSBERG : Tartare de cerf au caviar, anguille du Rhin aux agrumes.... Alsacien de coeur et grand chasseur, le chef Olivier Nasti revisite les traditions culinaires de sa région d'adoption en mettant à l'honneur le gibier, sa spécialité.
Si le guide Michelin met cette année l'Alsace en lumière en choisissant Strasbourg pour décerner ses précieuses étoiles, lui a depuis longtemps jeté son dévolu sur la gastronomie locale.
Après plusieurs expériences à l'étranger, ce Belfortin d'origine a posé ses valises en 2000 à Kaysersberg, village haut-rhinois aux typiques maisons à colombages niché au coeur du vignoble alsacien.
Depuis, il collectionne les distinctions: une première étoile en 2004, une deuxième en 2014, un titre de cuisinier de l'année du guide gastronomique Gault et Millau en novembre...
Dernière récompense en date, il a été désigné lundi cuisinier de l'année du palmarès Pudlo Alsace 2023, le critique gastronomique Gilles Pudlowski saluant sa "version de l'Alsace militante, conquérante et savoureuse".
Au point que certains lui prédisent une troisième étoile.
A quelques jours de la cérémonie, "vous ne pouvez pas éviter d'y penser parce qu'on vous le rappelle constamment", reconnaît le chef de 56 ans, tout en ajoutant qu'"avec le temps on se met une carapace".
Meilleur ouvrier de France en 2007, Olivier Nasti ne se destinait pourtant pas à la cuisine. Elevé par une mère comptable, il se voyait paysan ou boulanger, avant d'entrer en apprentissage dans un deux étoiles à Belfort, le Château Servin.
"Je n'avais pas forcément la passion dès le départ, c'était même un peu compliqué et puis j'ai un chef qui m'a transmis cette passion."
Sa femme Patricia et ses deux filles Manon et Clara, 27 et 23 ans, travaillent dans l'entreprise familiale, une demeure du XVIIIe siècle à la façade rouge. L'établissement regroupe un hôtel- spa, une boulangerie - "Levain" - le gastronomique "La Table d'Olivier Nasti" et la Winstub, restaurant typique alsacien.
Raifort, munster, chou
Avant de se poser pour de bon en Alsace, Olivier Nasti y avait déjà vécu, travaillant notamment à la prestigieuse Auberge de l'Ill.
"J'ai découvert un chef, Paul Haeberlin, qui ne vivait que par les traditions, qui a porté ça au plus haut niveau mondial, ça a été révélateur (...) J'ai réalisé que c'était cette cuisine-là qui me plaisait."
La table d'Olivier Nasti, 40 couverts, revisite ce patrimoine gourmand. Dès les amuse- bouches baptisés "l'Alsace en quelques bouchées", le ton est donné: la part belle est donnée aux produits locaux comme l'escargot, le munster, le raifort ou le chou.
Ce passionné de chasse, qui a décoré bar et restaurant de trophées et animaux empaillés, excelle dans l'art de préparer le gibier, proposant par exemple un inattendu tartare de cerf au caviar.
Dans la vaste cuisine où il invite volontiers ses clients, le chef donne le tempo, vérifie une cuisson: "ça manque presque un peu de croustillant les feuilles de chou", remarque-t-il.
"Chaque détail pour moi a de l'importance, chaque petite sauce, petite garniture ne doit pas être là inutilement".
«Toujours plus de service»
Côté vin, une épaisse carte est consacrée aux vins alsaciens et une seconde au reste du monde. Aux manettes, le chef sommelier Jean-Baptiste Klein, lui aussi meilleur ouvrier de France.
Malgré les récompenses, les dernières années ont été chaotiques, entre le confinement qui a forcé l'équipe à se réinventer, puis une fois cette crise surmontée, la forte hausse des prix.
"On a augmenté nos tarifs mais par contre on a travaillé la qualité, la provenance, les produits de niche, on essaye d'amener toujours plus de service, un joli environnement et pour le moment ça marche, les clients nous suivent", se réjouit-il.
Le menu dégustation du chef, en sept plats, est à 325 euros par personne.
Lundi, la cérémonie des étoiles Michelin rassemblera des chefs de la région - l'Alsace compte 33 étoilés - de France mais aussi d'Europe.
"C'est comme un grand sportif qui s'entraîne toute une vie pour aller faire une finale de Jeux olympiques. Quand il est devant la ligne il veut terminer premier", compare le chef, lui-même adepte des treks et qui a gravi le Kilimandjaro l'an dernier.