Le monde pétrolier était en effervescence, à la fin de la semaine dernière, au sujet des spéculations selon lesquelles les Émirats arabes unis (EAU) pourraient être sur le point de se retirer de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
Si les réunions des poids lourds du comité ministériel de l’Opep+, qui supervise la production et la conformité plus tôt dans la semaine, ont offert un spectacle divertissant, il semblerait que la question ne représente au bout du compte qu'à peine plus qu'une tempête dans un baril de pétrole.
Les informations selon lesquelles Abu Dhabi envisagerait de se retirer de l'Opep, dont il est membre fondateur, étaient fondées sur des briefings de responsables anonymes. Elles ont toutefois été rapportées par des organes de presse réputés. Il était donc tentant de croire que quelque chose se cachait derrière les gros titres qui annonçaient différends, escalades et tensions.
Selon les reportages, le retrait de l'Opep faisait partie d'une série de scénarios envisagés par les EAU, alors que l'organisation se demandait s'il fallait poursuivre l'augmentation de l'offre au mois de janvier, comme elle s'était engagée à le faire avec l'accord historique sur les réductions du mois d’avril, auquel on attribue le fait d'avoir sorti le marché mondial du pétrole du plus grand gouffre de son histoire.
L’hypothèse était la suivante: les EAU commençaient à être fatigués de voir leur approvisionnement limité par l'accord de l'Opep. En tant que l'un des pays producteurs les moins chers de l'Opep, il avait de meilleures chances de maximiser ses revenus et de satisfaire les intérêts nationaux stratégiques en dehors de l'accord.
Aucun calendrier n’a été évoqué, et il faut souligner que le retrait n’était qu’une des possibilités envisagées, et certainement pas un accord conclu.
Des preuves circonstancielles venaient étayer cette hypothèse. Au cours de l'été, les EAU n’ont pas respecté leurs limites Opep+, affirmant qu'ils devaient augmenter leur production, en grande partie pour répondre à la demande intérieure, et ils ont ainsi légèrement contrarié la hiérarchie Opep+.
En réponse, les EAU ont réaffirmé leurs engagements envers l'accord Opep+ et ils se sont engagés à compenser la surproduction. Le ministre émirati de l'Énergie, Suhail al-Mazroui, est apparu à Riyad lors d’une manifestation de l'unité Opep+, aux côtés de son homologue saoudien, le prince Abdelaziz ben Salmane, qui est également coprésident du comité ministériel.
Après l'apparition des nouvelles concernant le retrait des EAU, Al-Mazroui a de nouveau prêté allégeance aux EAU à l'Opep, soulignant son rôle de «membre fiable et de longue date» qui a toujours été «ouvert et transparent» dans son accord avec l'Opep – il est donc peu probable qu’il soit en mesure de se retirer d’une façon non transparente.
Certains experts en énergie ont qualifié les rapports d’outranciers, voire d’erronés, mais c'est ignorer le constat suivant: une personne occupant un poste de haut niveau au sein de l'infrastructure énergétique des Émirats arabes unis a parlé aux journalistes de la possibilité d'un retrait des EAU, même à un niveau très hypothétique.
D'autres analystes pétroliers ont estimé qu'il était «impensable» que les EAU quittent l'Opep, soulignant que cela causerait un grand préjudice à l'organisation et, par extension, aux marchés mondiaux de l'énergie dont dépendent les Émirats arabes unis, ainsi que tous les autres membres de l'Opep+.
Ces voix plus modérées ont également fait entendre ce qu'elles considèrent comme une preuve irréfutable que les Émirats arabes unis restent attachés à l’Opep: les marchés pétroliers eux-mêmes ne pouvaient apparemment pas faire état d'un retrait des EAU, à en juger par la forte hausse des prix du pétrole brut dans les jours qui ont suivi la spéculation.
Le pétrole brut Brent s'échangeait à plus de 45 dollars le baril (1 dollar = 0,85 euro) à la fin de la semaine dernière, malgré les rumeurs sur la disparition de l'Opep et l'approvisionnement plus important que prévu de la Libye. Les commerçants ne semblent pas croire que se joue quelque chose d'aussi cataclysmique qu'une rupture imminente de l'Opep.
Il est vrai que l'Opep+ fait face à quelques semaines critiques. L'augmentation ou non de l'offre à partir du mois de janvier est une décision cruciale qui déterminera la santé des marchés pétroliers, alors qu'ils passeront en mode de récupération en 2021 grâce aux vaccins contre la Covid-19 et à la reprise économique qui en résultera.
Mais il semble très peu probable que les décideurs politiques de l’énergie d’Arabie saoudite et de Russie, les deux principales forces au sein de l’alliance Opep+, doivent également faire face à une menace imminente venant des EAU contre l’unité de l’organisation.
Frank Kane est un journaliste économique primé qui habite Dubaï.
Twitter : @frankkanedubai
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com